La pandémie liée à la maladie Covid-19 a mis un coup de projecteur sur les vaccins basés sur la technique de l’ARN messager (ARNm). Celle-ci est en développement depuis plusieurs décennies maintenant, et était déjà décrite comme source d’espoirs dans la lutte contre certaines maladies. Parmi elles, le VIH — le virus du Sida. Il se trouve que l’entreprise Moderna, à laquelle on doit l’un des principaux vaccins actuels contre le covid, s’apprête à lancer un essai clinique humain pour son vaccin contre le VIH, le virus responsable du sida.
La fiche de l’essai a été publiée le 11 août sur ClinalTrials. L’étude est aidée par l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida (IAVI), un organisme à but non lucratif qui soutient la recherche scientifique publique et privée pour l’établissement d’un vaccin contre cette maladie.
L’objectif de tous les vaccins est le même : permettre le développement de cellules immunitaires « mémoires », et donc d’entraîner l’organisme à réagir à un agent infectieux. Souvent, cela se fait en récupérant la séquence génétique de la protéine « attaquante » du virus concerné, et en la combinant à un agent infectieux inactivé ou atténué. Ce faisant, le système immunitaire apprend à reconnaître et à combattre le virus, sans que cela pose le moindre danger. Mais le corps est leurré : il croit à une véritable infection, et il la combat. Il sera donc prêt face au vrai virus, s’il se présente plus tard.
La technique de l’ARNm est innovante et relève d’une biotechnologie : c’est le même principe que pour tout vaccin, sauf que ce sont les cellules de la personne vaccinée qui produisent elles-mêmes les protéines contre lesquelles le corps doit apprendre à se défendre. L’ARN messager sert alors tout simplement de « recette » : on fournit aux cellules le code source des protéines pour qu’elles puissent les produire. Cette technique n’a pas d’impact sur le génome de la personne vaccinée — cela ne risque absolument pas de modifier l’ADN, ce sont deux choses distinctes.
Ce n’est pas pour tout de suite
Cet essai clinique sera le premier mené chez des humains pour ce vaccin de Moderna contre le HIV. C’est une étude de phase 1, sur un petit échantillon de patients — 58 personnes, âgées de 18 à 50 ans. L’objectif est d’évaluer la sécurité du vaccin — qu’il ne déclenche pas d’effets secondaires inattendus ou dangereux ; ainsi que son immunogénicité — qu’il enclenche bel et bien une réponse immunitaire efficace avec la production d’anticorps protecteurs durables.
Cet essai clinique de phase 1 démarrera le 19 août prochain, et rendra ses résultats finaux courant 2023, donc d’ici un an et demi. Il faudra ensuite entrer en phase 2 et 3 si les résultats sont positifs.
Le virus du VIH est bien différent du coronavirus SARS-CoV-2. Les avancées contre le covid ont été rapides, car il s’agit d’un genre de virus relativement compris par les scientifiques, et bien sûr aussi grâce à la levée sans précédent des obstacles logistiques et financiers au développement de vaccins le ciblant. Il a en revanche été notoirement difficile de développer un vaccin efficace contre le Sida pendant toutes ces décennies. En cause, le virus du VIH est très difficile à cibler : comme il ne peut pas se répliquer seul, il pénètre au sein des cellules, dans leurs chromosomes, en prenant le contrôle de sa machinerie dont il se sert pour sa réplication virale. « Le VIH est un virus très différent du Sars-CoV-2 en ce qu’il s’intègre, c’est-à-dire qu’il a pour particularité d’intégrer son matériel génétique dans le chromosome des cellules qu’il infecte. Cela le rend beaucoup plus difficile à cibler puisqu’il se transmet d’une cellule à une autre et qu’il peut rester en dormance (latence) dans la cellule infectée et se réactiver à tout moment », expliquait le Dr Jean-Christophe Paillart dans les colonnes de Numerama.
Il faudra quoi qu’il en soit attendre encore quelques années avant d’espérer un vaccin contre le VIH, le virus à l’origine du Sida. Le défi scientifique est immense, mais la recherche est, clairement, en bonne voie. Et il se peut que les recherches menées dans le cadre de la pandémie Covid-19, grâce à des obstacles levés à une vitesse inédite, aident à ce type d’avancées.
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