La Nasa continue d’enquêter pour comprendre ce qui se passe avec Hubble, son télescope spatial toujours hors service. Depuis le 13 juin, le célèbre observatoire rencontre un problème informatique et les observations scientifiques sont suspendues. À la date du 30 juin, le problème n’était pas résolu, a indiqué l’agence spatiale dans un communiqué régulièrement mis à jour. Elle a indiqué que les diagnostics continuent, et que des opérations pour mettre en route un ordinateur de secours sont en préparation.
« On a tous un peu peur »
Pour les astronomes, cette panne est sans surprise une source de préoccupation. « On a tous un peu peur de ce qui se passe avec Hubble, il y a régulièrement des inquiétudes sur son fonctionnement », explique Élodie Choquet, astronome au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, interrogée par Numerama. Ce n’est certes pas la première fois que le télescope connait des difficultés, en 31 ans de fonctionnement dans l’espace.
« Dans le passé, il y a eu un problème récurrent, qui concernait les gyroscopes du télescope. Ils permettent de mesurer sa vitesse et son orientation dans l’espace, de façon à observer les étoiles qui nous intéressent. Hubble en a six. Il a besoin de trois gyroscopes pour pouvoir se positionner, les autres sont en backup. À chaque fois qu’il y en a un qui meurt, on est tous très tristes, car on sait que cela nous approche de la fin du télescope, même si jusqu’à présent il y a toujours eu un gyroscope de backup qui a permis de continuer les opérations », poursuit l’experte. Aujourd’hui, trois gyroscopes sont en panne, il n’en reste donc plus d’avance.
À quoi sert l’ordinateur de bord de Hubble ?
Divers soucis techniques sont déjà survenus sur Hubble, jusqu’à présent sans mettre en danger les jours du télescope, qui tourne inlassablement autour de la Terre depuis 1990. Mais, cette fois, nous explique l’astronome, « c’est un problème un peu différent. Ce n’est pas un gyroscope qui est tombé en panne. Là, c’est le payload computer, l’ordinateur de bord, qui permet de contrôler les instruments dans le télescope. » Cela pourrait être encore pire, car les instruments scientifiques eux-mêmes sont en bonne santé, mais au final, une certaine frustration est présente : le souci rencontré par l’ordinateur empêche toute activité. « Dans Hubble, il y a à la fois les instruments scientifiques, et les instruments qui permettent de manipuler le télescope, de l’orienter vers les cibles qui nous intéressent, poursuit Élodie Choquet. L’ordinateur de bord envoie les commandes à ces instruments pour pouvoir faire les observations. »
Un plan B : l’ordinateur de secours
Évidemment, Hubble n’a pas été lancé dans l’espace sans plan B, au cas où cet ordinateur ne répondrait plus, comme c’est le cas actuellement. « Dans les télescopes spatiaux et les satellites, il y a toujours de la redondance en cas de problème technique, c’est-à-dire des composants en double, voire en triple, pour pouvoir utiliser une solution en backup », détaille Élodie Choquet. Dans Hubble, un ordinateur de bord de secours est prévu.
Pour l’instant, « la Nasa n’a pas encore essayé de démarrer l’ordinateur de secours. Ils sont en train de faire des diagnostics et des tests sur celui qui est en panne, avant d’avoir recours à la solution drastique d’utiliser celui de backup », décrit la spécialiste. Il est impératif de comprendre d’où vient la cause du problème avant d’envisager des manipulations. « Il y a peut-être des risques d’endommager les instruments, ou le deuxième ordinateur de bord, si on ne comprend pas bien ce qu’il se passe et qu’on fait une erreur », souligne l’astronome.
Des questions envoyées à l’ordinateur
Concrètement, en quoi consistent les procédures actuellement mises en œuvre par la Nasa ? Ce sont des diagnostics, précise Élodie Choquet. « Des commandes sont envoyées au télescope pour voir si l’ordinateur réagit. Ce ne sont pas des commandes pour contrôler les instruments ou qui font bouger le télescope, mais qui demandent plutôt des informations à l’ordinateur de bord, pour savoir par exemple s’il a accès à sa mémoire, à ses interfaces de communication avec les instruments. » L’experte ajoute qu’il faut un peu imaginer cela comme des questions qui sont envoyées à l’ordinateur.
La lenteur des procédures s’explique évidemment par l’incroyable longévité du télescope Hubble, par rapport à ses homologues. « Ses composants sont très vieux, dont l’ordinateur. Non seulement cela fait 30 ans qu’il est dans l’espace, mais la technologie qui est dedans est encore plus vieille. Le temps de concevoir la mission, il y a une dizaine d’années, voire davantage. Et quand on conçoit un télescope, on choisit des technologies qui sont sûres, robustes, prouvées, pour être sûrs que cela marche dans l’espace. On ne va pas tellement vers la modernité, davantage vers la solidité. » Ce matériel âgé et éprouvé ne rend probablement pas la tâche aisée à résoudre rapidement. L’ordinateur de bord, lui, a été changé il y a 13 ans, lors de la dernière mission de maintenance réalisée en 2009 (ce qui est déjà vieux).
Il ne faut pas oublier que Hubble était au départ prévu pour une mission de 15 ans. « Il a donc largement dépassé les attentes en termes de longévité, notamment grâce à ces fameuses Service Missions [ndlr : les missions de maintenance] et au travail des astronautes pour le réparer à cinq reprises ! », conclut Élodie Choquet.
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