La vaccination est sûre et efficace. Mais alors, comment expliquer le rebond épidémique en Angleterre et en Israël, deux pays où la vaccination est assez bien avancée ? C’est la question qui émerge sur les réseaux sociaux, parfois avec une simple interrogation, et parfois par des comptes militants « antivax » qui affirment que le rebond en Israël est la preuve de l’inefficacité des vaccins.
Cette affirmation n’a pas lieu d’être : à ce jour, la réalité est plus compliquée, car, en Israël, le rebond épidémique n’est pas un rebond hospitalier. Ce qu’il se passe actuellement est à lire au regard du variant Delta, et constitue a contrario la démonstration de l’urgence de la vaccination face à une potentielle quatrième vague qui serait provoquée par lui.
Pour comprendre ce consensus médical, il faut rappeler une nouvelle fois ce que l’on sait de la mécanique vaccinale et de l’impact du dernier variant sur ces vaccins.
Piqûres de rappel sur les vaccins face au variant Delta
Comme on le synthétisait récemment dans Numerama, les vaccins sont efficaces contre la propagation du variant Delta, qui s’avère plus préoccupant que les précédents, car il est plus contagieux et potentiellement bien plus sévère. Si l’efficacité des vaccins chute de 15-20 % en présence d’une seule dose, elle reste forte en cas de schéma complet (15 jours après les deux doses) : une étude publiée dans Nature montre que deux doses du vaccin Pfizer ont une efficacité évaluée à 87,9 % contre le variant Delta ; c’était 93,4 % contre le variant Alpha majoritaire.
En Angleterre, donc, le rebond épidémique est d’autant plus inquiétante que la campagne vaccinale s’était axée sur un parcours visant à réaliser un maximum de premières doses, quitte à espacer plus que prévu la deuxième.
En Israël, la situation peut sembler plus contre-intuitive en apparence : le pays a fait office de figure de proue de la vaccination. Aujourd’hui, un peu plus de la moitié de la population israélienne est vaccinée à deux doses, soit autour de 60 %. Malheureusement, ce chiffre apparait insuffisant pour la maladie Covid-19. « Le pourcentage de personnes qui doivent être immunisées pour parvenir à l’immunité collective dépend de chaque maladie. Par exemple, l’immunité collective contre la rougeole est obtenue quand environ 95 % d’une population est vaccinée. Les 5 % restants sont protégés du fait que la rougeole ne se propagera pas parmi les personnes vaccinées. Pour la poliomyélite, le seuil est d’environ 80 % », illustre l’OMS.
Pour atteindre une immunité collective contre le coronavirus SARS-CoV-2, le chiffre globalement calculé est de 80 à 85 %, comme l’expliquait l’épidémiologiste Antoine Flahault dans Numerama, rejoint ailleurs par de nombreux autres scientifiques.
Mais une nuance à poser est absolument fondamentale : ce qu’il se passe en Israël et en Angleterre est également, dans l’immédiat, un gage d’espoir. Une analyse britannique montre que les vaccins Pfizer et AstraZeneca restent particulièrement efficaces contre les formes sévères de la maladie et les hospitalisations : le vaccin de Pfizer est efficace à 96 % contre les hospitalisations après deux doses face au variant Delta ; et le chiffre est de 92 % pour AstraZeneca. Or, c’est aussi et surtout cela qui est recherché avec la vaccination : éviter les formes graves, les admissions à l’hôpital, les covids longs.
L’efficacité ne peut pas être de 100 %, une telle couverture est impossible à envisager en restant sérieux. Il perdurera des infections, parfois aux effets sévères. Cependant, les données montrent que les vaccins peuvent réellement aider la communauté médicale à éviter un nombre conséquent de décès, d’hospitalisations et de séquelles.
En Israël, on constate à l’heure actuelle que le rebond épidémique n’implique pas de rebond des hospitalisations ni de décès. Les chiffres du pays restent relativement stables pour l’instant. Il peut toutefois y avoir un décalage entre ces deux aspects d’un rebond. L’évolution de la situation permettra d’évaluer plus précisément, avec des données toujours plus détaillées, l’impact de la vaccination contre le variant Delta — et comment le taux de « vaccination complète » d’un pays influe sur cet impact.
Relevons par ailleurs que les foyers de contamination de cette nouvelle hausse sont à trouver principalement chez des enfants : c’est le public le plus touché par le variant Delta dans le pays au mois de juin, et la vaccination de ces derniers est encore très faible en Israël.
Le rebond épidémique de ces derniers jours reste lui-même, à cette date, encore peu significatif. Cela se compte en quelques dizaines d’infections en cette fin juin 2021. Le gouvernement israélien a toutefois décidé de rétablir le port du masque dans les lieux intérieurs fermés, et de limiter les déplacements, pour juguler ce nouveau départ en hausse.
Le variant Delta est inquiétant : c’est un fait
Il y a de bonnes nouvelles liées à la vaccination et au variant Delta — l’efficacité globalement conservée face aux formes graves, l’efficacité qui reste correcte face aux infections symptomatiques. Il faut toutefois se garder de tout angélisme et optimisme excessif : le variant Delta est une vraie source d’inquiétude, même envers les personnes vaccinées, en raison d’une efficacité qui n’atteint pas 100 % et d’un variant plus virulent.
Des personnes vaccinées sont décédées en raison du variant Delta, bien que ce soient des chiffres extrêmement minoritaires : sur 42 décès dus à ce variant au 7 juin au Royaume-Uni, 12 avaient reçu deux doses. Concrètement, comme le rappelle l’épidémiologiste Eric Feigl-Ding, « cela montre toujours un large bénéfice à la vaccination. Mais on ne peut pas dire que le Variant Delta n’est ‘pas inquiétant’. La transmission est plus rapide, le risque d’hospitalisation est 2,5 fois plus élevé que le variant Alpha, ce qui implique 4 fois plus d’hospitalisation par rapport à l’original ».
Par ailleurs, ce variant semble aussi avoir tendance à toucher les classes d’âge les plus jeunes.
C’est là qu’interviennent les appels des médecins à la vaccination, qui apparait comme la meilleure arme possible contre ce variant face à notre connaissance actuelle de la situation. L’objectif est double : maximiser les chances individuelles d’être protégé d’une forme grave, et contribuer pas à pas à atteindre les 80 % d’immunité collective.
D’un point de vue épidémiologique, l’objectif d’une immunité collective n’est pas une vaine parole, mais est nécessaire pour stopper le virus. En l’absence de ce statut où une part largement majoritaire d’une collectivité est immunisée, le virus reste un danger. Ce danger est moins présent chez les personnes vaccinées, mais il reste un risque pour l’ensemble du groupe. En présence d’immunité collective, la circulation même du virus est jugulée, et moins le virus a de voies de diffusion, moins il représente un risque pour l’ensemble du groupe. C’est pour cette raison que la vaccination est présentée comme un acte individuel et collectif.
Atteindre cet objectif est aussi la responsabilité du gouvernement dans une dimension logistique. Car au-delà d’une part hésitante de la population dont les choix peuvent encore évoluer grâce à une information claire et rigoureuse, une autre part — autour de 20 % en France d’après une enquête — ne peut tout bonnement pas accéder à la campagne vaccinale en raison d’une situation précaire. Ces 20 %, encore laissés pour compte malgré les dispositifs d’« aller vers », peuvent tout changer.
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