Faut-il se débarrasser des moustiques ? Chaque été, la réputation de cet insecte le précède : le moustique est généralement perçu comme un nuisible qui nous pique, laissant en souvenir une réaction inflammatoire et l’envie de se gratter. Vous avez déjà rêvassé à un monde sans moustiques ? Des scientifiques l’ont fait avant vous, en se demandant quelles seraient les conséquences si on éliminait ces animaux de notre planète — et les avis divergent.
La question n’est pas anecdotique, car le moustique entraîne chaque année la mort de 700 000 personnes par an dans le monde.
La volonté de se protéger des moustiques est ancienne, et n’a pas attendu que la science comprenne que les moustiques pouvaient transmettre des maladies aux humains. « Avant la fin du 19e siècle, on ne savait pas forcément que les moustiques pouvaient transmettre des agents pathogènes responsables de maladies », indique Sylvie Manguin, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier et spécialiste des maladies infectieuses à transmission vectorielle. Les travaux du médecin britannique Ronald Ross, à la fin du 19e siècle, furent fondateurs pour démontrer le lien entre le moustique et le paludisme. « Hormis le fait que le moustique transmet des maladies, les gens ont toujours été gênés par les moustiques. Il y avait déjà des moustiquaires dans l’Égypte ancienne », complète la spécialiste.
« Les éliminer complètement, c’est mission impossible »
Plutôt que de parler de « spécicide » (l’extinction volontaire d’une espèce), les experts préfèrent utiliser les mots insecticide (l’élimination des insectes adultes) ou larvicide (l’élimination des larves). Éradiquer complètement les espèces de moustiques jugées nuisibles à l’être humain semble assez irréaliste. « Si l’on tuait une espèce de moustique, une autre prendrait le relais, la nature ayant horreur du vide, explique à Numerama Sylvie Manguin. Cela n’aurait aucune efficacité. » Sans compter qu’il faut adapter les moyens aux particularités des 200 espèces de moustiques qui représentent une gêne pour l’être humain (ce qui réduit déjà un peu, sur le total des 3 500 espèces de moustiques qui existent).
Les moustiques s’adaptent aisément à leur environnement et peuvent développer des résistances aux insecticides. L’experte est catégorique : « Les éliminer complètement, c’est mission impossible. Ils sont sur Terre depuis 100 millions d’années, ils ont échappé à tout ce qui a pu arriver jusque là à cette pauvre planète, et ils resteront probablement après nous. Par contre, on a cherché des moyens de diminuer leur population. On diminue ainsi les chances de tomber sur un moustique infecté, qui nous transmettrait une maladie. »
Afin de réduire les populations de moustiques, les insecticides ont été employés, à l’instar du DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), mais les animaux ont développé des résistances. « Actuellement, les molécules qui sont les plus utilisées dans la lutte contre les moustiques sont les pyréthrinoïdes, des molécules synthétiques développées à partir d’une molécule naturelle d’une plante, le chrysanthème », détaille Sylvie Manguin.
Quant à la perspective de modifier génétiquement les moustiques, qui a rencontré un certain intérêt ces dernières années, les résultats s’avèrent finalement peu convaincants : « En amont, cela demande une grande maitrise de la modification génétique chez le moustique. C’est un énorme investissement en temps et en argent. Aujourd’hui, l’engouement pour cette solution se tasse un peu. »
Les bienfaits des moustiques (si, si)
L’idée d’éliminer certains moustiques ne peut pas non plus être envisagée sans considérer ces animaux dans leur écosystème. « Les moustiques ne sont pas sur la Terre pour nous embêter. Ils ont un double rôle », que détaille notre interlocutrice.
- Un rôle dans la chaîne alimentaire : à l’état adulte comme larvaire, les moustiques sont consommés par d’autres animaux (oiseaux, chauves-souris, batraciens). « Si on diminuait leur densité, cela entrainerait des problèmes au niveau de la chaine alimentaire. »
- Un pouvoir pollinisateur : c’est un fait peu connu, mais les moustiques ont eux aussi besoin du nectar des fleurs pour vivre. « Des tas de plantes sauvages ont besoin de cette pollinisation faite par les moustiques. Le manque de moustiques entrainerait une perte de la biodiversité. »
À supposer qu’il soit atteignable, ce qui semble hors de portée actuellement, le projet d’éradiquer les moustiques ne pourrait se passer d’une réflexion éthique. « Il est très important de considérer le moustique dans ses bienfaits pour la nature, et non pas que comme un piqueur qui nous envoie des pathogènes », affirme Sylvie Manguin.
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