Si le réchauffement planétaire à la surface de la Terre est bien étudié et mesuré, ce qui se passe un peu plus haut est exposé à davantage de doutes. La théorie voudrait qu’en réponse à la hausse des températures, la haute atmosphère se refroidisse, mais cela n’a jamais pu être clairement observé. C’est maintenant chose faite avec une étude parue dans Journal of atmospheric and Solar-terrestrial physics et relayée par la Nasa le 30 juin 2021.
Les auteurs ont combiné les données de trois satellites différents, mobilisés pour certains depuis une trentaine d’années. La méthode était nécessaire, puisque pour identifier une tendance sur le long terme, il faut forcément plusieurs années d’observations. Il est aussi important de distinguer ce qui s’explique par les émissions de gaz à effet de serre, les cycles du Soleil, et d’autres effets plus marginaux.
«Plusieurs études montraient le rapport entre les gaz à effet de serre, et le refroidissement de la haute atmosphère, précise l’auteur principal Scott Bailey. Mais nous avons voulu confirmer si cette tendance existait bien sur le long terme, et si nous pouvions avec certitude lier ça au réchauffement climatique.»
Les chercheurs ont donc utilisé trois appareils différents :
- HALOE, embarqué sur le satellite Upper Atmosphere Research Satellite (UARS) en 1991. Il vise à connaître les interactions entre les couches supérieures et inférieures de l’atmosphère. Il a notamment collecté plus de 20 ans de données jusqu’en 2005 sur la composition, la pression et les températures dans ces localités.
- SABER, instrument de la mission TIMED de la NASA. Lancé en 2001, c’est un radiomètre qui mesure la quantité de chaleur émise par l’atmosphère, mais aussi les sources de refroidissement. En marche encore aujourd’hui, il continue de mesurer la température et la pression en infrarouge entre 60 et 180 kilomètres d’altitude.
- SOFIE, lancé en 2007 avec le satellite Aeronomy of Ice in the Mesosphere (AIM). Il étudie les nuages noctulescents, leur formation et leur évolution.
Avec tout ce beau monde, les résultats sont clairs : la mésosphère, la zone entre 50 et 85 kilomètres d’altitude, se refroidit bien. Une évolution de l’ordre de 1 à 2 degrés par décennie au niveau des pôles. «C’est la première observation directe du phénomène, assure Scott Bailey. Jusque-là, seuls des modèles de simulation pouvaient arriver à ce type de résultat.»
« Sky is the neighborhood »
Et si ce résultat est contre-intuitif au premier abord, il s’explique finalement assez bien. La partie de l’atmosphère dans laquelle nous vivons est beaucoup plus dense. Les molécules d’air sont proches les unes des autres et capturent la chaleur. Le dioxyde de carbone, notamment, subit ce sort et se retrouve piégé entre les autres molécules, ce qui accélère le réchauffement — le fameux effet de serre. Mais plus on monte, plus les obstacles sont rares, et la chaleur a tendance à partir davantage dans l’espace. Et avec les gaz à effet de serre, la chaleur est encore davantage expulsée ainsi. «Si les émissions de dioxyde de carbone se poursuivent, souligne Scott Bailey, le processus va continuer également.»
Le phénomène a une autre conséquence, elle aussi prédite par les modèles climatiques : la mésosphère se contracte. Elle diminue de 100 à 200 mètres chaque décennie. Là aussi, le phénomène est facile à reproduire chez soi, avec un ballon gonflé d’air qui va diminuer de volume s’il est placé dans un congélateur. Les molécules d’air sont plus rapprochées quand elles sont exposées au froid.
Débris spatiaux et nuages de glace
Cette dernière composante a, elle, des conséquences directes chez nous. Car si un refroidissement de la mésosphère, à première vue, ne nous concerne pas forcément, une contraction est un petit peu plus problématique. «La contraction se répercute également plus haut, dans la thermosphère, détaille Scott Bailey, l’altitude à laquelle orbitent les satellites.»
Dans cette situation, les satellites sont soumis à moins de friction, ils mettent donc plus de temps à abaisser leur orbite. C’est par ce mécanisme que, habituellement, ils finissent par redescendre et à se désintégrer dans l’atmosphère, mais ici ils subissent moins le frottement de l’air et peuvent rester en orbite bien plus longtemps. Conséquence : les débris spatiaux déjà en augmentation exponentielle resteraient encore plus longtemps au-dessus de nos têtes, multipliant le risque de collision et donc de création de nouveaux débris.
Autre conséquence, les nuages noctulescents se multiplient. Ces nuages de glace se forment près des pôles lorsqu’il y a de la vapeur d’eau qui se mêle à de la poussière dans des environnements froids. Et les observations de ces dernières décennies laissent à penser qu’ils sont plus nombreux aujourd’hui. Un refroidissement à ces altitudes était le principal suspect, c’est dorénavant confirmé. «Ce sont des indicateurs du changement climatique, précisent les chercheurs dans l’étude. Ils sont très sensibles à leur environnement et les récents travaux ont montré que leur évolution ne correspondait pas aux changements de cycles du Soleil.»
La pollution humaine est donc bien responsable de ces changements, mais les interactions entre les différentes couches de l’atmosphère restent un sujet encore mal maîtrisé. Dans l’étude, les auteurs concluent sur le fait que d’autres observations à venir pourront lever les zones d’ombre. Si HALOE a terminé sa mission, SABER et SOFIE sont toujours en orbite et devraient permettre d’affiner les modèles dans les années à venir.
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