Le 7 juin 2021, le créateur d’Amazon et milliardaire Jeff Bezos a annoncé une décision surprenante : il participera au vol inaugural de Blue Origin le 20 juillet, son entreprise d’aérospatial qui promet de rendre le tourisme spatial accessible. C’est ainsi que Jeff Bezos aurait pu devenir le premier milliardaire à faire un voyage de plaisir dans l’espace, dans la fusée de l’entreprise qu’il a créée. Aurait pu, car visiblement, aller dans l’espace est le dernier bien positionnel inventé par les milliardaires : Richard Branson, créateur de Virgin et milliardaire, a annoncé qu’il partirait dans l’espace à bord du VSS Unity le 11 juillet, soit 9 jours avant son rival.
Le monde d’en bas, qui observe cette joute spatiale, n’attend plus qu’Elon Musk annonce son départ pour le week-end qui vient.
Mais cette rivalité de milliardaires, malgré les paillettes et les grandes déclarations, manque cruellement de sens.
Tourisme spatial et intérêt scientifique
D’emblée, on note à quel point la communication sait faire des merveilles : on croirait presque que Bezos ou Branson pourraient être les premiers milliardaires dans l’espace. Ce serait oublier que le premier touriste spatial, l’Américain Dennis Tito, a rejoint la Station spatiale internationale en 2001 — il y a 20 ans. Et que, depuis, parmi les 8 personnes ayant reproduit l’exploit, deux d’entre eux sont milliardaires : le créateur de Microsoft Word Charles Simonyi était le 5e touriste spatial et le fondateur du Cirque du Soleil Guy Laliberté était le 8e. Ils ont été dans la station spatiale respectivement en 2007 et en 2009.
Le phénomène de milliardaire dans l’espace est donc loin d’être nouveau. Mais en plus, les nouveaux très riches ont moins d’ambition que les pionniers du vol spatial. L’ISS orbite autour de la Terre à 408 km d’altitude, dans une région où personne ne peut douter qu’il s’agit de l’espace. Qu’il s’agisse de Blue Origin ou de Virgin Galactic, l’expérience sera certes sensationelle, mais elle pourrait laisser un petit goût d’opportunité manquée à celles et ceux qui ont déboursé des centaines de milliers — voire des millions — de dollars pour y participer.
Les deux vaisseaux sont en effet prévus pour aller à peine au-delà des 100 km matérialisés par la Ligne de Kármán, frontière officielle de l’espace, avant de faire une petite courbe et de redescendre. VSS Unity embarquera ses touristes pour 6 minutes de contemplation dans l’espace, quand le vol de New Shepard durera 11 minutes. C’est autre chose qu’un voyage dans l’ISS de plusieurs semaines. Presque pas un voyage spatial, pourraient arguer certains.
L’espace, un loisir comme un autre ?
Et même au-delà des déclarations grandiloquentes de Bezos (« Depuis l’âge de cinq ans, je rêve de voyager dans l’espace. ») et de Branson, (« J’ai toujours été un rêveur. Ma maman m’a appris à ne jamais renoncer et à chercher à atteindre les étoiles »), que vont accomplir les touristes spatiaux de l’ère nouveau ? Pas grand-chose. Celles et ceux qui, millionnaires ou milliardaires, ont visité l’ISS depuis 2001 avaient des objectifs touristiques, mais également scientifiques, sociétaux ou artistiques.
Anousheh Ansari, seule femme touriste spatiale à ce jour, a participé à des expériences scientifiques sur la station spatiale, menées par l’ESA, sur le mal de l’espace. Charles Simonyi a participé à contribué aux expériences médicales lors de son séjour. Le Britannique Richard Garriott a mobilisé l’éducation avant et pendant son séjour, en amenant des expériences proposées par des écoliers dans l’espace. Le tout, chacun à leur manière plus ou moins mégalo, en communiquant sur l’espace comme un terrain de découverte, de savoir ou de créativité.
Quel sera le message ou la portée symbolique d’un riche touriste ayant vécu une expérience exclusive d’apesanteur pendant quelques minutes ? Les internautes qui souhaitaient laisser Jeff Bezos dans l’espace ont peut-être un début d’idée.
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