« C’est le jour du jugement dernier pour les commentateurs crypto », s’alarme le compte d’une commentatrice qui se fait appeler « Woman Dr. bitcoin mini » sur Weibo (un site de microblogging chinois). Ces derniers jours, plusieurs comptes de personnalités chinoises influentes dans la sphère crypto ont été bloquées. L’offensive semble avoir débuté le 6 juin, note The Guardian. Durant le week-end, plusieurs profils tels que celui de Woman Dr bitcoin sont devenus inaccessibles. Les personnes qui tentent de les consulter ne voient désormais s’affichant qu’un message indiquant que ce compte « contrevient à la loi ».
Ces mesures peuvent sembler surprenantes. La Chine est en effet le pays le plus actif en matière de crypto : c’est là que se déroulent 75 % des activités de minage de bitcoin. Ces restrictions ne sont cependant que l’étape la plus récente d’une offensive bien plus vaste menée par la Chine contre les cryptomonnaies.
Le vent tourne pour les mineurs de bitcoin chinois
Le 19 mai dernier, le pays a ainsi interdit aux institutions financières chinoises, notamment les banques et les entreprises de paiement, de vendre des services liés aux cryptomonnaies. À peine deux jours plus tard, la Chine a de nouveau créé l’émoi dans le secteur, en annonçant qu’elle allait restreindre le minage et le trading de bitcoin. Signe flagrant que les cryptomonnaies n’ont pas les faveurs de Beijing, plusieurs médias contrôlés par l’État (l’agence de presse Xinhua, la chaîne CCTV) ont concentré leurs derniers sujets crypto sur les risques et les problèmes posés par ces actifs numériques — arnaques, utilisation des crypto pour des activités de trafic, etc.
Le secteur crypto chinois a d’ailleurs bien senti le vent tourner : la société HashCow qui détient d’immenses fermes de minage a indiqué qu’elle cesserait de vendre des machines dédiées à des clients chinois, rapporte CNN : « Nous nous conformerons à toutes les régulations mises en place dans le pays ». La société chinoise BIT.TOP a quant à elle indiqué qu’elle ne proposerait plus son offre de minage à des clients situés en Chine. « Nous minerons à l’avenir en Amérique du Nord », a précisé le PDG Jiang Zhuoer.
La Chine redoute la spéculation liée aux cryptomonnaies
Beijing n’a pas encore donné beaucoup de détails sur les restrictions qu’il allait mettre en place. CNN note cependant que le gouvernement semble surtout se préoccuper des grosses fermes de minages. Selon le PDG de BIT.TOP, ces restrictions devraient ainsi épargner les activités des particuliers chinois mais elles conduiront certainement à l’arrêt de la moitié des machines utilisées dans le pays pour miner des cryptomonnaies.
L’hostilité de la Chine vis-à-vis des cryptomonnaies est liée à plusieurs facteurs. Pour commencer, les autorités du pays redoutent la spéculation que ces activités peuvent entraîner. « Récemment, les prix des cryptomonnaies ont atteint des sommets avant de s’effondrer et les activités spéculatives autour des cryptomonnaies ont repris (…) perturbant le fonctionnement normal de l’économie », indique ainsi le régulateur chinois, relayé par The Independent.
Le bitcoin devient un vrai problème environnemental
Les cryptomonnaies sont également à un frein aux objectifs climatiques de la Chine. Même si de nombreux mineurs se déplacent dans le Sichuan en saison humide pour profiter de l’électricité pas chère (et verte) produite par les barrages de la région, une partie significative du minage réalisé en Chine (65% du minage mondial) utilise tout de même de l’électricité générée par les centrales à charbon des régions du Xinjiang et de la Mongolie intérieure. La vague des cryptomonnaies aurait même incité certains producteurs à rouvrir des mines de charbon sans autorisation.
Une étude publiée dans Nature Communications estime ainsi que le bitcoin, à lui seul, générera l’émission de 130 millions de tonnes carbones en 2024, en Chine. Des chiffres qui ne font pas bon ménage avec les objectifs du président chinois : Xi Jinping a en effet annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.
Aux cryptomonnaies, la Chine préfère par ailleurs largement son projet de créer une version numérique de sa monnaie, sur laquelle elle pourrait garder un contrôle complet. Elle teste depuis déjà un an son « e-yuan» dans quatre grandes villes et prévoit de le lancer officiellement début 2022.
La position hostile de Beijing vis-à-vis des cryptomonnaies incitera peut-être d’autres pays à mettre en place de nouvelles restrictions sur ce secteur. Ce qui est sûr c’est qu’elle va en tout cas redessiner la répartition géographique des activités liées aux cryptomonnaies. La place occupée par les États-Unis ne cesse de grandir et il n’est pas improbable de penser que le pays puisse abriter près de la moitié des activités de minage d’ici quelques années.
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