Connaissez-vous tous les projets que SpaceX a en tête avec le Starship ? L’entreprise n’a pas seulement l’intention de remplacer les fusées Falcon 9 et Falcon Heavy pour envoyer simplement des satellites en orbite autour de la Terre. Au détour de sa documentation, de son site web et des déclarations que l’entreprise et Elon Musk ont faites au cours des dernières années, voici tout ce qui est prévu.
Quels sont les buts de SpaceX avec Starship ?
Envoi de satellites avec Starship
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : le Starship, en tant que successeur à la fois des lanceurs Falcon 9 et Falcon Heavy, va reprendre les missions qu’ils assument déjà, à commencer par l’envoi de satellites sur diverses orbites. SpaceX estime pouvoir le faire d’ailleurs « à un coût marginal par lancement inférieur à celui de ses véhicules Falcon actuels ».
Le Starship pourra s’adapter selon les besoins de ses clients : il pourra toujours envoyer une grappe de plusieurs dizaines de mini-satellites en un seul voyage (à l’image de ce qui est fait pour Starlink), expédier entre un et trois satellites télécoms, ou bien entre un et deux, et en laissant l’espace restant à des clients plus modestes, qui veulent envoyer par exemple des cubesats, via un « covoiturage spatial ».
L’entreprise regarde aussi du côté des télescopes spatiaux. « Avec un compartiment de charge utile plus grand que n’importe quelle coiffe actuellement en service ou en développement, Starship ouvre la voie à de nouvelles missions, notamment à des télescopes spatiaux encore plus grands que le James-Webb », fait valoir la société. Ce télescope doit être transporté par une fusée Ariane 5.
Ravitaillement de l’ISS
Depuis 2012, SpaceX assure des opérations de ravitaillement entre la Terre et la Station spatiale internationale (ISS) avec la fusée Falcon 9. On en dénombre plus de vingt à ce jour, dans le cadre de contrats commerciaux avec la Nasa. L’entreprise est aussi capable de ramener sur Terre du fret. Aujourd’hui, ces opérations sont effectuées avec le coupe capsule Crew Dragon et fusée Falcon 9.
Le Starship doit remplacer ce couple d’ici quelques années, avec une capacité de transport bien plus importante que ce qui est permis avec le Dragon 2 (six tonnes) en orbite terrestre basse — l’ISS gravite à 400 km d’altitude. Le Starship peut délivrer plus de 100 tonnes en orbite terrestre basse. Ce sont ses capacités maximales, pas ce qui sera envoyé à l’ISS à chaque fois.
Rotation d’équipage pour l’ISS
Exactement comme pour le ravitaillement de l’ISS, SpaceX entend se servir du Starship pour transporter des équipages à bord de la Station spatiale internationale. La société effectue déjà cette mission avec le lanceur Falcon 9. Trois vols habités ont d’ailleurs eu lieu depuis 2020. Dans le cas du Starship, il se décline en deux versions : une version habitée et une version qui ne l’est pas.
Dans le cas des rotations à venir pour l’ISS, les équipages concernés sont de taille réduite : moins d’une dizaine d’individus. À titre d’exemple, les vols opérés par SpaceX ont concerné au maximum quatre individus à chaque fois Il faut dire que la Station ne peut pas accueillir trop de monde. Au-dessus de six, il n’y a plus assez de lits disponibles, ce qui nécessite de dormir parfois dans des capsules.
Tourisme spatial avec Starship
Le tourisme spatial intéresse aussi SpaceX. On sait que l’entreprise doit convoyer des civils à bord de l’ISS à partir de 2022, mais ça sera avec une fusée Falcon 9. Quatre vols sont annoncés pour l’instant, entre 2022 et 2023. À l’avenir, nul doute que des rotations équivalentes auront lieu avec le Starship. Par contre, c’est bien avec le Starship qu’il y aura un vol privé autour de la Lune.
C’est un milliardaire japonais, Yusaku Maezawa, qui a financé ce projet, prévu pour 2023. Il y a un processus de recrutement en cours pour sélectionner huit volontaires, via le projet dearMoon, afin d’accompagner l’astronaute nippon. L’annonce du projet remonte à 2017. Sans doute trop pris par l’enthousiasme, Elon Musk avait évoqué comme échéance initiale un survol de la Lune dès 2018.
Sur le papier, le voyage doit durer un peu plus de cinq jours. Le vaisseau spatial partirait des États-Unis, procéderait à une insertion orbitale et effectuerait une boucle autour de la Terre pour se lancer vers la Lune — une manœuvre propulsive d’injection translunaire. Ensuite, nouvelle boucle autour du satellite, puis retour vers la planète bleue, avant de se poser là où ils sont partis, en Floride.
