L’ ARN messager, utilisé par les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna contre le Covid-19, a fait beaucoup parler de lui, au cours de l’année écoulée. Révolution pharmaceutique, il n’en est pas moins le fruit de décennies de recherche fondamentale et d’essais cliniques. Les informations accumulées dessus constituent une impressionnante base de savoirs, en biologie moléculaire ainsi qu’en génétique moléculaire.
L’ARNm pourrait-il être utilisé pour développer un vaccin efficace contre le VIH ? Cette autre pandémie contemporaine a fait plus de 32 millions de morts entre 1981 et 2018. Elle continue d’infecter et de tuer même si les traitements antirétroviraux parviennent à rendre la charge virale indétectable (et le virus intransmissible selon la formule « I=I » ), et que la généralisation de prescription de la PreP permet une protection efficace.
Et si la découverte d’un vaccin contre le VIH semble, pour certains, moins urgente que celle d’un vaccin contre le Covid, elle n’en reste pas moins d’actualité : plus de 6000 personnes découvrent chaque année leur séropositivité en France et 1,7 million de personnes sont nouvellement infectées par an dans le monde.
Dans le domaine médical, l’ARN messager est une solution qui ouvre nombreuses perspectives. « L’ARNm est en quelque sorte un trait d’union entre notre ADN (nos gènes) et ce qu’une protéine va exprimer. Autrement dit, il fait une photocopie de l’ADN pour le porter du noyau jusqu’au cytoplasme et le coder en protéine — la protéine Spike pour le Sars-CoV-2 », explique Palma Rocchi, chercheuse en oncologie à l’INSERM. Elle ajoute : « Jusqu’à présent, les médicaments ciblaient la protéine elle-même. La nouveauté avec les technologies à ARNm est que l’on agit en amont, avant la traduction finale. »
S’il a montré son utilité pour lutter contre le virus à l’origine du Covid-19, l’ARNm ouvre cependant bien d’autres perspectives. « Ce procédé pourrait permettre de reproduire la protéine de n’importe quel virus et de développer des vaccins pour prévenir les infections. Il pourra aussi permettre une immuno-stimulation pour prévenir les cancers ou participer à leur traitement ou encore supplanter la thérapie génique dans certaines maladies génétiques.»
Le VIH est un virus très différent du Sars-CoV-2
Il parait cependant peu probable que la technologie ARNm fasse évoluer rapidement les recherches autour d’un vaccin contre le VIH. Cela ne s’explique pas uniquement par un manque de moyens attribués à la recherche mais aussi par les caractéristiques mêmes du virus. Comme l’explique Dr Jean-Christophe Paillart, directeur de recherches au CNRS : « Le VIH est un virus très différent du Sars-CoV-2 en ce qu’il s’intègre, c’est-à-dire qu’il a pour particularité d’intégrer son matériel génétique dans le chromosome des cellules qu’il infecte. Cela le rend beaucoup plus difficile à cibler puisqu’il se transmet d’une cellule à une autre et qu’il peut rester en dormance (latence) dans la cellule infectée et se réactiver à tout moment. »
Ainsi, si l’on veut créer un vaccin ARNm contre le VIH, il faudrait pouvoir cibler une cellule qui va être en mesure de produire des anticorps neutralisants à large spectre. Et, pour utiliser l’ARNm en traitement, il faudrait pouvoir éliminer le virus des cellules ou le supprimer à son entrée en mettant en place une stratégie de ciblage.
Les perspectives d’un vaccin ARNm
Un récent essai clinique de phase 1, dont les résultats ont été communiqués début 2021, livre des pistes prometteuses : un vaccin contre le VIH pourrait cibler les cellules immunitaires souhaitées et devenir la première étape d’une stratégie vaccinale en plusieurs étapes pour lutter contre le VIH et diverses autres maladies virales. S’il n’utilise pas de technologie ARNm pour le moment, il est possible que ce soit le cas à l’avenir car on évoque une collaboration avec Moderna. Reste que si cet essai est prometteur, il n’annonce pas une solution à court terme. Pour le Dr Paillart, il y a encore de grandes étapes à franchir sur le plan de la recherche fondamentale avant de pouvoir envisager une utilisation de l’ARNm contre le VIH : « Pour moi, la recherche n’en est pas encore là. Délivrer de l’ARNm dans une cellule ne suffit pas, s’il n’a pas vocation à produire des anticorps spécifiques. »
Pour autant, la crise du Covid et ce qui a été fait en matière de vaccins ARNm pourront servir à la recherche contre le VIH tout particulièrement en ce qui concerne les techniques utilisées pour cibler l’ARN. « Trouver un vaccin ARNm contre le VIH est potentiellement possible » conclut le Dr Paillart « mais il faudra encore attendre de longues années d’autant que le sentiment d’urgence est moindre aujourd’hui. »
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