Les scientifiques s’approchent d’une solution à l’énigme du méthane sur Mars. Pourquoi certains instruments scientifiques en trouvent-ils, mais pas d’autres ? En journée, le méthane accumulé près de la surface serait mélangé dans l’atmosphère.

Pourquoi certains instruments scientifiques envoyés sur Mars détectent-ils du méthane, et pas d’autres ? Tandis que le rover Curiosity de la Nasa a identifié à plusieurs reprises ce gaz à la surface de la planète rouge, l’orbiteur TGO (ExoMars Trace Gas Orbiter) de l’ESA n’en détecte pas dans l’atmosphère. Une partie de l’énigme semble sur le point d’être résolue, a annoncé la Nasa le 29 juin 2021. Ces avancées ont été détaillées dans la revue Astronomy & Astrophysics.

« La quantité, la distribution et le comportement du méthane dans l’atmosphère de Mars sont d’un grand intérêt pour la communauté scientifique planétaire et pour le grand public puisque le gaz est reconnu comme une biosignature potentielle, en partie en raison de son origine principalement biologique sur Terre », écrivent les auteurs de l’étude. Sur Terre, on sait qu’une part importante du méthane est produite par des microbes, qui aident ainsi des animaux à digérer. Si ce gaz est détecté sur Mars, on peut donc se demander si cela implique la présence de microbes sur la planète. Il faut néanmoins garder en tête que ce méthane pourrait très bien n’avoir aucune origine biologique, et être produit par des processus géologiques.

La surface de Mars vue par la sonde TGO. // Source : Flickr/CC/ESA (photo recadrée)

La surface de Mars vue par la sonde TGO.

Source : Flickr/CC/ESA (photo recadrée)

« Une pincée de sel diluée dans une piscine olympique »

Avant même de découvrir l’origine de ce gaz sur Mars, il faut comprendre pourquoi tous les robots envoyés sur la planète ne le détectent pas. Installé à bord de Curiosity, le spectromètre laser TLS (pour « Tunable Laser Spectrometer ») a mesuré la présence du méthane dans le cratère Gale, dans une quantité équivalente à « une pincée de sel diluée dans une piscine olympique », décrit la Nasa. La sonde TGO, elle, n’a pas identifié de méthane, alors même qu’il s’agit d’un de ses objectifs. « Nous nous retrouvons avec un écart apparent entre les ensembles de données du rover et de l’orbiteur », peut-on lire dans l’étude.

Les scientifiques ont émis l’hypothèse qu’il pouvait exister des écarts dans les mesures de méthane réalisées par le rover en fonction du moment de la journée où elles avaient lieu. Il se trouve que l’instrument TLS a besoin d’énergie, et qu’il fonctionne principalement la nuit, quand les autres instruments sont au repos. L’atmosphère de Mars étant plus calme la nuit, on pourrait imaginer que le méthane s’accumule à proximité de la surface de la planète. En journée, ce méthane serait ensuite mélangé dans l’atmosphère, de telle sorte qu’il serait dilué au point de devenir indétectable. Cela expliquerait que TGO, à 5 kilomètres au-dessus de la surface martienne, ne le repère pas.

Un mécanisme de destruction du méthane à l’œuvre ?

Pour vérifier ce scénario, l’instrument TLS de Curiosity a été utilisé afin de prendre des mesures en journée. Plus exactement, le méthane était mesuré pendant une nuit, puis le jour suivant, puis la nuit suivante. Les deux mesures réalisées pendant la journée ont confirmé que le robot ne détectait pas de méthane à ce moment-là. Autrement dit, et comme le résume bien le docteur en planétologie Thomas Appéré sur Twitter, « en se mélangeant dans l’atmosphère, le taux de méthane passerait sous le seuil de détection ». Cela permet aussi d’expliquer pourquoi TGO, qui ne peut rechercher du méthane qu’en journée, n’en détecte pas.

Cette découverte ne résout cependant pas totalement le mystère du méthane sur Mars : pourquoi ne s’accumule-t-il pas dans l’atmosphère ? Comme l’indique la Nasa, le méthane est une molécule stable, dont l’espérance de vie sur Mars est de 300 ans. On s’attendrait à ce qu’il s’accumule tellement dans l’atmosphère que TGO puisse l’identifier. Il y a donc peut-être « un mécanisme de destruction ou de séquestration du méthane » insoupçonné dans l’atmosphère de Mars, écrivent les scientifiques dans leur conclusion. Des expériences sont prévues pour en découvrir les causes éventuelles.

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