Le changement climatique implique deux axes de solutions : celles pour le mitiger et empêcher qu’il empire ; et celles pour s’adapter aux conséquences inévitables qui auront lieu à court et moyen terme. Dans des travaux publiés dans Science le 18 juin 2021, des chercheurs de l’université de Delaware (États-Unis) constatent que « les sociétés humaines vont se transformer pour faire face au changement climatique et aux autres facteurs de stress » et qu’il existe différentes façons d’envisager ces transformations.
Dans leur étude, ils proposent alors de regarder plus en détail l’une de ces stratégies : partir. Il s’agirait tout simplement de prendre de la distance avec les zones où un danger a été créé par le changement climatique. « Une stratégie potentielle, qui consiste à s’éloigner des dangers, pourrait être très efficace, mais elle est souvent négligée », expliquent-ils sur le site de l’université.
Un retrait « contrôlé »
Les auteurs de cette étude évoquent plus particulièrement un retrait contrôlé (managed retreat), ce qu’ils définissent comme « le mouvement délibéré de personnes, de bâtiments et d’autres éléments en dehors de zones vulnérables aux dangers.» Cette technique permettrait notamment de faire face à la montée des eaux ou aux inondations, phénomène bien connu relié au changement climatique — qui contribue même à générer des forêts fantômes dans certaines régions.
Selon les auteurs, cette solution de retrait contrôlé est mal vue, car elle est utilisée comme tout dernier recours après l’échec d’autres politiques publiques dites de résistance, d’accommodation, d’évitement ou d’avancées. Ils expliquent cependant qu’elle doit être considérée comme une option viable au même titre que les autres ; et même en combinaison des autres.
La mauvaise réputation de cette option provient, écrivent-ils, d’une idée reçue consistant à considérer le retrait contrôlé pour un échec. Mais le retrait ne signifie pas la défaite, insistent-ils. « La retraite a souvent été considérée comme un échec de l’adaptation ou envisagée uniquement lorsque toutes les autres options sont épuisées. Mais cette conception ignore les leçons tirées de nombreuses disciplines s’appuyant sur une longue histoire du mouvement humain et, pour la préparation d’un large éventail de futurs, [cette conception] limite les chercheurs et les décideurs en matière d’adaptation. »
Sur le site de l’université, la coautrice de l’étude A.R. Siders estime que se contenter de construire des murs et renforcer les plages revient tout bonnement à limiter notre boite à outils pour l’avenir. Par ailleurs, elle relève que même la construction de murs de protection peut nécessiter, pour un fonctionnement optimal, un retrait contrôlé. Les différents types de solutions peuvent ensuite être interconnectés, les auteurs donnant ici l’exemple de Rotterdam où des maisons flottantes ont été construites pour compenser l’inhabitabilité de certaines côtes.
« Nous devrions considérer toutes les options sur la table maintenant, et pas seulement celles qui maintiennent les gens sur place »
A.R. Siders ajoute que les politiques publiques doivent, ce faisant, prendre davantage en compte le futur, et non pas seulement le présent. « Au niveau local, le Delaware [l’état aux États-Unis] construit plus rapidement à l’intérieur de la zone inondable qu’à l’extérieur. (…) Nous prenons ces décisions maintenant, donc nous devrions considérer toutes les options sur la table maintenant, et pas seulement celles qui maintiennent les gens sur place. »
De fait, l’option du « retrait contrôlé » ne consiste pas seulement à partir d’endroits dangereux ou risquant de devenir dangereux, mais aussi à exclure dorénavant la construction au sein de ces zones à risque, à réfléchir à des lieux plus propices à l’habitabilité. Ce n’est pas une question de fuite. Pour les auteurs, cela revient finalement à « construire différemment »… et à penser long terme. « Il est difficile de prendre de bonnes décisions en matière de changement climatique si nous pensons à une échéance de 5 à 10 ans. Nous construisons des infrastructures qui durent entre 50 et 100 ans ; notre échelle de planification devrait être tout aussi longue », conclut A.R. Siders.
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