Le Soleil a une rythmique bien à lui. Suivant le tempo de ses différents cycles, il alterne entre des périodes d’activité plus ou moins denses, le tout ponctué çà et là de quelques tempêtes solaires réputées intenses et imprévisibles pour les plus violentes d’entre elles. Mais à l’heure où voir des humains sur la Lune ou vers Mars devient de plus en plus plausible, il serait temps de s’inquiéter de ses événements qui peuvent avoir de graves conséquences.
Une étude parue dans Solar Physics le 20 mai 2021 affirme pour la première fois que ces tempêtes exceptionnelles sont en réalité bien prévisibles. Et manque de chance, elles tomberaient pile pendant les prochaines missions habitées lunaires.
Les chercheurs issus du département de météorologie de l’Université de Reading, près de Londres, ont analysé 150 ans de données d’observation du Soleil. Un siècle et demi durant lequel le champ magnétique a provoqué d’importants changements sur notre astre, et notamment des cycles (bien connus) qui durent onze ans en moyenne. Durant chacun de ces cycles, il y a une période où l’activité est au plus haut avec un nombre important de taches solaires visibles à la surface, et une période plus calme.
« Nous avons de nombreuses observations de petits événements, raconte à Numerama le principal auteur Mathew Owens. Et nous pouvons voir clairement comment ils suivent les cycles de 11 ans. Mais pour les événements plus extrêmes, les observations sont par définition plus rares. »
Nous serions actuellement dans le cycle 25, depuis fin 2019. Et c’est dans la deuxième phase de ce cycle, donc autour de 2025 et jusqu’à 2030, que nous serions plus à même de recevoir une tempête solaire de grande ampleur.
Se protéger des coups de Soleil
Des solutions existent ou sont envisagées pour se protéger des radiations. Une des pistes consiste à étudier les tempêtes, pour déterminer un maximum d’intensité attendue, et construire des matériaux censés survivre à ce niveau de flux magnétiques. Ce qui est coûteux en termes de recherche pour la construction, mais qui ne nécessite pas de prédire le comportement du Soleil.
Une autre solution serait d’observer les éjections de masse coronale (EMC) qui mettent quatre jours à arriver sur Terre, ce qui peut laisser le temps de se protéger. Mais leur puissance dépend du champ magnétique interne du Soleil et n’est mesurable que lors de l’arrivée de l’éruption sur la Terre.
Enfin, la dernière solution est plus simple à mettre en place : elle consiste à faire preuve de davantage de précautions à certaines périodes des cycles solaires. Pour les cycles impairs, le Soleil est à son maximum dans la deuxième moitié, et pour les pairs c’est plutôt le début qui est à risque. En revanche, cela vaut-il aussi pour les événements plus intenses et plus rares ?
C’est la rareté de ces événements qui pose problème, justement. Les événements extrêmes les plus à même de poser des problèmes sont (heureusement) trop peu nombreux pour pouvoir dégager une statistique sûre. L’éruption de 1859 est connue pour avoir été particulièrement violente. Il y a aussi une tempête en 1921 qui aurait eu lieu pendant une période d’activité solaire assez tranquille. En 2003, puis en 2011 également, on a eu droit à une éruption d’un niveau rarement atteint. Trop peu. « Il faudrait plusieurs centaines d’années d’observations », estiment les auteurs de l’étude. « Malgré tout, précise Mathew Owens, nous avons pu, à partir de ça, utiliser des modèles statistiques pour savoir quand ces événements ont plus de chances de se produire. Pour résumer, ils sont plus probables pendant des cycles plus longs. »
Cancer de la peau et court-circuit
Selon leurs prédictions, nous serions dans un cycle long, favorable à l’apparition d’événements majeurs avant la fin des années 2020. Autrement dit, au moment où des humains seront sur la Lune d’après le calendrier du programme Artémis. Les conséquences pourraient être dramatiques.
Le premier problème concerne les astronautes eux-mêmes. Lors de séjours dans l’espace, ils sont déjà exposés à d’importants niveaux de radiations, bien supérieurs à ceux qui sont tolérés sur Terre. Même dans la Station spatiale internationale, les dommages sont bien moins importants, car il y a toujours la magnétosphère de la Terre qui permet un minimum de protection. Ce ne sera pas le cas sur la Lune, et le risque de cancer pour ces explorateurs sera accru d’une manière dramatique.
Autre souci, peut-être plus grave encore : les tempêtes solaires peuvent provoquer des dysfonctionnements sur les appareils électriques. Ainsi, l’éruption de 1859 surnommée l’événement de Carrington (car elle a été étudiée par l’astronome Richard Carrington) a, entre autres, provoqué des électrocutions chez des télégraphistes ainsi que des incendies d’origine électrique. Avec l’importance des appareils électriques aujourd’hui, les dégâts seraient évidemment beaucoup plus importants, par exemple sur tout ce qui concerne le réseau satellite et les systèmes de guidage. Autant d’appareils extrêmement importants en pleine mission spatiale ! « Les cycles solaires n’ont jamais été un enjeu lors des dernières missions habitées sur la Lune, déplore Mathew Owens. Et du coup il y a eu une grande tempête solaire entre les missions Apollo 16 et 17. Cela aurait été fatal si ça avait eu lieu pendant que les astronautes étaient sur la Lune. »
Alors faudra-t-il prendre en compte les prévisions de l’étude pour les futures missions habitées ? « C’est difficile à dire, concède le chercheur. Nos prédictions sont purement empiriques, la physique du Soleil est encore très méconnue et peut nous surprendre. Ce que nous conseillons c’est d’éviter les périodes où les grosses éruptions sont plus probables. Par exemple entre 2026 et 2030. Mais dans tous les cas, le risque zéro n’existe pas ! »
Actuellement, deux missions sont en cours pour observer le Soleil : la sonde Parker et Solar Orbiter. Toutes les deux peuvent améliorer les connaissances que nous avons de notre astre et peut-être aider à mieux prévoir son comportement futur.
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