Plus contagieux et plus virulent, le variant Delta inquiète et ce, notamment parce que les cas symptomatiques graves semblent augmenter chez les enfants. Ce variant cible t-il davantage les plus jeunes ? On fait le point sur la situation.

« Il devient aujourd’hui très clair que les enfants sont également fortement impactés. Nous n’avons pas eu un lit vide depuis des semaines et la moitié des jeunes patients que nous accueillons n’avaient aucun facteur de risque. » Ces phrases, prononcées par le Dr. Mark Kline, médecin-chef au Children’s Hospital de la Nouvelle-Orléans le 2 août dernier, lors d’une allocution publique sur le variant Delta, ont de quoi glacer le sang. En effet, le Sud-Est des États-Unis est actuellement en proie à une vague épidémique importante qui semble davantage affecter les enfants que les précédentes. Faut-il craindre la même chose en France ? Le variant Delta est-il plus dangereux pour les enfants que ses prédécesseurs ? On fait le point sur la situation.

Un variant plus contagieux et plus virulent

Ce que l’on sait aujourd’hui du variant Delta, c’est qu’il est, chez les individus non-vaccinés, plus transmissible et plus virulent. Claude-Alexandre Gustave, biologiste médical, ancien assistant hospitalo-universitaire en microbiologie et ancien assistant spécialiste en immunologie, explique : « Le variant Delta est à la fois plus contagieux et plus agressif pour l’organisme. Dans les premiers jours de l’infection, la charge virale au niveau ORL est 1 000 fois plus importante que pour les autres variants. »

En toute logique, ceci accroît fortement la transmission aéroportée. Le biologiste poursuit : « Le variant Delta est également plus agressif pour l’organisme, comme le suggèrent différentes études indépendantes en montrant une fréquence d’hospitalisations et/ou de décès plus élevée qu’avec le variant Alpha ou les variants antérieurs. » Cette virulence peut s’expliquer par deux mutations du virus. L’une concerne son adaptation à une température de 37°C, ce qui le rend plus invasif dans les tissus profonds de l’organisme, notamment au niveau pulmonaire.  L’autre mutation (appelée P681R) concerne le site de clivage de la protéine Spike qui améliore sa fusogénicité (c’est-à-dire ses capacités à fusionner) avec les cellules de l’organisme humain pour le contaminer, le rendant ainsi plus pathogène.

Un variant qui ne cible pas spécifiquement les enfants

Ceci posé, la hausse de l’incidence que l’on observe actuellement chez les 0-9 ans et chez les 10-19 ans ne surprend pas. Mais elle suit la hausse en population générale, notamment dans les tranches d’âges les moins vaccinées.

Le taux d'incidence correspond au nombre de cas sur 7 jours ramené à 100 000 habitants de chaque tranche d'âge. Le seuil d'alerte commun à de nombreux pays est 50. 
(Source : CovidTracker)

Le taux d’incidence correspond au nombre de cas sur 7 jours ramené à 100 000 habitants de chaque tranche d’âge. Le seuil d’alerte commun à de nombreux pays est 50.
(Source : CovidTracker)

Rappelons que la vaccination contre le Covid-19 n’est ouverte qu’à partir de 12 ans et que le taux de vaccination chez les 12-18 ans demeure relativement bas : 8,31 % des 0-17 ans a un schéma vaccinal complet au 10 août 2021 et 23 % des 12-17 ans, indique VaccinTracker. Dès lors, la plupart des enfants sont sans autre protection que le port du masque et le respect des gestes barrière face au variant Delta. Aujourd’hui, rien ne permet donc de penser que le variant Delta serait plus virulent chez les enfants que les autres variants, ou que pour le reste de la population. Simplement, en toute logique, plus il y a d’enfants contaminés, plus il y aura d’enfants malades hospitalisés avec des formes graves et d’enfants qui développent un PIMS (syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique).

Plus d’enfants contaminés, plus d’enfants malades

Claude-Alexandre Gustave commente : « Puisque la charge virale du variant Delta est plus importante que chez les autres variants d’intérêt, il est possible qu’il induise davantage de PIMS, mais c’est difficile à documenter aujourd’hui, car on observe généralement une hausse des hospitalisations pédiatriques pour ce motif 5 à 6 semaines après un pic de contamination chez les adultes. » La surveillance nationale mise en place par Santé Publique France indique qu’entre le 1er mars 2020 et le 25 juillet 2021, 631 cas de syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (ou PIMS) ont été signalés, dont 556 en lien avec la COVID-19 — il y avait 36 cas pour la période du 15 juin au 25 juillet. L’organisme estime qu’en France, l’incidence cumulée des PIMS en lien avec la Covid-19 entre le 1er mars 2020 et le 25 juillet 2021 est de 38,3 cas par million d’habitants dans la population des moins de 18 ans. Il est vraisemblable que l’on constate davantage de cas chez les enfants non-vaccinés au cours des prochaines semaines.

Il ne faut pas non plus oublier les cas de Covid longs pédiatriques qui affectent des enfants malades du Covid-19, mais pas forcément hospitalisés. « Le Covid long affecte près de 10 % des enfants touchés par le virus en Grande-Bretagne », alerte Claude-Alexandre Gustave qui estime qu’il ne faut pas prendre à la légère cette pathologie dont on connait encore mal l’évolution et les conséquences à long terme.

Une rentrée à risque

« Nous allons aborder la rentrée avec une présence virale élevée », estime Claude-Alexandre Gustave. Cela signifie que des enfants contagieux asymptomatiques ou peu symptomatiques vont naturellement se mêler aux autres et les contaminer. La vaccination n’est pas à l’ordre du jour pour les moins de 12 ans — une adaptation des dosages sera sans doute nécessaire et des questions éthiques sur la répartition des doses se posent. Plusieurs mesures restent utiles pour protéger les enfants et limiter le nombre de cas :

  • Se faire vacciner et faire vacciner ses ados. « Plus il y aura de personnes vaccinées, plus les gestes barrières seront efficaces », explique Claude-Alexandre Gustave.
  • Essayer de faire respecter le port du masque à son enfant, et ce même pendant les cours d’EPS
  • Lui faire un auto-test 2-3 fois par semaine s’il n’y a pas de test salivaire à l’école — et l’isoler si un résultat d’autotest, confirmé par un test RT-PCR, s’avère positif.
  • Inciter les établissements scolaires à aérer/ventiler les espaces clos
  • Accompagner l’enfant à l’école de manière individuelle plutôt que de lui faire prendre les transports publics
  • Essayer de lui faire éviter les lieux de restauration collective lorsque cela est possible

« Sécuriser la rentrée consiste en un mélange de mesures collectives et individuelles », conclut Claude-Alexandre Gustave. Ces précautions aident à réduire les risques mais il ne faut pas pour autant culpabiliser si besoin de laisser son enfant à la cantine.

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