Chaque année, l’humanité déverse 10 millions de tonnes de plastique dans les écosystèmes et ce chiffre pourrait tripler d’ici 2040. Cette pollution menace les animaux, les plantes et les humains à travers l’alimentation. Le danger est notamment posé par une forme minuscule de plastique : les microplastiques. Ces derniers peuvent être une forme dégradée du plastique déjà présent dans les écosystèmes, ou bien provenir de nos vêtements par exemple, dont les microplastiques se déversent jusque dans l’Arctique.
Cette forme microscopique de pollution est d’autant plus problématique qu’elle est très difficile à traquer. C’est pour cette raison que des scientifiques du Michigan ont développé un nouvel outil, qu’ils montrent dans une vidéo et une étude publiées en juin 2021.
« On sait que les concentrations de microplastiques dans l’océan varient considérablement selon les endroits », rappellent les auteurs en introduction de leurs travaux. La concentration est particulièrement élevée dans le nord de l’Atlantique et du Pacifique. Les méthodes de mesure de la concentration en microplastique reposent en général sur le chalutage au filet du plancton, puis, à partir de là, par des modélisations qui prédisent la circulation de cette pollution à partir de la circulation océanique. « Cependant, les mesures globales de la distribution des microplastiques et de leur variabilité temporelle font défaut », regrettent les auteurs.
Une méthode géographique et temporelle
L’outil développé par les scientifiques du Michigan fonctionne comme un atlas mondial du microplastique. La méthode repose sur CYGNSS, un programme de huit microsatellites lancés en 2016 et qui surveillent les conditions météorologiques des grands systèmes de tempête du monde. Les satellites du CYGNSS disposent d’un radar mesurant la rugosité de la surface de l’océan. Or, c’est précisément sur cette rugosité que comptent Madeline C. Evans et Christopher S. Ruf, les deux scientifiques à l’origine de l’atlas du microplastique.
À l’origine, les mesures de rugosité servent à « mesurer la vitesse du vent », mais « nous savions que la présence de certains éléments dans l’eau modifiait la réactivité de celle-ci à l’environnement », explique Christopher Ruf sur le site de l’université. Les scientifiques ont donc eu l’idée de faire cela à l’envers, « en utilisant les changements de réactivité pour prédire la présence de substances dans l’eau ». En clair : mesurer la rugosité à la surface des océans aide à prédire la concentration en microplastique. Effectivement, on sait que les microplastiques sont accompagnés de surfactants, des composés huileux, savonneux. Ce sont des « tensioactifs » qui abaissent la tension superficielle à la surface d’un liquide — et qui modifient donc sa rugosité.
« Les zones de forte concentration de microplastiques, comme le Vortex de déchets du Pacifique nord, existent parce qu’elles sont situées dans les zones de convergence des courants et des tourbillons océaniques. Les microplastiques sont transportés par le mouvement de l’eau et finissent par s’accumuler en un seul endroit. Les tensioactifs [évoqués plus haut] se comportent de manière similaire, et il est très probable qu’ils agissent comme une sorte de traceur pour les microplastiques. »
C’est ainsi que Madeline C. Evans et Christopher S. Ruf ont pu développer une carte à la fois géographique et temporelle des microplastiques présents dans l’océan.
Des variations saisonnières
L’outil est d’ores et déjà utile pour préciser nos connaissances scientifiques sur la circulation du microplastique dans les océans. Les deux auteurs ont découvert que cette pollution a tendance à varier selon les saisons : un pic est notamment atteint dans l’Atlantique Nord et le Pacifique pendant les mois d’été.
Dans l’hémisphère Nord, c’est en juin et juillet que s’accumulent les quantités les plus massives de microplastique dans le Vortex de déchets du Pacifique nord. Dans l’hémisphère Sud, les concentrations sont maximales en janvier et février (des mois d’été dans cet hémisphère). L’explication est à trouver dans la circulation océanique, les courants étant plus forts en hiver, ce qui casse les panaches concentrés de microplastique.
Madeline C. Evans et Christopher S. Ruf ont également repéré des pics au niveau du fleuve Yangtze, qui est soupçonné d’être l’une des principales sources par lesquelles le microplastique se déverse. Et c’est souvent le cas pour les fleuves. « Ce qui rend les panaches provenant des embouchures des grands fleuves dignes d’intérêt, c’est qu’ils constituent une source dans l’océan, par opposition aux endroits où les microplastiques ont tendance à s’accumuler. »
Pour les deux auteurs, leurs travaux ont une utilité écologique de premier plan, par exemple pour identifier où envoyer les navires de recherche et de nettoyage. Ils sont d’ores et déjà en discussion avec l’organisation The Ocean Cleanup, mais espèrent aussi entrer en contact avec l’Unesco, qui dispose d’un groupe de recherche sur les méthodes innovantes pour traquer les rejets microplastiques dans les eaux.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.