Les fausses informations les plus diffusées sur la toile sont parfois l’histoire d’une simple déformation : un chiffre hors contexte, une citation incomplète ou mal traduite, un fait interprété sous une idéologie spécifique…
C’est exactement de cette façon qu’est née, sur les réseaux sociaux, le 23 août 2021, un buzz autour d’un prétendu « super-variant Covid-22 ».
Que ce soit clair : il n’existe aucun « super variant Covid-22 ». Et l’auteur de ces propos n’a même jamais évoqué un tel variant. Voici comment cette fausse information a émergé.
Comment une simple opinion s’est transformée en fausse info
Le 23 août 2021, l’immunologue suisse Sai Reddy confie au journal suisse Blick son opinion sur l’avenir de la pandémie. L’interview est publiée à l’origine en langue allemande, mais est aussi disponible en français, comme c’est parfois le cas pour certains médias suisses.
À un stade de l’entretien, le journaliste demande à Sai Reddy s’il existe des variants plus dangereux que le Delta. Il répond que les variants Beta et Gamma ont développé des processus d’échappement aux anticorps, mais que ce n’est pas le cas pour le Delta. Il ajoute alors qu’une mutation d’un de ces variants est selon lui inévitable : « C’est la phase suivante de la pandémie, lorsque Bêta ou Gamma deviendront plus infectieux ou que Delta développe des mutations d’échappement. Ce sera le grand problème de l’année à venir. Le ‘Covid-22’ pourrait être encore pire que ce que nous vivons actuellement. »
Il embraye ensuite : « Si un tel variant émerge, nous devons le détecter le plus tôt possible et les fabricants de vaccins doivent adapter les vaccins rapidement. L’émergence de ce nouveau variant constitue le grand risque. Nous devons nous y préparer. »
Plusieurs choses sont à retenir sur ces passages.
- L’immunologue ne parle pas d’un variant existant ou même anticipé qui serait déjà baptisé Covid-22. Il l’utilise comme expression pour désigner une forme hypothétique de la maladie qui serait susceptible d’apparaître en 2022 ; et qui serait une évolution du Delta, par exemple. Cette fausse conception de l’interview est probablement née à partir du titre du média Blick, qui reprend la phrase très spectaculaire : «Le Covid-22 pourrait être pire encore ». L’affirmation qui démarre par « le Covid-22 » sous-entend que l’on désignerait un phénomène déjà baptisé, existant ou présupposé. Rappelons par ailleurs que « Covid-22 » ne pourrait pas désigner un variant ; car « Covid-19 » est le nom de la maladie dans son ensemble, à différencier du virus et de ses variants.
- À aucun moment de l’interview, l’expression « super variant » n’est utilisée. Il s’agit d’une invention du compte Mediavenir, qui a probablement copié/collé la presse tabloïd britannique comme The Mirror, qui n’est pas réputé pour faire du journalisme mais une sorte de presse people sensationnaliste, aux titres (et contenus) régulièrement faux. Rappelons que ce type de comptes Twitter n’est pas tenus par des journalistes, qu’ils semblent vérifier rarement les informations qu’ils diffusent (il s’agit le plus souvent de reprises d’informations qui ont été publiées dans d’autres médias, dont le sérieux peut varier, et sans partager de lien vers la source principale), et qu’ils ne sont pas des sources fiables. C’en est ici un bon exemple. L’info déformée a ensuite été relayée par des comptes habitués à la désinformation, comme ceux de Florian Philippot (ancien vice-président du Rassemblement national, suivi par 273 000 personnes sur Twitter) ou des comptes Instagram entièrement dédiés à la diffusion de fausses infos sur le covid.
- Enfin, et c’est peut-être l’un des points les plus déterminants à retenir : cette interview n’est que le reflet d’une pure opinion personnelle. L’expression « Covid-22 » n’engage que celui qui l’évoque, à savoir, ici, Sai Reddy. Cette déclaration n’est d’ailleurs pas le reflet d’une étude scientifique qu’il aurait mené.
Cette circulation assez chaotique d’une simple opinion d’un scientifique dans un média est typique du brouillage qui se développe actuellement entre d’un côté les résultats d’études scientifiques, et de l’autre des avis très personnels émis par des personnes qui ont des diplômes scientifiques. Le CNRS a d’ailleurs rappelé récemment, en France, que les scientifiques devaient faire la part des choses lorsqu’ils interviennent en leur nom propre pour exprimer leurs théories.
*Cet article a été modifié à 14h30 pour développer le fonctionnement, observable de l’extérieur, des comptes Twitter comme Mediavenir.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.