La manière dont les trous noirs évoluent en gobant de la matière, phénomène connu sous le nom d’accrétion, serait indépendante de leur taille. C’est ce qu’avance une équipe de scientifiques dans une étude publiée le 17 mai 2021 dans The Astrophysical Journal. Autrement dit, les trous noirs les plus imposants (supermassifs) avaleraient du gaz de la même façon que les plus petits (stellaires).
« Nous avons démontré que, si vous avez vu un trou noir, vous les avez tous vus, en quelque sorte. Lorsque vous leur lancez une boule de gaz, ils semblent tous faire plus ou moins la même chose. Ils sont un peu les mêmes monstres en termes d’accrétion », résume le chercheur Dheeraj Pasham, du MIT Kavli Institute for Astrophysics and Space Research et co-auteur de l’étude, dans un article du MIT. Lui et son équipe ont travaillé sur un événement détecté le 9 septembre 2018, baptisé « AT2018fyk » : un flash émis depuis une galaxie qui se trouve à 860 millions d’années-lumière, et qui a été repéré dans le cadre du All Sky Automated Survey for SuperNovae (« Relevé automatisé sur tout le ciel de supernovae »).
Un événement de rupture par effet de marée
L’origine de ce flash est attribuée à un trou noir supermassif, qui représente environ 50 millions de fois la masse du Soleil. L’astre habituellement calme a subitement gobé une étoile passant à proximité de lui, selon les scientifiques : on parle alors d’événement de rupture par effet de marée (ou TDE, pour « tidal disruption event » en anglais). Ce sont les débris de cette étoile qui, en tombant dans le trou noir, ont vraisemblablement été à l’origine de la lumière émise, qui a été détectée.
« Nous étudions les propriétés de AT2018fyk et trouvons des similitudes avec les propriétés des trous noirs de masse stellaire accrétant [ndlr : accumulant de la masse] », constatent les scientifiques dans leur étude. Les trous noirs stellaires sont généralement créés par l’effondrement d’une étoile, et représentent entre 3 et 14 masses solaires. Leur diamètre peut se mesurer en kilomètres. Quant aux trous noirs supermassifs, ils sont bien plus imposants : ils peuvent être aussi gros que notre système solaire, avec une masse d’au moins un million de fois celle du Soleil. Ici, les auteurs estiment que la manière dont les trous noirs évoluent en consommant de la matière ne paraît pas changer, qu’ils soient stellaires ou supermassifs.
L’événement de rupture par effet de marée observé avec AT2018fyk s’est révélé important pour parvenir à cette conclusion. Dans le cas des trous noirs stellaires, les éclats de luminosité sont généralement provoqués par la présence d’une étoile compagnon, dont le trou noir absorbe de la matière. Ce phénomène est à l’origine d’une évolution spécifique du trou noir, dans un cycle caractéristique qui a été observé à plusieurs reprises et est bien connu. Mais pour les trous noirs supermassifs, l’intégralité du processus semble plus difficile à observer : ces objets absorbent lentement le gaz situé au centre des galaxies. On parle d’échelles de temps de milliers d’années, le processus est donc hors de portée des observations humaines.
« Nous voyons cela dans quelque chose de 5 millions de fois plus grand »
Avec un événement de rupture par effet de marée, le processus s’accélère, et le trou noir supermassif connaît subitement un important afflux de matière. Ainsi, AT2018fyk a fourni une occasion d’étudier toutes les étapes de l’accrétion, dans le cas d’un trou noir supermassif. Quand l’événement a été repéré en 2018 et que son origine a été établie, les scientifiques ont sauté sur l’occasion pour diriger divers télescopes (l’observatoire spatial XMM-Newton, le télescope spatial Chandra, l’instrument NICER à bord de l’ISS, le télescope spatial Swift et plusieurs radiotélescopes australiens) vers cette source, afin de l’observer dans différentes longueurs d’onde.
Ce trou noir a vraisemblablement happé une étoile de la taille du Soleil. Cela a créé un disque d’accrétion de 12 milliards de kilomètres de large, chauffant à un peu moins de 40 000°C. Tandis que la luminosité du disque faiblissait, les scientifiques ont constaté la formation d’une couronne en observant dans le rayonnement X. On savait déjà que le processus existait de façon analogue chez les trous noirs stellaires avalant de la matière. « Maintenant, nous voyons cela dans quelque chose de 5 millions de fois plus grand », commente Dheeraj Pasham.
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