C’est un scénario construit de toutes pièces, mais ce n’est pas non plus de la science-fiction. Du 26 au 30 avril 2021, des experts se sont réunis afin de travailler sur un exercice d’impact fictif d’un astéroïde sur la Terre, dans le cadre de la Conférence de défense planétaire (Planetary Defense Conference). Jour après jour, le scénario a évolué, de la découverte de l’objet imaginaire jusqu’à l’issue de la simulation, suscitant des interrogations : de quoi est fait l’objet, où va-t-il tomber, comment le dévier ou le faire exploser ?
Le déroulé du scénario fictif
Quel était le scénario (rappelons-le, entièrement fictif et ne décrivant aucun risque avéré d’impact avec un astéroïde) de cette édition 2021 ?
- Cet astéroïde fictif est découvert le 19 avril 2021, et nommé « 2021 PDC » par le Centre des planètes mineures (cette dénomination avec trois lettres ne serait jamais utilisée pour un véritable astéroïde, ce choix a été fait pour souligner encore une fois qu’il ne s’agit pas d’un vrai objet).
- Le lendemain, les systèmes de surveillance de la Nasa et de l’ESA identifient un risque d’impact potentiel le 20 octobre 2021 (encore une fois, c’est pour de faux), soit seulement 6 mois plus tard, avec une faible probabilité (1 chance sur 2 500).
- On connait mal les caractéristiques de l’objet, surtout sa taille : elle est estimée à 120 mètres en moyenne (mais pourrait varier entre 35 et 700 mètres). Lors de sa première détection, sa distance à la Terre est estimée à 57 millions de kilomètres. Il s’en approche à la vitesse de 5 km/s.
- Les astronomes continuent de l’observer les nuits suivantes, et la probabilité d’un impact augmente peu à peu.
Cette année encore, comme lors des précédentes éditions (6 depuis 2009) l’exercice s’est soldé par un « échec » : les experts n’ont pas réussi à éviter (le faux) impact, qui s’est produit en Allemagne. Aucune mission spatiale (fictive) n’a pu être lancée à temps pour espérer détourner l’astéroïde de sa trajectoire ou le perturber. C’est probablement l’enseignement le plus important qui est à retirer de l’événement : il faudrait anticiper davantage, avec une vision à plus long terme, pour espérer atténuer les risques potentiels.
« Il faut impérativement faire l’inventaire de ces objets »
Cet exercice montre bien l’importance de connaître autant que possible les objets qui nous entourent dans l’espace. Les astéroïdes n’arrivent pas de nulle part, comme l’explique l’ESA : ils évoluent sur des orbites autour du Soleil, pendant des milliers d’années. « Il nous faut impérativement pouvoir faire l’inventaire de ces objets, pour être capables de savoir bien à l’avance qu’un objet va nous tomber dessus. Là, nous n’avions que 6 mois, et en 6 mois on ne monte pas une mission », explique à Numerama l’astrophysicien Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS, responsable du groupe de planétologie du laboratoire Lagrange de l’observatoire de la Côte d’Azur, et spécialiste des astéroïdes.
Cet exercice souligne bien à quel point il est essentiel d’avoir du temps pour mieux connaître le potentiel objet impacteur (si cela venait à se produire, ce qui est pour l’instant improbable). « Quand on découvre un astéroïde, on a que sa luminosité. La luminosité dépend, dans le visible, de la fraction de lumière qui est réfléchie. Un objet très sombre peut être très gros et faiblement lumineux », poursuit l’astrophysicien.
Dans cette perspective, l’expert souligne l’importance d’une future mission menée par la Nasa, baptisée « Near-Earth Object Surveillance Mission » (« Mission de surveillance d’objet géocroiseurs »), qui va observer dans l’infrarouge pour dresser un inventaire des objets de plus 140 mètres. Le choix d’un télescope infrarouge n’est pas anodin : « Dans le visible, la luminosité n’est pas directement proportionnelle au diamètre. Dans l’infrarouge, elle est directement proportionnelle au diamètre », décrit Patrick Michel. Ceci dit, connaître le diamètre d’un objet potentiellement dangereux ne suffirait pas, car « si l’objet est très poreux, il sera moins massif que s’il n’est pas poreux ».
Le temps, le facteur le plus problématique
Il n’en reste pas moins que faire l’inventaire de ces objets est essentiel si l’on veut espérer dévier un potentiel impacteur. « Si on a fait cet inventaire, on a besoin de moins d’énergie pour le dévier. Si on le dévie 10 ans avant, en changeant sa trajectoire de quelques centimètres, on peut imaginer qu’il rate la Terre de 1 000 kilomètres 10 ans après », décrit l’astrophysicien (les nombres sont ici choisis au hasard, mais donnent un ordre d’idée).
Et avant même d’envoyer une mission de déviation, l’idéal serait d’avoir le temps de mener une première mission pour étudier davantage l’objet et la façon dont il pourrait réagir si on le touche. « Cette mission précurseur nous aidera à comprendre si on a un objet poreux, et à mieux estimer l’énergie d’impact quand il va taper sur la Terre, pour savoir si on évacue ou pas, par exemple », explique Patrick Michel.
Disposer d’assez de temps, dans ce contexte, « c’est essentiel, affirme le scientifique. Si on a la capacité de connaître tous ces objets, on élimine ce facteur-là, qui est le plus problématique ».
Comme le résume l’ESA dans le communiqué cité plus haut, « nous ne pouvons pas empêcher ce que nous ne pouvons pas prévoir ». L’exercice de simulation d’impact mené fin avril 2021 a démontré l’importance de réaliser cet inventaire des objets. « Cela va probablement nous dire qu’il n’y a aucune menace sur notre existence. C’est le plus probable, vu les fréquences d’impact. Mais s’il y en a une et si on le sait bien à l’avance, on a les moyens de faire quelque chose », conclut Patrick Michel.
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