Appui à la station lunaire
En mars 2020, la Nasa a confirmé SpaceX comme premier partenaire de l’agence américaine pour acheminer du ravitaillement vers la future station spatiale lunaire LOP-G (Lunar Orbital Platform-Gateway). Puis en février 2021, SpaceX a remporté un contrat pour transporter les premiers éléments de la future station spatiale autour de la Lune.
Pour ces deux missions, l’emploi du Starship n’a pas été évoqué — la Nasa a d’abord illustré sa première annonce avec une scène imaginaire montrant un nouveau vaisseau cargo, le Dragon XL, en route vers la Lune après avoir été mis sur orbite par le lanceur Falcon Heavy, puis, pour sa seconde annonce, elle a fait savoir que l’envoi des premiers modules de LOP-G se fera avec la fusée Falcon Heavy.
Cela étant, la station spatiale lunaire a vocation à durer dans le temps et le déploiement des premiers modules n’est pas attendu avant mai 2024, au mieux. D’ici là, SpaceX aura peut-être achevé la conception du Starship — et peut-être effectué son fameux tour lunaire en 2023. On peut donc s’attendre à ce que ce nouveau véhicule prenne le relais pour les missions de ravitaillement ultérieures.
Installation sur la Lune avec le Starship
« Le développement de bases pour soutenir la future exploration spatiale nécessite le transport de grandes quantités de marchandises vers la Lune pour la recherche et le développement des vols habités. Starship est conçu pour transporter ces éléments de base », écrit SpaceX dans sa documentation. Il s’avère que l’entreprise a signé un deal avec la Nasa en ce sens pour la Lune en 2019.
Parmi le transport de charges utiles pourront figurer par exemple des véhicules, des sources d’alimentation électrique, des vivres, du matériel, des pièces de rechange, des démonstrateurs divers ou bien des expériences scientifiques. Mais ce n’est pas tout : SpaceX pourra aussi faire la navette pour les astronautes entre la Lune et son orbite, pour des missions d’exploration.
Le transport d’astronautes sera en fait assuré en binôme par le Starship de SpaceX et le Space Launch System de la Nasa. Le SLS transportera quatre astronautes à bord du véhicule spatial Orion, pour le voyage de plusieurs jours jusqu’à l’orbite lunaire. Ensuite, un transfert de deux astronautes sera opéré dans le Starship Human Landing System (HLS) de SpaceX, qui fera la liaison avec la surface.
Ravitailleur
Pour quitter la Terre, une fusée a besoin de consommer énormément de carburant. Encore plus si elle transporte des charges utiles particulièrement lourdes. Une fois en orbite, ses réservoirs sont pour ainsi dire vides. C’est pourquoi SpaceX planche sur une version ravitailleur du Starship, qui servirait en quelque sorte de station essence dans l’espace, en transférant du carburant à d’autres vaisseaux de l’entreprise.
« Faire le plein en orbite est essentiel pour les charges utiles élevées vers la Lune ou Mars », notait Elon Musk, en 2019. La même année, la Nasa se mettait au travail avec SpaceX sur ce sujet, de façon à assurer un transfert de manière rapide, efficace et sûre. Ainsi, un Starship habité en route vers la Lune pourrait faire une halte à côté d’un ravitailleur, avant de repartir. Cela pourrait aussi bénéficier aux voyages vers Mars.
Dans un descriptif présentant un vol vers Mars, SpaceX souligne le caractère décisif de ce type de technologie : « le remplissage en orbite permet de transporter jusqu’à 100 tonnes jusqu’à Mars ». La version ravitailleur serait sans aucun hublot et SpaceX souhaite le rendre réutilisable. Quant à au transfert de carburant, il se ferait en connectant l’arrière des deux vaisseaux spatiaux. En théorie.
Nettoyage de l’orbite terrestre
Starship, futur éboueur de l’espace ? C’est la perspective qu’a esquissée la présidente de SpaceX, Gwynne Shotwell à TIME. « Il est tout à fait possible que nous puissions tirer parti du Starship pour aller vers certaines de ces fusées mortes – les fusées d’autres personnes bien sûr – pour aller ramasser certains de ces déchets dans l’espace », a-t-elle déclaré en octobre 2020, dans des propos rapportés par Futurism.
Le nettoyage de l’orbite est un enjeu qui concerne tout le monde, y compris SpaceX, dont les activités spatiales doivent tenir compte de la présence d’un grand nombre de débris, de différentes tailles et répartis sur une multitude d’orbites. Si la situation n’est aujourd’hui pas catastrophique, des initiatives de plus en plus concrètes se mettent en place pour dégager au moins les carcasses les plus grosses.
