Jusqu’à 49,6 degrés dans la ville de Lytton : des températures inédites ont été atteintes au Canada, un pays qui n’est pourtant pas préparé à une telle vague de chaleur. Une telle canicule est dangereuse pour la santé humaine. Ce genre de vagues de chaleur s’inscrit dans un contexte de dérèglement climatique.

« En juin 2021, des records de température sont tombés dans plusieurs villes des États-Unis et du Canada, au cours d’une vague de chaleur que le National Weather Service désigne comme ‘historique et dangereuse’ », écrit l’observatoire de la Nasa.

La situation fait les gros titres en Amérique du Nord en cette fin de mois de juin 2021. Depuis le weekend du 26-27 juin, le nord-ouest du Pacifique connait une vague de chaleur inédite. Le dimanche, l’ECCC (agence météorologique et environnementale du Canada) annonçait que le pays venait d’atteindre un record national dans la petite ville de Lytton, en atteignant 46,6 degrés Celsius. Cette température est la plus haute jamais atteinte localement depuis 84 ans, battant le précédent record de 3 degrés.

Mais voilà que la vague de chaleur continue et, mardi 29 juin, l’agence signalait que le record était encore battu : à Lytton, le pic a atteint 47,9 degrés Celsius. « L’été de tous les records », note l’agence. Quelques heures plus tard, Lytton battait encore, pour la troisième fois consécutive en trois jours, le record canadien de chaleur, en atteignant une température de 49,6 degrés. « Je ne pensais pas que ce serait possible de mon vivant », commente le météorologue Scott Duncan.

Ce record reflète les hausses de températures partout dans la région. L’aéroport de Portland a atteint 46,6 degrés au 28 juin : « trois jours avant, la température la plus chaude enregistrée était de 41,6 degrés, atteinte en août 1981 et juillet 1965 ». Dans certains endroits, la température nocturne ne tombait pas au-dessous de 28 degrés.

Des conséquences graves

Une telle vague de chaleur n’est pas qu’une canicule : ces températures posent de vrais dangers pour la santé humaine. Des températures trop hautes peuvent être mortelles — les vagues de chaleur sont les événements météorologiques extrêmes qui causent le plus de décès.

Résultat, cette canicule met les services d’urgence sous tension au Canada : « Nous avons répondu à de nombreux appels médicaux liés à la chaleur aujourd’hui. Notre agence n’est pas la seule. Les ambulances sont très sollicitées en raison de la demande. Nous demandons aux gens de reporter leurs activités de plein air, de trouver un abri approprié et de rester éloigné de la chaleur jusqu’à ce que les températures baissent », alerte le shérif de l’Oregon. Les écoles ont également été forcées de fermer dans plusieurs localités. Du 25 au 28 juin, 233 morts subites liées à la chaleur ont été rapportées au Canada.

La vague de chaleur, fin juin 2021, touche tout le Nord-Ouest de l'Amérique/du Pacifique. // Source : Earth Observatory/Nasa

La vague de chaleur, fin juin 2021, touche tout le Nord-Ouest de l'Amérique/du Pacifique.

Source : Earth Observatory/Nasa

Et il n’y a pas que l’impact direct pour la santé humaine : de nombreuses infrastructures, qui n’ont pas été bâties pour subir de telles chaleurs, se sont littéralement mises à fondre. C’est le cas des câbles d’alimentation, par exemple. Cela a généré plusieurs coupures de courant qui, à leur tour, mettent en danger la santé humaine en coupant l’accès aux appareils de climatisation et de rafraîchissement.

Plus largement, d’ailleurs, la situation met en exergue le manque de préparation d’une région peu habituée à la chaleur. Comme le relève Vivek Shandas, spécialiste en adaptation climatique, auprès du média américain Gizmodo, il y a une « incorporation relativement limitée des technologies de refroidissement dans les ménages » dans le nord-ouest du Pacifique. Seuls 30 % des habitations de Seattle ont une climatisation centrale, et 60 % à Portland ; et ces chiffres sont bien plus bas dès que l’on sort des zones urbaines. « Les personnes ayant des conditions de santé préexistantes, les personnes âgées, et aussi toute personne vivant dans des immeubles d’appartements sont également très vulnérables à cette chaleur. »

Une tendance due au changement climatique

Pour déterminer si une chaleur est une déviation météorologique normale ou si elle est anormale, les climatologues utilisent une échelle en « sigmas ». En l’occurrence, le cœur de la vague pique de 3 à 4,4 sigmas. Comme l’explique le climatologue Jeff Berardelli, cela signifie que les records de températures sont au-delà de 99,99 % des valeurs prédites, soit une chance sur 10 000 que cela advienne. C’est là que le changement climatique a un impact : même en présence de raisons météorologiques locales, il accentue les risques d’anomalies de ce type et pourrait les normaliser à l’avenir.

« Le changement climatique rend l’impossible non seulement possible, mais également probable », note Jeff Berardelli. Car si des phénomènes météorologiques locaux parfois exceptionnels auront toujours lieu, ils se combinent dorénavant au phénomène plus long et global du changement climatique, aggravant la situation générale. C’est une synergie cruciale à comprendre, qui permet aussi de saisir pourquoi on parle bien de « changement » ou « dérèglement » du climat : « Une petite augmentation au long terme dans les températures moyennes mène à une augmentation disproportionnée des occurrences de chaleur extrême. Cela rend les vagues de chaleur plus probables », rappelle Climate Central.

L'augmentation des températures moyennes entraine une augmentation des risques de chaleur extrême. // Source : Climate Central

L'augmentation des températures moyennes entraine une augmentation des risques de chaleur extrême.

Source : Climate Central

Concrètement, on le sait depuis plusieurs années : le changement climatique accentue tout à la fois la fréquence, la température et la longueur des vagues de chaleur. Ce n’est d’ailleurs pas de la futurologie, mais une analyse qui se conjugue déjà au présent. D’après une étude parue en mai 2021, 37 % des décès dus à la chaleur seraient d’ores et déjà attribuables aux chaleurs provoquées par le changement climatique anthropique (dû aux activités humaines).

Ces épisodes de chaleur contribuent également à de fortes sécheresses, qui touchent énormément l’ouest des États-Unis. C’est ce qui a généré, l’été dernier, les incendies dévastateurs en Californie et une année 2020 déjà record.

En Amérique du Nord, « les recherches actuelles indiquent que la fréquence et la durée des vagues de chaleur devraient augmenter dans une grande partie des États-Unis, et l’analyse des épisodes de chaleur révèle qu’une tendance significative à l’augmentation de la fréquence des épisodes nocturnes est déjà observée dans le nord-ouest du Pacifique », notait une étude publiée dès 2013, qui se confirme depuis. Le phénomène touche bien d’autres régions dans le monde : la France, elle aussi, se réchauffe toujours plus.

Le réchauffement planétaire et le dérèglement du climat ne sont pas (ou plus) des choses abstraites. La vague de chaleur qui touche actuellement le nord-ouest du Pacifique vient rappeler qu’en plus de mitiger urgemment les causes du changement climatique, il s’agit aussi de prévoir des adaptations dans les habitations et les infrastructures, car le manque de préparation des pays qui ne sont pas habitués à la chaleur — comme le Canada — apparait très marqué lors d’un épisode inédit comme celui-ci.

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