En 2016, une bulle médiatique s’est créée autour des sociétés étasuniennes Planetary Resources et Deep Space Industries, qui envisagent l’exploitation des ressources minérales sur des astéroïdes. Bien qu’évanescents, ces projets audacieux ont participé au débat ambiant concernant l’exploration spatiale et son usage pour notre civilisation. De la même manière, cet épisode met en évidence une problématique tout aussi centrale : la crise des ressources planétaires.
Révélatrice de cette urgence, l’idée d’exploiter des objets célestes témoigne de la crise que traverse notre civilisation, grande consommatrice de ressources minérales. L’accélération de la transition écologique visant à lutter contre le changement climatique s’accompagne en retour d’une forte demande en minerais pour les technologies supposées décarbonées et pour la maintenance des infrastructures existantes ou la réalisation de nouvelles.
Si les projets miniers se multiplient à la surface terrestre, de nouveaux fronts sont aussi envisagés.
La mine dans l’espace et le miroir aux alouettes
Lorsque la jeune pousse Planetary Resources, dirigée par Chris Lewicki, débarque dans le paysage du secteur spatial au début des années 2010, ses dirigeants sont ambitieux : ils promettent de franchir une nouvelle étape dans la conquête spatiale avec l’exploitation minière des astéroïdes.
Dès 2012, ce projet séduit de nombreux investisseurs privés, à commencer par Larry Page et Éric Schmidt, dirigeants de Google, mais aussi le réalisateur James Cameron.
Cet enthousiasme traverse l’Atlantique jusqu’à intéresser le secteur spatial du Grand-Duché du Luxembourg. La législation nationale est adaptée en conséquence, de façon à faciliter le développement de ce secteur considéré comme stratégique par le pays tandis que sa diplomatie se mobilise pour accroître les synergies. Ainsi, au cours de l’été 2016, l’État luxembourgeois, par le biais de la Société nationale de Crédit et d’Investissement (SNCI), déboursa 12 millions d’euros pour acquérir 10 % de Planetary Resources.
Deux ans plus tard, ce partenariat tourne au fiasco : alors que l’entreprise américaine est en proie à des difficultés financières, le gouvernement luxembourgeois revend ses parts pour une somme symbolique. Controverse dans le pays : l’investissement consenti n’a pas permis le financement d’un projet de recherche comme l’exigeait le protocole d’accord signé entre les deux parties.
Malgré ce faux pas, l’engagement de ce pays européen dans l’exploration minière dans l’espace lui permet de se positionner à l’international pour devenir une interface sur ce créneau en reliant l’investissement et l’innovation.
À cet égard, la participation du Luxembourg au projet de la NASA Artemis est un prolongement de sa politique dans ce domaine. Artemis constitue un consortium international autour des États-Unis pour retourner et s’installer sur la Lune.
La mission Hayabusa-2
Le Japon, autre membre du projet Artemis, s’intéresse aussi à l’étude scientifique de la composition d’astéroïdes, une étape d’exploration de potentielles ressources minérales.
En décembre 2020, la sonde spatiale Hayabusa-2 est revenue sur Terre après une mission de six années pour effectuer un passage sur l’astéroïde Ryugu. La finalité de cette mission scientifique était de mettre en évidence l’éventuelle présence de composants primordiaux du système solaire (mais l’affichage scientifique permet aussi de justifier l’idée de prospection spatiale).
L’opération, prouesse technique, s’est soldée par la collecte de 5,4 grammes de matériel en provenance de cet astéroïde, pour un coût de 16,4 milliards de yens (126 millions d’euros). De même, le 20 octobre 2020, Osiris-Rex, une sonde spatiale de la NASA, a effectué un bref touch-and-go, d’une durée de six secondes seulement, sur l’astéroïde Bennu en vue de collecter de la poussière (régolithe).
Son retour sur Terre avec l’échantillon est prévu pour 2023. Le coût de la mission est d’environ 800 millions de dollars US, plus celui de la fusée de lancement Atlas V, qui représente environ 183,5 millions de dollars US.