Paradoxalement, SpaceX est en train de se retrouver dans une situation où l’entreprise est susceptible d’encombrer beaucoup l’orbite terrestre. Non pas à cause de ses fusées, car elles sont conçues pour rentrer sur Terre, mais par son projet de constellation satellitaire Starlink pour connecter le monde entier. À terme, il y aura des dizaines de milliers d’engins et donc autant de risques.
Militarisation de l’espace
SpaceX pourrait éventuellement envisager de déployer des armes dans l’espace, pour le compte des États-Unis, si cela participe à la défense du pays. C’est ce qu’a confié Gwynne Shotwell, la présidente et directrice opérationnelle de SpaceX lors du symposium Air Space Cyber, en septembre 2018. SpaceX remplit déjà certaines missions pour le compte de l’armée, concernant l’envoi de satellites militaires.
Cette militarisation de l’espace — il serait plus juste de dire arsenalisation pour décrire l’arrivée des armements, car l’emploi de l’espace à des fins militaires a déjà cours depuis des décennies — pourrait aussi se traduire par des opérations de transport très rapides vers un théâtre d’opérations, depuis la Terre, ou bien en mobilisant des équipements qui seraient déjà positionnés en orbite, près à être déposés au sol.
Vols intercontinentaux par le Starship
En 2017, une vidéo promotionnelle de SpaceX montrait, à grand renfort d’images de synthèse, des voyages intercontinentaux utilisant non pas des avions, mais des fusées partant de bases flottantes, au large des côtes. Avec ce mode de transport, on pourrait rejoindre n’importe quelle destination en moins d’une heure, y compris un New York-Shanghai, un Londres-Dubaï ou un Athènes-Sydney.
Ces vols suborbitaux seraient mis en œuvre par le Starship. Selon SpaceX, la version taillée pour le transport de passagers peut accueillir une centaine de personnes — c’est moins par rapport à un avion de ligne et les tickets pourraient être très onéreux, ce qui laisse à penser que seule une très riche clientèle y aura accès. D’après Elon Musk, un premier essai de tir d’un Starship sur une base flottante surviendra en 2022.
Il faut savoir que SpaceX a acheté en 2020 deux anciennes plateformes pétrolières, via une filiale. Elles sont en train d’être rénovées et adaptées en spatioports marins. Pour l’heure, ces superstructures serviront aux missions traditionnelles de SpaceX. Mais à (beaucoup plus) long terme, ce ne sont peut-être pas des satellites qui partiront de ces bases, mais des voyageurs se rendant ailleurs sur Terre.
Transport interplanétaire
On entre davantage dans de la science-fiction. Cela étant, SpaceX explique sur son site web que « la construction de villes sur Mars nécessitera la livraison, à un prix abordable, de quantités importantes de marchandises et de personnes ». L’entreprise déclare que le moment venu, elle s’appuiera alors sur le Starship. Depuis des années, Elon Musk évoque régulièrement la colonisation de Mars.
« SpaceX a été fondé dans le but de rendre la vie multiplanétaire. Le programme Starship réalise cet objectif avec la configuration habitable du Starship », dit l’entreprise. En théorie, le Starship pourrait transporter jusqu’à 100 personnes d’un coup, vers la Lune ou Mars, ce qui pose évidemment la question du ravitaillement et de la gestion du moral à bord, car les trajets prendront des jours ou des mois selon la destination.
Voyage vers sur Mars avec Starship
D’une certaine façon, une bonne partie des capacités que SpaceX entend obtenir avec le Starship vise un unique objectif : le voyage vers Mars. Cela nécessiterait évidemment un profond aménagement du Starship pour rendre le voyage supportable — il faut environ six mois pour rejoindre la planète rouge. En 2016, Elon Musk avait imaginé une zone vie dans le vaisseau où l’on pourrait passer le temps.
Le vol ne se fera pas d’une traite :il faudra se ravitailler autour de la Terre ou de la Lune. Il n’y a pas que le voyage vers Mars qui sera un défi : ne pas mourir en arrivant au sol en sera un autre. « Le Starship entrera dans l’atmosphère de Mars à 7,5 km/s », évalue la société. Le bouclier thermique doit éviter de carboniser tout le monde en résistant aux très hautes températures lors de l’entrée dans l’atmosphère.
Exploration du Système solaire
Et ensuite ? Une fois l’orbite terrestre conquise, l’arrivée sur la Lune assurée et le voyage vers Mars maîtrisé ? Pourquoi ne pas explorer le reste du système solaire ? On est ici dans la science-fiction la plus complète, mais SpaceX a aussi esquissé des voyages vers les plus grosses planètes du système solaire, à savoir Jupiter et Saturne, et certaines de leurs lunes, comme Titan, Encelade et Europe.
On peut bien rêver un peu.
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