« La Nasa a découvert que des sels organiques sont probablement présents sur Mars et je pourrais être capable de les détecter », nous informe Curiosity de sa voix imaginaire, sur le compte Twitter officiel du rover le 20 mai 2021. Pourquoi l’agence spatiale aurait-elle intérêt à ce que l’astromobile repère ces composés sur la planète rouge ?
La possibilité que Mars abrite des sels organiques a été détaillée dans une étude de la revue Journal of Geophysical Research:Planets le 30 mars dernier. Ses auteurs commencent par rappeler que « la matière organique préservée dans les archives rocheuses martiennes est une ressource inestimable pour explorer le cycle du carbone, l’habitabilité et la biologie potentielle de la planète à travers le temps. Cependant, la matière organique martienne proche de la surface est susceptible de se transformer par rayonnement ionisant et oxydation ».
Les chercheurs estiment que, s’il y a bien eu des traces organiques superficielles sur Mars, une grande partie « peut s’être décomposée en sels organiques qu’il est difficile d’identifier de manière concluante pour les instruments de vol ».
Qu’est-ce qu’un sel organique ?
En chimie, le sel a une structure ionique : il est composé d’un ou de plusieurs cations (charge positive) et d’un ou de plusieurs anions (charge négative). Sa charge est donc nulle. Un sel organique est un sel qui contient un ion organique. On parle de composé organique pour désigner la plupart des molécules contenant un ou des atomes de carbone (avec quelques exceptions néanmoins, comme le CO2 considéré comme inorganique) — le carbone étant un élément essentiel de la vie, du moins tel que nous la connaissons.
« Si les sels organiques sont répandus sur la surface martienne, leur composition et leur distribution pourraient donner un aperçu des archives organiques moins altérées en profondeur, et ils pourraient jouer un rôle important dans le cycle du carbone près de la surface et dans l’habitabilité [de Mars]», avancent ces scientifiques. De tels sels pourraient être des restes chimiques issus de composés organiques, semblables à d’autres, déjà détectés par Curiosity. Les composés et sels organiques pourraient s’être formés soit avec des processus géologiques, soit être les résidus d’une ancienne vie microbienne, résume la Nasa dans un communiqué.
SAM ne peut pas les détecter, mais CheMin peut-être
Les auteurs de cette étude ont mené des expériences en laboratoire, en examinant des sels organiques à l’aide de techniques d’extraction analogues à celles qui existent sur le rover Curiosity. Pour les scientifiques, ces expériences, ainsi que l’analyse des données recueillies par l’un des instruments du rover, SAM (« Sample Analysis at Mars », un mini labo installé à l’avant de l’astromobile), indiquent une présence de sels organiques, mais de façon indirecte. Les identifier de façon directe avec un instrument comme SAM parait trop complexe. SAM chauffe les échantillons du sol martien à plus de 1 000°C pour libérer des gaz, qui permettent de déterminer la composition des échantillons. Or, chauffer des sels organiques ne libèrera que des gaz qui pourraient tout aussi bien provenir d’autres composés présents à la surface de Mars.
Néanmoins, Curiosity a d’autres ressources : les auteurs de l’étude envisagent d’exploiter son instrument CheMin (« Chemistry & Mineralogy »), qui analyse la chimie des échantillons de roche en projetant un rayon X. Si certains sels organiques sont présents sur Mars, et le sont en quantité suffisante, les scientifiques pensent qu’il serait possible de les détecter avec CheMin — pour l’instant, cet instrument n’en a jamais identifié.
Les équipes responsables des instruments SAM et CheMin vont continuer à rechercher des signes de sels organiques pendant que le rover Curiosity poursuit son exploration du cratère Gale, indique la Nasa. À 3 700 kilomètres de là, Perseverance n’a quant à lui pas les instruments pour détecter des sels organiques. Par contre, une opportunité d’étudier plus en profondeur la surface de Mars se présentera avec la mission ExoMars de l’Agence spatiale européenne : le rover pourra forer jusqu’à 2 mètres sous la surface de la planète. Son lancement est prévu pour 2022.
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