Réduction des émissions de gaz à effet de serre, capture du CO2… On s’est beaucoup intéressé aux technologies permettant de contrôler le carbone pour lutter contre le changement climatique. Et ces innovations sont bien sûr essentielles. Il y a cependant un point essentiel que l’on a raté, alertent 50 scientifiques dans un rapport publié le 10 juin : la protection de la biodiversité.
« La perte de biodiversité et le changement climatique sont tous deux les conséquences des activités économiques humaines et ces problèmes se renforcent mutuellement. Il n’est pas possible de résoudre l’un sans solutionner l’autre », mettent en garde les scientifiques.
La baisse de la biodiversité menace gravement les humains
On pourrait penser que la chute de la biodiversité ne menace que les animaux et les plantes (ce qui serait déjà extrêmement grave) mais elle menace également très sérieusement les êtres humains. « Plus le monde se réchauffe, moins la nature pourra nous fournir l’eau, la nourriture et les autres ressources dont nous avons besoin », rappelle le professeur Hans-Otto Pörtner, co-président du Comité scientifique Steering.
La baisse de la biodiversité a un impact énorme sur le changement climatique car les sols et les océans jouent un rôle majeur dans l’absorption des émissions de gaz à effet de serre. « Ils absorbent presque 50 % des émissions de CO2 humaines » souligne Ana María Hernández Salgar, présidente de l’IPBES.
Le problème c’est que les sols et les océans sont bouleversés par nos activités. Selon le rapport, 77 % des sols (si l’on excepte l’Antarctique) et 87 % des océans ont été modifiés par les effets collatéraux des activités humaines. « Ces changements sont corrélés à la perte de 83 % de la biomasse de mammifères sauvages, et de la moitié de la biomasse des plantes ». Le rapport souligne que désormais 96 % de la biomasse de mammifères sur Terre est composée de bétail ou d’humains. Et qu’il n’y a jamais eu autant d’espèces menacées d’extinction dans toute l’histoire de l’humanité.
Les écosystèmes les plus vulnérables actuellement sont :
- les récifs coralliens, très sensibles à la hausse des températures et à l’acidification des océans;
- les savanes dont la végétation se modifie à mesure que le CO2 atmosphérique augmente;
- les forêts tropicales très menacées par les sécheresses;
- les écosystèmes de type méditerranéen;
- les écosystèmes côtiers.
Le problème ? « Même si les scientifiques et les politiques reconnaissent que le changement climatique et la perte de biodiversité sont interconnectés, en pratiques, ces deux défis sont traités de manière séparée », alertent les auteurs du rapport.
Il faut s’occuper simultanément du climat et de la biodiversité
La communauté scientifique qui étudie le système climatique n’est en effet pas la même que celle qui travaille sur la biodiversité. Chacune de ces problématiques est abordée par des conventions internationales distinctes : la Convention sur le Changement climatique des Nations Unies et la Convention sur la diversité biologique. Et chacun de ces domaines est suivi par des organismes intergouvernementaux différents : l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) et l’IPBES (Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services).
À cause de cette séparation, on risque de ne pas identifier l’intégralité des facteurs à l’oeuvre dans ces domaines voire de prendre des mesures qui aggraveraient l’un et/ou l’autre de ces deux problèmes. La hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère fait monter les températures, modifie le régime des précipitations, augmente la fréquence des évènements météorologiques extrêmes, la baisse de l’oxygène et l’acidification des océans, alerte le rapport. Autant de facteurs qui menacent la biodiversité. « Réciproquement, ces modifications de la biodiversité affectent le système climatique, en particulier à cause de leur impact sur les cycles de l’azote, du carbone et de l’eau. Ces interactions peuvent entrainer des boucles complexes (…) et produire des effets imprévisibles.»
Comment protéger la biodiversité ?
Le rapport recommande de protéger en priorité des écosystèmes qui sont à la fois clés dans le traitement du carbone et la préservation d’espèces tels que les forêts, les océans, les zones humides, les prairies ou encore les savanes. «Réduire la déforestation et la dégradation des forêts peut aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 0,4 à 5,8 gigatonnes par an.»
La restauration d’écosystème est également, selon les 50 scientifiques à l’origine du rapport, « un des moyens naturels de mitigation du changement climatique les moins onéreux et les plus rapides». Elle offre du reste bien d’autres avantages : la préservation des zones côtières, l’amélioration de la qualité de l’eau, la réduction de l’érosion des sols, et la préservation de la pollinisation.
Les auteurs appellent également à augmenter fortement la part de zones protégées. À l’heure actuelle elles ne représentent que 15 % des sols et 7,5 % des océans. Selon les auteurs, il faudrait étendre ces protections à 30 à 50 % des sols et des océans.
Le rapport recommande enfin de :
- diversifier les cultures agricoles et les espèces d’arbres en forêt ;
- réduire l’usage d’engrais avec la mise en place d’autres pratiques agricoles ;
- étudier les combinaisons possibles de technologies de préservation du climat et de technologies de préservation de la nature (mise en place des cultures de plantes sous certaines étendues de panneaux solaires, création de récifs artificiels au niveau des turbines éoliennes offshores, etc.) ;
- éviter les grandes monocultures consacrées aux bioénergies;
- ne pas planter des arbres dans des écosystèmes qui n’étaient pas historiquement des forêts.
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