« Titan représente l’utopie de tout explorateur », affirme Alex Hayes, chef scientifique de Dragonfly. Ce nom est celui d’une mission de la Nasa, qui se destine à envoyer une sonde spatiale à la surface de Titan, le plus gros satellite de Saturne. Ce sera la toute première mission à explorer directement sa surface de cette lune. En juillet 2021 dans une étude, puis en août sur le site de l’université Cornell, l’équipe de recherche a détaillé les objectifs de ce voyage.
Ce sera d’ailleurs une exploration avec des ailes : grâce à la gravité très faible de Titan, et ses vents tout aussi faibles, la sonde Dragonfly pourra se déplacer par les airs. Une fois une expérimentation scientifique terminée dans une location, les scientifiques la feront décoller pour l’envoyer vers le lieu suivant. Chaque exploration locale est censée durer une journée — sur Titan, une journée entière est l’équivalent de 16 jours terrestres.
Les questions scientifiques sont vastes
Ce satellite est déjà observé par une sonde, Cassini, qui étudie depuis 13 ans les lunes de Saturne et la composition de ses anneaux. Mais les analyses fournies par ces observations sont presque plus frustrantes qu’autre chose pour les astronomes. « Chaque question à laquelle nous avons répondu pendant l’exploration de Titan par la mission Cassini depuis l’orbite de Saturne en a généré 10 nouvelles », explique Alex Hayes. Résultat, « les questions scientifiques que nous nous posons sur Titan sont très vastes, car nous ne savons pas encore grand-chose de ce qui se passe réellement à la surface ».
L’atmosphère de Titan est dense en méthane, ce qui limite en grande partie la capacité de Cassini à analyser la composition de sa surface. En revanche, les observations radar ont permis d’identifier des structures telles qu’on en trouve sur Terre : des dunes, des montagnes… et des lacs d’hydrocarbures liquides. Un constat fascinant, mais qui nécessite maintenant d’en savoir plus sur la composition organique de ce qu’il se trouve à la surface de Titan.
L’équipe de recherche liste plusieurs objectifs scientifiques que devra mener à bien Dragonfly. Parmi eux :
- Apporter des données sur le cycle du méthane, très actif dans le climat de cette lune, et sur les mécanismes géologiques à la surface ;
- Analyser les processus prébiotiques à l’œuvre sur Titan, que ce soit à sa surface ou dans son atmosphère : « Titan est un laboratoire naturel riche en carbone et en azote pour la chimie prébiotique », explique l’équipe de recherche. La chimie prébiotique, tout en étant organique, précède l’apparition de la vie multicellulaire complexe — tout en étant éventuellement favorable à son développement. Or, « aucune expérience sur Terre ne peut reproduire les longues périodes de temps pendant lesquelles les conditions appropriées ont existé avant la formation de la vie terrestre ». Titan apparaît donc comme une parfaite étude de cas : « Nous pouvons étudier des conditions analogues sur Titan, et ainsi limiter empiriquement le degré de complexité moléculaire qui peut être atteint par la chimie prébiotique. »
- La recherche de biosignatures chimiques : la lune est-elle « habitable » par des micro-organismes ? « Notre compréhension de la biologie reste basée sur un seul ensemble d’échantillons : la vie sur Terre. Par conséquent, l’un des principaux objectifs de l’exploration du système solaire est de déterminer si la vie est apparue séparément de celle de la Terre : une ‘seconde genèse’ », détaillent les chercheurs. Détecter une vie extraterrestre serait évidemment révolutionnaire, et suggérerait que la vie peut « apparaître dans divers environnements planétaires à travers l’univers ».
« Ce qui est si excitant pour moi, c’est que nous avons fait des prédictions sur ce qui se passe à l’échelle locale à la surface et sur le fonctionnement de Titan en tant que système. Les images et les mesures de Dragonfly vont nous dire à quel point elles sont justes ou fausses », confie Alex Hayes sur le site de l’université Cornell. La mission Dragonfly doit décoller à l’horizon 2027-2030.
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