C’était censé être le « bon côté » de la crise sanitaire : en nous révélant la fragilité de l’humanité, elle devait servir de déclic salvateur et nous inciter à nous saisir de la crise climatique. Comme le montre un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie du 20 juillet, le « monde d’après » ressemble hélas beaucoup au monde d’avant. Alors que les gouvernements du monde entier ont dû mobiliser des sommes phénoménales pour aider leurs économies à surmonter cette crise sanitaire inédite, seuls 2 % de cet argent a été alloué à des mesures en faveur des énergies propres.
C’est un choix aberrant, vu l’impact autrement plus grave qu’aura la crise climatique sur les populations du monde entier. Leaké fin juin 2021, un brouillon du rapport du GIEC en donnait déjà un aperçu. Il ne s’agit pas du rapport définitif et les chiffres ainsi que les recommandations du groupe d’experts sont susceptibles d’être modifiés d’ici là. Mais le tableau général que ce brouillon dresse est extrêmement inquiétant, avec des dizaines de millions de personnes de plus qui souffriront de la faim et se trouveront en situation de pauvreté extrême dans les décennies à venir. Des centaines de millions de personnes habitant dans les zones côtières risquent d’être touchées par des inondations fréquentes liées à la hausse du niveau de la mer.
De belles promesses pas suivies d’actes
Si le réchauffement climatique dépasse 2°C, des centaines de millions de personnes de plus pourraient par ailleurs être touchées par des épisodes de canicules extrêmes, avec tous les risques que cela entraîne (problèmes de santé, multiplication des feux de forêt, etc.). Rappelons-le encore une fois, ce document n’est pas la version définitive. De précédentes études ont cependant déjà montré la gravité des problèmes que le réchauffement climatique poserait, même si l’humanité parvient à le contenir entre 1,5 et 2°C (ce qui n’est pas du tout la trajectoire sur laquelle elle se trouve à l’heure actuelle).
Réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro n’a rien d’aisé, bien sûr. Cela demande de modifier profondément les économies du monde entier. Mais les plans de relance étaient justement une occasion unique d’accélérer le mouvement. Les États ont dû débloquer 16 000 milliards de dollars pour aider leurs économies à faire face à la crise. Diriger une partie importante de ces sommes vers la transition écologique aurait pu faire avancer la situation plus rapidement.
« Depuis l’apparition de la crise du Covid-19, beaucoup de gouvernements ont parlé de l’importance de construire un futur meilleur et plus écologique. Mais chez beaucoup d’entre eux, ces promesses n’ont pas été suivies d’actes. Malgré des ambitions climatiques accrues, la part des plans de relance allouée aux énergies propres n’est qu’une petite portion du total », souligne Fatih Birol, le directeur de l’AIE, dans le communiqué de presse de l’agence.
Les émissions de CO2 atteindront des niveaux records en 2023
Ne consacrer que 2 % de ces sommes à la transition énergétique est insensé. Et les conséquences de ce choix absurde seront graves. D’après l’Agence Internationale de l’Énergie, avec les plans de relance actuels, non seulement les émissions de CO2 ne vont pas baisser, mais elles vont même atteindre des niveaux records en 2023. « Cela place la planète très loin du chemin lui permettant d’atteindre le zéro émission en 2050 », souligne l’AIE.
L’Agence Internationale de l’Énergie et le Fond Monétaire International avaient travaillé au début de la pandémie sur l’orientation à donner aux plans de relance. Dans leurs conclusions, il recommandaient de consacrer 1 000 milliards de dollars à des mesures en faveur de la transition énergétique, soit trois fois plus que ce qui a été débloqué. L’AIE souligne que ces dépenses auraient mis les pays sur une bonne trajectoire pour contenir le réchauffement climatique en dessous des seuils les plus alarmants. Cela aurait également permis de créer des millions d’emplois et aurait dopé la croissance économique.
À l’heure actuelle, de nombreux pays se sont enfin engagés à viser le zéro carbone en 2050 : c’est notamment le cas de l’Union Européenne, des États-Unis, du Japon ou encore de la Corée du Sud. La plupart d’entre eux ne sont cependant pas sur la bonne trajectoire pour l’atteindre. Les États-Unis ont accumulé énormément de retard pendant le mandat de Donald Trump.
La Chine est très active sur les énergies vertes, mais comme elle ne veut pas risquer de freiner son développement économique, elle ne se fixe pas d’objectif assez ambitieux pour le moment. « C’est le pays où s’ouvrent le plus de centrales à charbon, mais c’est aussi le pays où se crée le plus de sites de production d’énergies renouvelables », explique à Numerama, Bertil de Fos, le cofondateur du cabinet de transition écologique Auxilia. Beijing ne prévoit ainsi d’atteindre le zéro carbone qu’en 2060, ce qui est bien trop tard. En Europe, enfin, beaucoup de pays ont commencé à réduire leurs émissions de gaz à effet dans le bâtiment, l’industrie et l’énergie. Mais ils restent globalement très en retard par rapport à l’objectif. C’est notamment lié aux émissions de CO2 des secteurs du transport et de l’agriculture, encore bien trop élevées.
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