Ces exemples exposent l’énormité des coûts financiers pour une telle entreprise alors que la Lune fait l’objet désormais de toutes les attentions pour sa potentialité minière. Du fait des limites physiques liées à la gravitation et à l’énergie, le coût de ces activités dans l’espace extra-terrestre est extrêmement élevé, ce qui limite leur viabilité.
La perspective des fonds marins
Pour anticiper les besoins croissants en minerais de l’économie internationale, l’exploitation minière des fonds marins est souvent vue comme une solution en raison de l’immensité de ces espaces.
Parmi les pays intéressés, la Norvège pourrait accorder dès 2023 des licences à des entreprises intéressées comme Nordic Ocean Resources AS, filiale du groupe Nordic Mining ASA, pour l’exploitation minière en eaux profondes qui contiendraient du cuivre, du zinc, du cobalt, de l’or et de l’argent. Les estimations moyennes indiquent la présence de 6,9 millions de tonnes de cuivre sur le plateau continental norvégien.
C’est en janvier 2021 que le ministère du Pétrole et de l’Énergie annonce cette possibilité, concluant trois années d’expéditions dans ses fonds marins, ce qui positionne le pays nordique à l’avant-garde de cette nouvelle filière minière.
Le Japon a des plans similaires avec l’éventuel démarrage de l’exploitation de ses fonds marins à partir de 2026. Au Canada, c’est la jeune entreprise DeepGreen, basée à Vancouver, qui a annoncé réunir 150 millions de dollars US d’investissements en 2019 pour débuter l’exploration des richesses minérales d’une partie de l’océan Pacifique – signe d’une confiance croissante dans l’avenir de cette industrie.
Cependant, la mise en œuvre d’un tel cahier des charges dépend tout d’abord des prix des métaux sur le marché et de la réduction des coûts d’exploitation dans l’environnement marin.
Ensuite, les conséquences d’une telle entreprise sur cet écosystème sont au cœur des préoccupations : des scientifiques mettent en garde contre un passage trop rapide de l’exploration à l’exploitation compte tenu du peu de connaissances à disposition sur l’environnement des grands fonds marins et la vie qu’il abrite.
Si les entreprises minières développent un discours positif, fondé sur le besoin des minéraux critiques pour la transition écologique, elles affichent leurs ambitions comme une nouvelle frontière dans l’histoire de l’exploration humaine. Or, de telles activités perturberaient de manière considérable un écosystème encore mal décrit, et sans doute essentiel dans l’équilibre du monde océanique.
La bataille de la régulation
En raison de ces incertitudes, l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) planche depuis plusieurs années sur l’élaboration d’un futur code minier, élément incontournable pour l’encadrement d’éventuelles opérations extractives.
Le débat autour de la régulation de ces activités fait rage : si l’ISA préconise une adaptation de la réglementation au fur et à mesure de l’engagement des acteurs miniers dans les fonds marins, d’autres jugent qu’il serait difficile de modifier les règles de conduite une fois l’extraction lancée.
Cette question est cruciale pour l’exploitation des fonds marins en haute mer. C’est le cas de la zone de fracture de Clarion-Clipperton (CCZ) qui s’étend des îles Hawaï jusqu’à la péninsule de Basse-Californie. Cette immense région de l’océan Pacifique détiendrait 247 millions de tonnes de réserves de nickel et 226 millions de tonnes de réserves de cuivre.
Toutefois, des études ont démontré que ces espaces recèlent une biodiversité unique dont la densité est renforcée par la présence de nodules polymétalliques situés entre 4 et 5 kilomètres de profondeur.
Sur terre comme en mer, la préservation des équilibres écosystémiques se pose comme un critère de délibération lorsque des projets miniers sont discutés. Si les activités extractives dans la profondeur des océans ne comblent pas celles qui ont cours sur terre, elles sont vues comme un complément nécessaire pour répondre aux futurs besoins. Comme pour l’espace, ces initiatives soulèvent la difficile question de la captation de ressources dans des zones de plus en plus éloignées, loin de nos sociétés.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Florian Vidal, Associate Fellow, Université de Paris et José Halloy, Professeur de physique – Physics professor, Université de Paris
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