Les activités humaines ont provoqué, et provoquent encore, une hausse importante des émissions de méthane et dioxyde de carbone. À eux deux, ces gaz à effet de serre sont à l’origine du dérèglement climatique et de ses conséquences néfastes. Mais selon une étude publiée le 7 septembre 2021, une autre source d’émission accroît le problème, et elle est moins souvent prise en compte : l’hydrogène moléculaire — appelé dihydrogène (H2).
Les émissions d’H2 ont considérablement augmenté, sous l’action de nos activités. Pour en arriver à cette conclusion, cette équipe scientifique a rassemblé des prélèvements de l’air au niveau du Pôle Sud : il se trouve que l’air est piégé dans le manteau neigeux pérenne de la région, et son échantillonnage donne un compte-rendu très précis de la composition de l’atmosphère au fil du temps.
À partir de cette méthode, les auteurs de l’étude constatent que la part de dihydrogène dans l’atmosphère a bondi de 330 ppb [parties par milliard, une mesure de proportion] en 1852, à 550 ppb en 2003. Cela représente une augmentation de 70 %, qui est « attribuée aux activités humaines ».
Et les auteurs s’inquiètent de voir qu’il n’y a aucun signe de ralentissement.
Un impact sur le méthane et l’ozone
Ce gaz ne génère pas un effet de serre direct, comme pour le méthane et le dioxyde de carbone, mais il « a un impact sur le réchauffement planétaire et la couche d’ozone », expliquent les scientifiques. Il s’agit donc d’un impact indirect.
L’hydrogène interagit avec les radicaux hydroxyles troposphériques, des molécules très présentes dans les processus chimiques de l’atmosphère terrestre. Ce faisant, les émissions d’hydrogène perturbent la distribution du méthane et de l’ozone.
La réaction entre l’hydrogène et les radicaux hydroxyles génère de la vapeur d’eau, ce qui contribue à l’humidification de la stratosphère ainsi qu’à l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique. Cela réduit par ailleurs les puits de méthane, ce qui favorise l’accumulation de ce gaz dans l’atmosphère — or, c’est un gaz qui pèse énormément sur le réchauffement planétaire, puisqu’il est 20 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.
C’est en raison de ces deux actions que l’hydrogène moléculaire contribue au dérèglement du climat.
D’où vient l’hydrogène en surplus ?
Une part de l’hydrogène émis dans l’atmosphère est de source naturelle, mais une autre part est anthropogénique (d’origine humaine). Et les sources naturelles restant stables, ce sont bien les émissions anthropogéniques qui augmentent constamment. Une part de ces émissions en surplus provient des transports. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’augmentation — une bonne partie des sources semblent encore mal identifiées.
« Les politiques gouvernementales relatives aux émissions des pots d’échappement ont entraîné une diminution du monoxyde de carbone dans l’atmosphère, nous aurions donc dû nous attendre à voir le même impact sur l’hydrogène moléculaire, mais cela ne semble pas être le cas », commente le principal auteur de l’étude, John Patterson. Or, puisque les émissions d’hydrogène n’ont pas diminué au cours du XXe siècle et ne semblent toujours diminuer au XXIe, « nous sous-estimons probablement les sources non automobiles de ce gaz ».
Il serait donc nécessaire d’identifier ces sources inconnues pour résoudre la disproportion entre les émissions anthropogéniques mesurées dans l’atmosphère, et celles mesurées au niveau des sources au sol. Les chercheurs alertent sur de très probables fuites provenant de l’industrie.
Ils expliquent par ailleurs que l’usage croissant de l’hydrogène, comme alternative « propre », pourrait donner lieu à davantage de fuites de la sorte. Ainsi, une économie du futur basée sur l’hydrogène permettrait certes de réduire considérablement l’impact des activités humaines sur l’atmosphère — puisque les émissions seraient de toute façon moins puissantes que l’émission directe de méthane et de dioxyde de carbone — mais cette voie ne serait pas dénuée d’impact pour autant. Porter une attention soutenue au risque des fuites d’hydrogène paraît donc crucial, afin d’éviter que l’une des solutions au dérèglement soit aussi un problème. C’était déjà une conclusion de l’Agence internationale de l’énergie, qui estimait que l’hydrogène dit vert n’était pas si écolo qu’il semblait l’être.
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