Le successeur du télescope Hubble devrait normalement être lancé dans l’espace avant la fin de l’année 2021. Le JWST est particulièrement attendu des astronomes, car il permettra d’observer jusque dans l’infrarouge moyen.

Il devrait rejoindre les étoiles avant la fin de l’année 2021. Le lancement du télescope spatial James-Webb, ou JWST (pour James Webb Space Telescope), qui était prévu pour le 31 octobre, a encore récemment été repoussé — sans indication de date plus précise. Ce report de date accroit probablement l’impatience déjà grande de nombreux scientifiques. Mais pourquoi la mise en service du JWST est-elle si attendue des astronomes ?

Cet observatoire spatial est développé par la Nasa, avec une participation de l’ESA et de l’ASC (l’Agence spatiale canadienne). Il faut déjà souligner que le projet s’inscrit dans une temporalité longue : l’envoi du télescope spatial a été envisagé dès 1995, sous le nom de « Next Generation Space Telescope. « C’était quelques années après le lancement de Hubble. L’idée était de réaliser le prochain grand télescope spatial de la Nasa qui remplacerait Hubble », explique à Numerama Lucie Leboulleux, de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble. Le télescope Hubble avait été lancé cinq ans plus tôt, et avait été conçu à peu près pour cette durée — largement dépassée, Hubble étant toujours fonctionnel au bout de 31 ans.

Ce miroir doré évoluera un jour dans l'espace. // Source : NASA's Goddard Space Flight Center

Ce miroir doré évoluera un jour dans l'espace.

Source : NASA's Goddard Space Flight Center

« Un télescope pour aller au-delà des limites de Hubble »

« Une fois qu’on a réglé la myopie de Hubble, les premières images ont soulevé énormément de questions scientifiques. Maintenant, il nous faut le télescope pour y répondre, pour aller plus loin, au-delà des limites qu’on retrouve avec Hubble, vers un Univers plus jeune. Cela fait 20 ans qu’on attend son successeur », poursuit Lucie Leboulleux. Ce successeur tant espéré a été conçu pour faire avancer la recherche dans quatre grands domaines.

  • La détection de la lumière des premières galaxies, apparues après le Big Bang,
  • L’étude de la formation et de l’évolution des galaxies (on sait grâce aux champs profonds de Hubble qu’il existe des galaxies d’âges, de formes, de couleurs différentes, mais on ignore comment on arrive jusqu’au galaxies spirales comme la nôtre),
  • La naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires,
  • Les exoplanètes.

Le télescope spatial James-Webb est conçu pour observer dans l’infrarouge, une caractéristique essentielle pour espérer progresser dans chacune de ces quatre grandes problématiques. «  Les galaxies s’éloignent de nous, ce qui provoque ce qu’on appelle le décalage vers le rouge, indique la scientifique. Plus les galaxies sont lointaines et s’éloignent, plus elles sont rouges. Plus on veut remonter dans le temps, plus on cherche donc à observer dans l’infrarouge. »

Jusque dans l’infrarouge moyen

En dépit de ses indéniables qualités, Hubble a une limite : il ne va pas au-delà de l’infrarouge proche. Le JWST ira plus loin : il pourra observer dans l’orange, puis le rouge, l’infrarouge proche et jusque dans l’infrarouge moyen (jusqu’à 28 micromètres, contre jusqu’à 2,5 pour Hubble). Sur son site consacré au JWST, la Nasa explique que c’est un peu comme si Hubble pouvait voir des « galaxies enfant », tandis que James-Webb verra des « bébés galaxies ».

Le JWST verra des galaxies encore plus jeunes. // Source : NASA and and Ann Feild [STScI]

Le JWST verra des galaxies encore plus jeunes.

Source : NASA and and Ann Feild [STScI]

Pour ce qui est de la naissance des étoiles, la capacité du JWST à observer encore plus profondément dans l’infrarouge sera aussi exploitée. Hubble y parvient déjà dans l’infrarouge proche. « Les nébuleuses, qui sont des pouponnières d’étoiles, sont opaques dans la lumière visible. Il faut aller dans l’infrarouge proche à moyen pour les voir : les nuages deviennent transparents et on peut voir toutes les étoiles en formation à l’intérieur », décrit Lucie Leboulleux.

Exoplanètes et composés chimiques

Quant aux exoplanètes, on sait aujourd’hui les détecter (l’existence de plus de 4 000 exoplanètes a été confirmée), mais de nombreuses questions restent sans réponse. Quels sont les composés chimiques de ces exoplanètes détectées, notamment dans leur atmosphère ? « Pour le savoir, on cible des éléments, comme l’eau, les composés dérivés du carbone, avec ce qu’on appelle les spectres lumineux. Le spectre est la signature d’un composé chimique. Lorsqu’on détecte la lumière qui vient d’une exoplanète, avec cette signature on peut remonter au type de composé chimique », détaille la scientifique.

Or, des composés chimiques comme l’eau et les dérivés du carbone ont justement une signature visible dans l’infrarouge moyen. Avec le JWST, les astronomes devraient pouvoir remonter jusqu’à elles. Hubble, ne s’arrêtant qu’à l’infrarouge proche, n’est pas en mesure de détecter cela.

L’observation dans l’infrarouge moyen a des conséquences très concrètes sur le plan technique : il fallait nécessairement un télescope spatial. « La Terre émet, et on reçoit de la lumière du Soleil, donc de l’infrarouge. Tout cela pourrait noyer les données que l’on peut détecter. C’est pour cela que le James-Webb doit être spatial », conclut Lucie Leboulleux.

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