Les matières fécales peuvent contenir un nombre surprenant d’informations pertinentes pour les archéologues. Dans une étude publiée au printemps 2021 dans Quaternary Science Reviews, et commentée par les auteurs début juillet sur le site de l’université McGill, une équipe d’archéologues explique comment, grâce à des fèces, ils ont pu en apprendre davantage sur la démographie Maya — et ses liens avec le climat.
Ces recherches reposent sur une technique récente de datation : l’analyse des stanols fécaux, des molécules organiques présentes dans les excréments humains et animaux. Les archéologues les ont prélevés dans un lac proche du site d’Itzan, où était autrefois érigée une importante cité maya.
Cette méthode vient en complément des fouilles habituelles, qui ne sont pas toujours parlantes, en particulier dans les Basses-Terres mayas où est justement situé ce site. « Les basses terres mayas ne sont pas très propices à la préservation des bâtiments et autres traces de la vie humaine, en raison de l’environnement de forêt tropicale », explique le principal auteur du papier, Benjamin Keenan.
Ce type de travaux aide donc la recherche scientifique en fournissant « un nouvel outil pour examiner les changements qui pourraient ne pas être visibles dans les preuves archéologiques, parce que ces preuves n’ont peut-être jamais existé ou ont pu être perdues ou détruites depuis ». Par exemple, les auteurs de cette étude ont pu établir que la cité maya d’Itzan était habitée au moins 650 ans avant ce qui était précédemment établi à partir des preuves habituelles présentes sur le terrain. Les auteurs ont également décelé un pic populationnel en 1697, soit une date correspondant aux attaques des dernières forteresses mayas par la colonisation espagnole, suggérant qu’Itzan a alors accueilli de nombreux réfugiés. Ce n’était pas documenté auparavant.
Des liens entre démographie et climat
L’analyse de ces molécules organiques a permis aux chercheurs d’identifier plus précisément les grands changements dans la population maya, à la fois concernant sa densité et sa répartition. Les scientifiques ont ensuite relié ces informations à nos connaissances sur les conditions climatiques de l’époque. Cela permet d’établir de grandes périodes clés, pendant lesquelles la sécheresse a provoqué un déclin de la population Maya : entre 1350 à 950 avant J.-C ; entre 90 et 280 après J.-C. ; entre 730 et 900 après J.-C.
Ces travaux mettent également en évidence un déclin important entre 400 et 210 avant J.-C., durant une période très humide, ce qui montre que les déclins de population peuvent répondre à ces deux extrêmes climatiques : périodes très sèches ou très humides.
« Il est important pour la société, dans son ensemble, de savoir qu’il y avait des civilisations avant nous qui ont été affectées par le changement climatique et s’y sont adaptées. En connectant les preuves du changement climatique et démographique, nous pouvons commencer à voir un lien clair entre les précipitations et la capacité de ces villes anciennes à maintenir leur population », commente Peter Douglas, auteur sénior de cette étude. Le taux de précipitations est en effet, également, un enjeu à l’heure actuelle : on sait que le dérèglement climatique de notre époque, généré par les activités humaines, va provoquer davantage de sécheresses. Et l’une des solutions envisagées est de favoriser la couverture forestière, dont on sait qu’elle peut favoriser les pluies.
L’étude suggère enfin que les Mayas ont développé des adaptations aux variations climatiques. Il y a effectivement des périodes où une forte population est attestée à Itzan, sans que cela se reflète dans les matières fécales. Ce déséquilibre signifie, selon les auteurs, qu’ils ont utilisé des déchets humains comme engrais pour les cultures, afin de contrebalancer la dégradation des sols et leur perte en nutriments provoquées par les sécheresses.
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