Selon une étude publiée le 15 juin, une petite partie des médicaments que nous ne métabolisons pas, trouvée dans leur environnement, ferait adopter aux écrevisses un comportement « plus audacieux. » Tout en risquant d’affecter leur écosystème.

Si vous avez déjà pris des antidépresseurs et qu’ils vous ont redonné le goût du risque, alors vous savez ce qu’ont ressenti ces écrevisses. Des chercheurs de l’Université de Floride ont récemment réalisé, dans une étude publiée le 15 juin 2021, que des traces d’antidépresseurs présents dans les urines et les eaux usées se retrouvaient, même après que celles-ci avaient été traitées, dans les lacs et rivières des États-Unis. Et qu’ils pouvaient affecter le comportement des crustacés qui y étaient exposés, notamment celui des écrevisses, qui sont très importantes pour ces écosystèmes.

Afin de tirer ces conclusions, les chercheurs ont recréé un lit de rivière, l’environnement naturel des écrevisses. Ils y ont ajouté des cailloux et des feuilles extraits d’un véritable lit de rivière, et y ont injecté une dose d’antidépresseurs semblable à celle que l’on peut trouver dans la nature.

Après que les écrevisses avaient passé plusieurs jours dans l’eau, ils les ont placées dans un tube, à un croisement entre un tunnel diffusant une odeur de nourriture, et un autre diffusant une odeur similaire à la présence d’autres écrevisses. Tandis que les écrevisses témoins ont mis du temps à sortir de leur cachette pour se mettre à la recherche de nourriture, les écrevisses ayant été en contact avec des antidépresseurs étaient beaucoup plus « courageuses », et sortaient beaucoup plus vite, sans la peur normale de rencontrer un prédateur. Les antidépresseurs ne les ont pas rendues plus agressives, au contraire des crabes communs de l’Oregon, comme le montre une autre étude.

Une écrevisse stylée // Source : flickr/CC/Alan Goodman

Une écrevisse stylée

Source : flickr/CC/Alan Goodman

Des petites quantités qui s’accumulent

Normalement, les résidus de médicaments dans nos urines sont très minimes, à un point qui n’inquiétait que très peu les chercheurs. « On ne métabolise que 70% à 90% des médicaments que l’on avale », explique AJ Reisinger, l’un des chercheurs ayant mené l’étude en Floride, au site Gizmodo. « Mais si tout le monde prend ces médicaments, ces petites quantités s’additionnent  » et ne sont plus si négligeables. L’American Psychological Association estime que la consommation d’antidépresseurs aux États-Unis a augmenté de 64 % en quinze ans, et ce ne sont pas les seuls médicaments psychoactifs à affecter les environnements dans lesquels ils sont déversés.

Et les antidépresseurs ne sont pas les seuls médicaments qui se retrouvent dans les eaux de surface. Une étude publiée en 2013 alertait déjà de la présence de dix-sept médicaments psychoactifs et de leurs métabolites dans les lacs et rivières du Michigan, venant directement des usines de traitement des eaux. Des résidus d’hormones ont également été retrouvés dans l’eau, et risquent de provoquer des perturbations endocriniennes de la faune aquatique, comme l’altération du développement de certaines larves.

Les scientifiques de Floride ne sont pas encore certains de la façon dont les écrevisses exposées aux antidépresseurs vont interagir avec leur environnement, notamment à cause de la durée très courte de leur expérience — qui n’aura duré que deux semaines. Mais selon eux, ces petits crustacés étant indispensables à l’équilibre de leur écosystème, il est possible qu’une altération de leur comportement ait de grandes conséquences sur la faune et la flore qui les entoure.

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