Dans un article de recherche publié en avril 2021 dans Physical Review Letters, des physiciens annoncent avoir découvert un nouvel isotope de l’uranium, qu’ils nomment uranium-214. Cette nouvelle forme d’uranium a une masse et un comportement très rares, ce qui pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre les « particules alpha ».
Qu’est-ce que l’uranium-214 ?
Les isotopes des éléments ont un nombre inchangé de protons (92 pour l’uranium), mais un nombre variable de neutrons. Or, les neutrons ont une masse : leur quantité fait donc aussi varier la masse globale de l’élément.
C’est pour cette raison que l’uranium-214 a pour particularité d’être l’élément d’uranium le plus léger obtenu à ce jour. Il ne compte effectivement « que » 122 neutrons, alors que, par exemple, l’uranium naturel plus répandu (l’uranium-238, qui caractérise 99 % de l’uranium dans le monde) en comporte 146. Cette légèreté offre aussi un cadre d’étude très utile aux scientifiques : avec 122 neutrons, cette forme d’uranium est la plus stable à notre disposition, car la plus proche du nombre 126, soit le nombre de neutrons qui offre le plus stabilité.
Mais ce qui rend aussi l’uranium-214 très utile pour faire avancer la physique, c’est qu’il a un comportement jamais vu auparavant dans un atome d’uranium. Et le phénomène en question se déroule durant la phase de désintégration.
L’énigme des particules alpha
Une phase de la désintégration radioactive des éléments est désignée comme « désintégration alpha ». Cette phase a ceci de particulier que le noyau atomique de l’élément perd alors un groupe de deux protons et deux neutrons. Ensemble, ce groupe de protons et neutrons s’appelle « particule alpha ». Ce qui est sûr, c’est que cette éjection a lieu. En revanche, il y a bien des choses qui restent peu comprises : comment se forme cette particule alpha ; comment deux protons et deux neutrons adoptent collectivement ce comportement dans la phase de désintégration ? L’expérience récemment publiée apporte peut-être un début de réponse.
Pour créer l’uranium-214, les chercheurs ont projeté un rayon d’argon sur du tungstène — l’ajout de protons et de neutrons dans cette configuration spécifique a généré cette nouvelle forme d’uranium. Après la création, ils ont pu observer très directement la désintégration alpha. Or, les chercheurs se sont alors rendu compte qu’il y avait quelque chose d’étonnant avec la demi-vie de l’uranium-214, c’est-à-dire le temps pour que la moitié de la radioactivité de l’échantillon disparaisse.
L’isotope le plus courant de l’uranium (le 238) fait partie de ceux qui ont les plus grandes demi-vies : en l’occurrence, plusieurs milliards d’années (autour de 4,5 milliards, environ l’âge admis de la Terre). Or, la demi-vie du très léger uranium-214 est de 0,52 milliseconde. Une différence impressionnante. Cela a donné l’idée aux chercheurs d’étudier la demi-vie de la désintégration alpha chez deux autres isotopes, plus léger que l’uranium-238 le plus répandu, mais plus lourd que l’uranium-214 : l’uranium-216 et l’uranium-218. Il se trouve que la demi-vie alpha est de 2,25 millisecondes pour le premier, 0,65 milliseconde pour le second.
La rapidité de la déinstégration alpha apparait donc proportionnelle à la légèreté de l’élément, et donc à son nombre de neutrons. Car au cœur du processus de désinstégraion se trouve l’une des quatre forces naturelles qui permet à la matière d’exister : « l’interaction forte ». Il semble donc que l’interaction forte entre neutrons et protons est particulièrement puissante dans ces éléments plus légers de l’uranium. Cette découverte pourrait constituer la toute première preuve par l’expérience que l’interaction forte protons-neutrons joue un rôle déterminant dans la désintégration alpha, ce qui constitue une piste prometteuse pour comprendre ce processus jusqu’ici très flou.
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