Manon, 35 ans, partage avec nous son incompréhension : « Mon compagnon et moi avons reçu notre unique dose de vaccin Pfizer le même jour — nous avions tous les deux eux le covid à l’automne. Le lendemain, j’étais complètement cassée avec un peu de fièvre et des maux de tête. Lui était en pleine forme, il a été courir le matin et a passé la journée à bricoler. »
Les effets indésirables dont parle Manon sont connus et documentés. Selon les documents de référence de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) destinés aux professionnels de santé, la fatigue, les céphalées, les frissons ou la fièvre sont des effets secondaires très fréquents des vaccins contre le Covid quels qu’ils soient : ils affectent plus d’une personne vaccinée sur dix.
Derrière ce chiffre, il y a 50 nuances de symptômes de réactogénicité, que ce soit dans leur forme que dans leur intensité. Et il y a bien sûr un grand nombre de personnes qui ne ressentiront aucun effet indésirable sans pour autant que cela ne préjuge de l’efficacité du vaccin.
Ainsi, pour le vaccin Pfizer, 50 % des personnes vaccinées lors de l’étude clinique n’ont pas éprouvé de symptôme particulier après l’injection, alors même que plus de 90 % d’entre elles ont développé une immunité. Comment expliquer ces disparités ?
Tout vaccin induit une réponse immunitaire
Pour cela, il faut comprendre comment fonctionne le vaccin. Celui-ci vise à tromper notre système immunitaire en lui faisant croire que le virus envahit notre organisme ce qui le force à réagir en envoyant des globules blancs. En toute logique, cette réaction se traduit par des symptômes qui sont proches de ceux de la maladie provoquée par une contamination au virus mais ils sont moins durables et surtout, ils sont généralement sans conséquence.
Dans un récent article de vulgarisation, et afin d’expliquer la survenue ou non d’effets indésirables, l’immunologiste anglaise Veenu Manoharan propose d’expliquer la manière dont le système immunitaire développe une immunité protectrice contre les virus lorsqu’il est déclenché par un vaccin. Le principe est assez simple : deux branches de l’immunité sont activées pour obtenir le but escompté, l’immunité spécifique durable.
- D’une part, la vaccination active l’immunité innée, ce qui se traduit par une inflammation avec possiblement fièvre, douleurs, fatigue, etc.
- Et d’autre part, elle stimule l’immunité adaptative. Celle-ci ne provoque pas de réaction particulière directe. L’immunologiste explique : « Chez certaines personnes, la réponse inflammatoire des systèmes immunitaires inné et adaptatif est exagérée et se manifeste comme un effet secondaire. Chez d’autres, bien qu’elle fonctionne normalement, elle n’atteint pas des niveaux qui pourraient provoquer des effets secondaires notables. »
Des disparités explicables (ou pas)
Très bien. Mais comment expliquer les disparités ? Pourquoi Manon a t-elle passé la journée avachie et endolorie sur son canapé pendant que son compagnon se portait comme un charme ? Il n’y a, sur ce point, pas de vérité absolue. « Nous sommes tous et toutes très différents par rapport à la réaction de notre système immunitaire face au vaccin », nous explique Dr Stéphane Korsia-Meffre, rédacteur médical, enseignant en Département universitaire de Médecine générale et vétérinaire.
« Il y a très peu d’explications concernant les variations de symptômes de réactogénicité selon les personnes. » renchérit Mathieu Molimard, chef du service pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux. « Il y a peut-être parfois un effet ‘nocebo’ à force d’entendre ses proches évoquer des symptômes plus ou moins intenses », avance le Dr Michael Rochoy, médecin généraliste.
Toutefois, on retrouve certaines constantes. « Ce que l’on peut dire c’est qu’il y a souvent plus de symptômes chez les jeunes qui ont un système immunitaire plus performant. » explique Mathieu Molimard. De fait, on remarque souvent que les effets indésirables des vaccins sont moins importants au delà de 65 ans ce qui correspond à une sénescence du système immunitaire. Dans la même veine, les personnes immuno-déprimées ont généralement moins d’effets indésirables en raison de leur système immunitaire déficient. Il en va de même chez les personnes souffrant de maladies inflammatoires chroniques, telles que la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires de l’intestin et la sclérose en plaques et qui prennent des médicaments immunosuppresseurs pour contrôler leurs symptômes.
On remarque aussi que les femmes cisgenres déclarent davantage d’effets indésirables. Dans le premier bulletin de pharmacovigilance publié par le CDC fin février 2021, on constate en effet que 79% des personnes ayant fait part symptômes de réactogénicité après la vaccination sont des femmes cisgenres. « On ne sait toutefois pas si c’est parce qu’elles sont davantage attentives à leurs ressentis ou si c’est parce qu’elles sont effectivement plus sensibles. » signale Stéphane Korsia-Meffre. Reste qu’il est possible que cela soit en partie due à la testostérone qui a tendance à atténuer l’inflammation et rendrait ainsi les hommes moins sujets aux effets indésirables.
Le passé infectieux de la personne joue aussi un rôle notable. Si l’on a déjà contracté le Covid-19 voire même une autre infection à coronavirus – les interférons ici responsables étant assez généralistes, il y a plus de risques de ressentir des effets indésirables. Le système immunitaire connaissant déjà les caractéristiques du virus, il a davantage tendance à réagir.
Des particularités en fonction des vaccins
Autre fait notable, uniquement avec la vaccin Pfizer : la seconde dose a tendance à induire davantage de réactions. Une grande enquête menée par le CDC du 14 décembre 2020 et le 28 février 2021 met en évidence que 47,8% des vaccinés ont ressenti de la fatigue après la deuxième dose de Pfizer contre 29,1% lors de la première. Et 40% ont ressenti un mal de crâne après la deuxième contre 24% lors de la première.
Concernant maintenant le vaccin Moderna et sa particularité à donner parfois des réactions locales assez importantes sous forme de d’érythème, de prurit ou de rash, « Il n’y a pas de règle, ni de facteur de risque, cela peut arriver à tout le monde » note Stéphane Korsia-Meffre.
Pour ce qui est des effets indésirables graves mais néanmoins très rares, il faut noter que pour les coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et de thrombose veineuse cérébrale (TVC), les instances de pharmacovigilance ont noté une surreprésentation chez les personnes de moins de 55 ans — d’où la restriction d’âge mise en place en France au regard du rapport risque bénéfice. Enfin, les myocardites associées à l’injection d’un vaccin ARN-m semblent toucher essentiellement de jeunes hommes dans la vingtaine sans que l’on ne sache trop pourquoi. Le plus souvent sans gravité, celles-ci ne devraient pas mettre en cause la vaccination de cette population.
Dans tous les cas, les effets indésirables sont, pour une énorme majorité, absolument bénins et bien préférables à la maladie elle-même. Et, le fait qu’il n’y ait pas de symptômes après la vaccination ne veut pas dire que le vaccin n’a pas été efficace. On peut avoir une très bonne réponse immunitaire sans réaction particulière.
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