Savoir précisément ce qui passe sur son territoire, et dans le reste du monde, c’est le fantasme de tous les gouvernements, et de nombreuses entreprises. Avec le dernier projet de la Chine dans l’imagerie satellitaire, cela pourrait devenir beaucoup plus simple. Comme le révèle le South China Morning Post le 30 avril 2021, l’Académie des sciences de Chine a lancé une base de données d’images satellitaires de très grande envergure, afin d’améliorer la précision des outils de reconnaissance, sur ce type de données.
La base contient plus de 15 000 images satellitaires haute définition, sur lesquelles les équipes ont labellisé un million d’éléments (ponts, intersections, terrains de foot, etc.). Les images proviennent à plus de 80 % des nouveaux satellites Gaofen que Pékin a lancés. L’équipe a complété sa base avec des images de Google Earth. La base de données baptisée FAIR1M (pour Fine-grAined object recognItion in high-Resolution remote sensing imagery) sera ouverte aux scientifiques du monde entier en juin 2021, précise le South China Morning Post. Selon les scientifiques ayant travaillé sur le projet, ce catalogue est des centaines de fois plus vaste que ce que proposent les bases de données des autres pays.
Scruter l’activité économique des autres pays
Créer une base de données de ce type est habile. Les images satellitaires regorgent de trésors d’informations pour qui sait les étudier correctement. Elles donnent par exemple de nombreux indices sur l’activité économique réelle d’une zone (quantité de camions de fret qui y circulent, quantité de voitures sur les parkings des supermarchés, etc.). Elles aident à suivre l’évolution des cultures agricoles, ce qui permet d’estimer les futures récoltes et d’identifier les zones requérant des actions spécifiques (irriguer davantage, etc.) pour mieux se porter.
En 2019, la MIT Technology Review notait d’ailleurs que le secteur de l’analyse d’images satellitaires était en plein boom, porté par l’arrivée de satellites plus petits — et donc moins onéreux — sur le marché.
Les IA spécialisées dans l’analyse d’images satellites se heurtent cependant à une limite : la quantité encore restreinte d’images sur lesquelles il est possible de les entraîner. Les très nombreux sets d’images prises à terre ne sont en effet pas vraiment pertinents, ici, puisqu’une infrastructure a une forme très différente, selon qu’elle est vue du sol ou du ciel.
Repérer des sites militaires ou nucléaires
La vaste base de données créée par les scientifiques chinois sera donc précieuse pour les entreprises et les organismes qui souhaitent entraîner leurs intelligences artificielles. Elle contient des éléments qui permettront d’analyser les données à un niveau de précision inédit. On ne parle plus simplement, ici, de détecter la présence d’un bateau ou d’un avion sur une zone mais d’identifier son modèle, et de déterminer s’il s’agit d’un équipement militaire ou commercial. Des possibilités ouvertes par le minutieux travail de classification que l’équipe du FAIR1M a mené, en labellisant une très grande variété de situations.
Pour les avions, par exemple, la base de données contient de quoi entraîner une intelligence artificielle à distinguer des Boeing 737, 747, 777 et 787. Côté bateaux, elle dispose d’éléments permettant d’apprendre aux intelligences artificielles à identifier des bateaux de guerre, des bateaux de pêche, des remorqueurs ou des cargos, La catégorie Véhicule contient aussi bien des vues de petites voitures, que de vans, de tracteurs, de bus ou de camions de fret. Les sportives et sportifs n’ont pas été oubliés avec une catégorie « Terrain » qui rassemble toutes sortes de structures : du terrain de foot au terrain de tennis, en passant par le terrain de baseball et le terrain de basket.
Évidement, un tel niveau de connaissance fait redouter la manière dont ces informations pourraient être utilisées à mauvais escient. Comme le notait la Technology Review en 2019, il est possible d’étudier la quantité de bâtiments allumés la nuit pour évaluer le dynamisme économique d’une zone, mais cela peut tout autant servir à des cambrioleurs qui voudraient repérer des habitats régulièrement inoccupés. Les images satellites pourraient également aider des terroristes ou des pays malintentionnés à repérer des sites très sensibles (militaires, nucléaires, etc.) afin de les cibler.
On s’interroge également sur la manière dont la Chine — qui opère déjà sur sa population une surveillance inquiétante — pourrait tirer parti de tels outils afin de resserrer son contrôle. De meilleurs outils d’analyse satellitaires peuvent cependant aussi permettre de lutter contre des abus de ce type. C’est entre autres, grâce aux images satellites, rappelle le MIT, que l’on a pu voir que les soi-disant « camps d’éducation » destinés aux Ouïghours en Chine, étaient en réalité entourés de miradors et de fils barbelés.
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