Jusqu’à maintenant, le plus vieux fossile d’éponge découvert remontait à 550 millions d’années. Il s’agit d’une des premières traces des métazoaires, le groupe d’organisme désignant les animaux, dont les éponges font partie (comme nous). Celles-ci faisaient partie des premières espèces du règne animal. La découverte publiée le 18 juillet 2021 dans la revue Nature bouleverse quelque peu la chronologie des événements, et vient en faveur de l’idée que les éponges seraient la toute première forme animale sur Terre.
La paléontologue et biologiste Elizabeth Turner décrit, dans ce papier de recherche, une structure d’éponge fossilisée datant de 890 millions d’années. Pourtant, à cette époque, une vie microbienne et bactérienne dominait la planète, et l’on ne pensait pas qu’une vie animale multicellulaire était possible dans le contexte de l’époque.
Le règne animal a commencé plus tôt qu’envisagé
La vie animale multicellulaire a besoin de quantités suffisantes d’oxygène pour respirer, et ainsi pour vivre et prospérer sur Terre. Pendant longtemps, la planète bleue ne disposait pas d’oxygène en des proportions suffisantes. Nos connaissances actuelles supposent que le règne animal n’a pu démarrer que lors du Neoproterozoic Oxygenation Event, un événement géophysique et climatique qui a généré une forte augmentation des niveaux d’O² (oxygène) dans l’atmosphère. Cette transition a eu lieu il y a 800 à 500 millions d’années, à la fin de l’ère du Néoprotérozoïque.
Depuis quelques années, des études génétiques viennent contester cette approche : la phylogénie (étude des liens entre espèces permettant de retracer l’évolution) de certains animaux vient suggérer la présence d’une vie animale dès les débuts du Néoprotérozoïque, et donc bien avant les 600-500 millions d’années des premières trace fossile. La découverte d’une structure d’éponge datée d’il y a 890 millions d’années représente la première preuve fossile de cette nouvelle perspective sur l’évolution des animaux.
Le fossile étudié dans les travaux d’Elizabeth Turner pourrait représenter « la plus ancienne preuve corporelle fossile d’animaux connue à ce jour, et fournirait la première preuve physique que les animaux sont apparus avant l’événement d’oxygénation néoprotérozoïque ». Cela signifierait également que des formes de vie ont survécu aux épisodes glaciaires de la période appelée Cryogénien (durant laquelle des théories évoquent une « Terre boule de glace »).
Des petites oasis d’oxygène
Mais comment cette forme de vie a-t-elle pu exister à un moment qui ne lui était pas favorable ? La réponse réside dans la provenance du fossile.
À l’origine, Élisabeth Turner examinait des résidus rocheux issus des récifs de Little Dal, au nord du Canada. Il y a des centaines de millions d’années, quand la vie microbienne dominait, ces récifs étaient l’œuvre de cyanobactéries qui évoluaient grâce à la photosynthèse (donc à l’exposition au Soleil) et qui produisaient les rares quantités d’oxygène de l’époque. Or, la paléobiologiste a découvert, dans les restes fossilisés de ces récifs, une structure vermiforme et fibreuse.
Ces étonnants résidus fossilisés ne correspondent ni à des champignons, ni à des microbes. En revanche, le réseau de fibres est similaire à celui des éponges de type Kératosa que l’on trouve de nos jours, et la microstructure ressemble à celle des éponges du Phanérozoïque, l’ère qui a débuté il y a 540 millions d’années (où l’on est sûr que la vie animale avait bel et bien débuté). Qui plus est, ces résidus fossilisés étaient situés tout à la fois dans les bords exposés du récifs que dans ses zones ombragées : cela suggère que cette vie n’avait ni besoin de lumière (contrairement aux cyanobactéries) et n’était pas non plus incommodée par une forte exposition lumineuse.
Voilà qui rempli toutes les caractéristiques des métazoaires — les animaux. La vie animale a-t-elle émergé sous formes d’éponges, dans ces petites oasis d’oxygène, il y a plus de 800 millions d’années ? Cette découverte rend cette idée très probable, d’autant que les éponges sont la forme la plus « basique » d’une vie multicellulaire complexe. Mais le problème, c’est bien qu’à de telles échelles temporelles, il perdure encore une part d’interprétation, car pour bien recoller les morceaux, encore faut-il en avoir beaucoup à disposition. Les vides dans l’histoire de l’évolution sont comblés peu à peu, le récit se précise au fil des découvertes, et celle-ci n’est qu’un élément parmi d’autres venant nourrir les débats scientifiques et pousser les recherches à creuser encore.
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