Et s’il n’y avait finalement pas de conflit au sujet des mesures du taux d’expansion de l’Univers ? Les dernières observations montreraient que l’écart entre les mesures tend à se réduire. C’est en tout cas ce que détaille l’astronome américaine Wendy Freedman dans une étude à paraître dans The Astrophysical Journal, accessible sur arXiv et relayée par l’université de Chicago le 30 juin 2021.
L’Univers est en expansion. Quand on observe les galaxies, elles donnent l’impression de s’éloigner de nous. En réalité, ce ne sont pas les galaxies qui s’éloignent les unes des autres, mais l’espace lui-même qui se dilate. Connaître la vitesse de cette expansion de l’Univers est un paramètre important pour les scientifiques. Ils cherchent à déterminer ce qu’on nomme la constante de Hubble, qui donne le taux d’expansion de l’Univers à un instant donné. Dans les années 1990, on a découvert que l’expansion de l’Univers accélérait (la vitesse d’éloignement des galaxies augmentant au fil du temps). Or, comme le résume l’université de Chicago dans son communiqué, les deux principales manières de mesurer la vitesse de l’expansion de l’Univers aboutissent à des mesures différentes.
La tension de la constante de Hubble
Cet écart « divise » en quelque sorte les astrophysiciens, entre ceux qui estiment que cet écart est significatif, et ceux qui considèrent qu’il doit y avoir une ou plusieurs erreurs dans les mesures. Dans le premier cas, cela pourrait vouloir dire qu’une nouvelle physique est nécessaire. Dans le deuxième, cela tendrait à confirmer notre modèle du fonctionnement de l’Univers. D’après Wendy Freedman, ce modèle n’aurait pas besoin d’être modifié de façon importante.
Quelles sont les deux manières de mesurer la constante de Hubble ?
- À l’aide du fond diffus cosmologique, la plus ancienne lumière encore présente dans l’Univers. Les observations de cette lumière peuvent être utilisées dans le modèle de l’Univers jeune, pour prévoir ce que doit être la constante de Hubble aujourd’hui. Le résultat est 67,4 kilomètres par seconde par mégaparsec (1 mégaparsec, ou Mpc, équivalent à un million de parsecs, le parsec était lui-même égal à 3,26 années-lumière).
- À l’aide de la mesure des distances et des vitesses d’éloignement des étoiles et des galaxies dans l’Univers proche, par rapport à nous. Une mesure réalisée par Wendy Freedman en 2001 avec le télescope spatial Hubble, en utilisant des étoiles connues sous le nom de Céphéides, a permis d’obtenir une valeur de 72.
En 2019, Wendy Freedman a publié de nouveaux résultats, en utilisant une autre méthode que celle des Céphéides, en observant cette fois-ci des géantes rouges, toujours avec Hubble. La valeur a alors été estimée à 70 kilomètres par seconde par Mpc. Depuis, l’astronome et son équipe ont continué à travailler pour améliorer la précision de leurs mesures (en utilisant des méthodes indépendantes pour calibrer la luminosité des géantes rouges, qui donnent des résultats très proches). « Confirmer la réalité de la tension de H0 [ndlr : la constante de Hubble] pourrait avoir des conséquences importantes à la fois pour la physique fondamentale et la cosmologie moderne », écrit la scientifique dans sa plus récente étude.
Les Céphéides, un peu plus bruyantes
Désormais, la scientifique estime que les données obtenues avec la méthode des géantes rouges montrent une cohérence entre les taux d’expansion de l’Univers, mesurés de façon locale ou distante (les deux méthodes décrites plus haut). Les scientifiques n’auraient donc pas besoin d’une nouvelle physique pour résoudre le problème. Wendy Freedman et son équipe parviennent, avec les géantes rouges, à une constante de Hubble de 69,8 kilomètres par seconde par Mpc, soit plus proche de la mesure réalisée avec le fond diffus cosmologique.
Pourquoi arrive-t-on à une mesure plus élevée avec la méthode des Céphéides ? « Les étoiles Céphéides ont toujours été un peu plus bruyantes et un peu plus compliquées à comprendre pleinement ; ce sont de jeunes étoiles dans les régions de formation d’étoiles actives des galaxies et cela signifie qu’il est possible que des choses comme la poussière ou la contamination d’autres étoiles faussent vos mesures », explique Wendy Freedman dans le communiqué de l’université de Chicago.
Pour l’autrice et son équipe, la méthode des géantes rouges et les Céphéides permettent en tout cas d’obtenir l’estimation la plus statistiquement robuste de la constante de Hubble à l’heure actuelle. Pour le moment, les scientifiques concluent qu’il n’est pas possible d’écarter complètement la possibilité que nous ayons besoin d’une nouvelle physique pour en finir avec la divergence dans les mesures. Les données qui seront collectées dans les prochaines années pourraient résoudre enfin le dilemme, notamment avec le lancement du futur télescope spatial James-Webb, très attendu des astronomes. Wendy Freedman et son équipe ont déjà obtenu la possibilité d’utiliser l’observatoire pour étudier davantage les Céphéides et les géantes rouges.
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