Nouveau rebondissement dans le programme d’atterrisseur lunaire piloté par la Nasa. Le 26 juillet, Blue Origin a rendu publique une lettre adressée au nouveau patron de l’agence spatiale américaine, Bill Nelson. L’entreprise, qui n’a pas été retenue lors du processus de sélection du prestataire privé chargé de concevoir ledit atterrisseur, tente de revenir dans la course coûte que coûte.
Blue Origin prêt à payer 2 milliards de dollars
Signe que Blue Origin désire absolument faire pencher la balance en sa faveur, la missive va jusqu’à proposer de prendre à son compte pas moins de deux milliards de dollars sur le programme du système d’atterrissage pour astronautes (HLS), afin d’alléger la facture pour la Nasa. Le courrier est signé par Jeff Bezos, le fondateur de Blue Origin et d’Amazon, le géant du commerce électronique et du cloud.
« Blue Origin comblera le déficit de financement du projet HLS en renonçant à tous les paiements de l’exercice en cours et des deux prochains exercices gouvernementaux, à hauteur de 2 milliards de dollars, afin de remettre le programme sur les rails dès maintenant. Cette offre n’est pas un report, mais une renonciation totale et permanente à ces paiements », écrit-il.
Pour enfoncer le clou, l’entreprise est disposée à signer un contrat prévoyant un prix fixe pour ce programme. En clair, Blue Origin « couvrira tout dépassement des coûts de développement du système et protégera la Nasa contre les préoccupations relatives au rehaussement des coûts des partenaires ». Elle se dit enfin prête à financer une mission supplémentaire pour garantir la fiabilité du HLS.
« Cette mission exploratoire est proposée en plus du plan de base consistant à effectuer une mission d’atterrissage précurseur sans équipage avant d’envoyer des astronautes sur la Lune », développe Jeff Bezos. Il s’agit de concevoir et lancer une mission exploratoire vers l’orbite terrestre basse du HLS, pour l’évaluer, « afin de réduire davantage les risques liés au développement et au calendrier ».
Polémique sur le programme d’atterrisseur lunaire
Cette lettre est la dernière manifestation de la controverse autour des conditions dans lesquelles le programme d’atterrisseur lunaire a été conduit. Ce printemps, la Nasa a retenu SpaceX et son futur lanceur Starship pour faire la navette entre la station spatiale lunaire, qui sera construite dans la décennie qui vient, et la surface du satellite. En principe, les astronautes doivent revenir sur la Lune en 2024.
La création de ce module lunaire, qui doit acheminer du personnel au sol puis, une fois la mission achevée, les ramener en orbite, est adossée à un contrat de 2,9 milliards de dollars (environ 2,4 milliards d’euros). Or, SpaceX n’était pas la seule entreprise à être en lice : il y en avait deux autres, Blue Origin et Dynetics, chacune proposant une approche spécifique pour répondre aux besoins de la Nasa.
Mais justement, ni Blue Origin ni Dynetics n’ont approuvé les conditions dans lesquelles la sélection du lauréat s’est déroulée. « La Nasa a déplacé les poteaux de but à la dernière minute », a notamment reproché la première, qui a alerté le Government Accountability Office, l’équivalent de la Cour des comptes aux États-Unis. Dynetics a fait de même, avec des arguments similaires.
Pour Blue Origin, le problème tient au fait qu’il y a un désaccord dans l’interprétation du cadre dans lequel s’est déroulé cet appel d’offres : la Nasa devait-elle retenir deux lauréats ou bien en sélectionner jusqu’à deux ? Finalement, l’agence spatiale n’a annoncé qu’un seul nom, compte tenu aussi de l’enveloppe budgétaire plus limitée que prévu accordée par le Congrès des États-Unis.
Blue Origin a aussi questionné le choix de SpaceX, en relevant que le Starship n’a pas fait la preuve de toute l’étendue des capacités vantées par son concurrent (on ne compte qu’un atterrissage réussi lors d’un test d’un prototype incomplet, ainsi que le simple allumage du booster principal sur le pas de tir). Cela étant, c’est aussi le cas pour Blue Origin : son projet est encore très théorique.
Blue Origin a, en 2019, présenté un module lunaire, Blue Moon, qui a à l’époque était décrit comme réservé au transport de fret sur la Lune. La capacité de transport d’astronautes n’a pas été évoquée, mais il ne serait pas impossible de décliner l’engin dans une autre version (à l’image de la capsule Dragon de SpaceX), surtout avec le soutien du financement de la Nasa.
SpaceX peut néanmoins avancer des points forts que Blue Origin n’a pas : le groupe a une solide expérience dans le ravitaillement de la Station spatiale internationale (ISS), depuis le début des années 2010. Plus récemment, l’entreprise s’est mise à assurer le transport et le rapatriement d’astronautes entre la Terre et l’ISS, depuis 2020. SpaceX a non seulement ses propres fusées, mais aussi ses propres capsules.
Toujours est-il que l’affaire soulevée par Blue Origin et Dynetics a conduit la Nasa à mettre en pause ce programme. Il reste maintenant à savoir ce que provoqueront les réclamations des deux concurrents de SpaceX. Rien ne dit que les efforts financiers que Blue Origin est disposée à consentir soient suffisamment élevés pour être aussi compétitif que SpaceX, qui est connu pour ses coûts bas.
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