Annexion de la Crimée, affaire Skripal, emprisonnement de l’opposant Alexeï Navalny, détournement d’un avion au-dessus de la Biélorussie, cyberattaques, situation en Ukraine : les sujets de tension entre les États-Unis et la Russie ne manquent pas et les relations bilatérales se sont dégradées ces années. Maintenant, c’est un autre dossier qui pourrait s’ajouter à cette pile : la Station spatiale internationale.
Dmitri Rogozine, le directeur général de Roscosmos, l’agence spatiale russe, a en effet laissé entendre que la Russie pourrait quitter ce programme international d’ici quelques années si les États-Unis ne lèvent pas très vite certaines sanctions qui frappent le secteur spatial national. Cette déclaration, faite devant le parlement russe, a été rapportée par la chaîne de télévision CNBC.
Les préoccupations de Dmitri Rogozine concernent deux sociétés : TsNIIMash (Central Research Institute of Machine Building), aussi appelé l’Institut de recherches scientifiques n°88 et Progress (Rocket and Space Centre). Ces deux entités ont été placées sur une liste du département du commerce en décembre 2020, sous la présidence de Donald Trump. Il leur est reproché d’avoir des liens avec l’armée russe.
Selon l’agence de presse russe Tass, le problème qui se pose à Roscosmos concerne le marché des satellites : si le secteur spatial russe a assez de lanceurs pour envoyer des charges utiles dans l’espace, il s’avère qu’il n’est pas en mesure de mettre quoi que ce soit en orbite en ce moment. La raison ? Une pénurie de certains composants, dont des puces, qui ne peuvent plus être importés, à cause des sanctions. La situation est telle que les industriels ont sur les bras des satellites inachevés.
Un retrait qui ne sera pas immédiat
Un éventuel retrait russe de la Station spatiale internationale ne se ferait toutefois pas du jour au lendemain : Reuters rapporte qu’un tel scénario ne se produirait pas avant 2025, en l’état actuel des choses. Une échéance plutôt lointaine, qui laisse de fait de la place pour de la discussion. À ce sujet, le président américain, Joe Biden, est en tournée européenne et doit rencontrer Vladimir Poutine le 16 juin à Genève.
La Russie est entrée très tôt dans le programme de l’ISS, dès le début des années 1990. Elle est l’un des membres clés du projet, à la fois dans la construction de la station — le segment orbital russe représente un quart de la masse de l’ISS –, dans le ravitaillement avec le vaisseau Progress et dans l’acheminement et le rapatriement des équipages avec le Soyouz. Elle a été un temps le seul pays capable de transporter des astronautes jusqu’à l’ISS, quand la navette spatiale américaine a été retirée du service.
Cité par CNBC, Dmitri Rogozine, qui est lui-même visé par des sanctions américaines, a déclaré que « soit nous travaillons ensemble, auquel cas les sanctions sont levées immédiatement, soit nous ne travaillons pas ensemble et nous déployons notre propre station ». Cela étant, dans l’optique d’une nouvelle station spatiale russe, le problème des composants risque de se poser aussi dans ce cas de figure, compte tenu de l’extrême complexité de ce type de structure.
La Russie se détourne de l’ISS
La menace de quitter l’ISS pourrait être un faux semblant de Moscou pour desserrer l’étau autour de TsNIIMash et Progress. En effet, Dmitri Rogozine a déjà suggéré en avril 2021 l’intention de quitter l’ISS à un horizon pas trop lointain, parce que cette structure, dont les premiers éléments sont en place depuis 1998, est en état de vieillissement avancé et qu’il y a un risque croissant de défaillances — d’ailleurs, la maintenance de l’ISS occupe une place de plus en plus importante.
Il s’avère que la Russie travaille en parallèle sur un projet de nouvelle station spatiale, dont les premiers éléments pourraient être déployés dès 2025 — l’année que Dmitri Rogozine cite comme échéance pour quitter l’ISS si les États-Unis ne revoient pas leur politique de sanction. Selon Dmitri Rogozine, la construction du premier module de cette station a débuté. La Russie a déjà opéré plusieurs stations spatiales : la plus connue est Mir, mais il y a aussi eu tout le programme Saliout, avec six mini-stations.
Un retrait russe de l’ISS, s’il reste incertain et ne surviendrait pas immédiatement, pose la question de savoir ce qu’il adviendra du segment orbital russe, mais aussi des missions que Moscou assume jusqu’à présent : le ravitaillement pourrait être repris par d’autres (le Japon, l’Europe, les États-Unis ou des opérateurs privés, comme SpaceX), tout comme le transport d’équipage (SpaceX).
Nouvelle course à l’espace ?
L’autre question que cela pose est l’état de la coopération entre les États-Unis et la Russie sur d’autres programmes, notamment un retour sur la Lune. En 2019, lors de la 70ème édition du Congrès international d’astronautique, le patron de la Nasa discutait du retour sur la Lune en présence de représentants de partenaires étrangers (Europe, Japon, Inde, Canada et Russie). Cette situation pourrait potentiellement conduire à pousser la Russie dans les bras de la Chine.
Cela se voit déjà : la Russie ne participe plus à un projet conjoint avec la Nasa concernant la Lune et a resserré sa coopération avec la Chine sur ce sujet. En mars, les deux pays ont fait savoir qu’ils avaient en tête un projet de station lunaire, en orbite ou peut-être en surface. Les deux pays se disaient disposés aussi à accueillir d’autres nations, à l’image de ce qui a été fait avec l’ISS ou ce qui est imaginé avec la station lunaire de la Nasa. Les ingrédients sont là pour relancer la course à l’espace.
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