« On a atteint des niveaux historiques », révèle à Numerama Julien Teddé, PDG d’Opéra Énergie. Depuis plusieurs mois, les prix du gaz et de l’électricité flambent en Europe. Et les experts du secteur de l’énergie s’inquiètent des conséquences que cela aura sur la facture des particuliers, mais aussi des entreprises. « Le prix du gaz sur le marché de gros a été multiplié par trois depuis mi-2020. Et celui de l’électricité a subi une hausse quasi équivalente », nous explique le directeur d’Opéra Énergie.
En France, cette tendance s’est traduite par des hausses successives du tarif réglementé du gaz : 10 % en juillet, 5 % en août et 8,7 % en septembre. Le tarif réglementé de l’électricité risque quant à lui d’augmenter l’an prochain. Mais que se passe-t-il sur les marchés de l’énergie ?
Retard à l’allumage
Pour ce qui est du gaz, la situation s’explique en grande partie par le retard que l’offre met à s’ajuster à une variation de la demande. « Fermer ou relancer des centrales à gaz prend du temps », souligne Julien Teddé. En 2020, lorsque l’activité s’est fortement ralentie avec la mise en place de confinements dans divers pays du monde, pour lutter contre la crise covid, la demande en gaz a dégringolé. « L’Asie est une zone qui influence beaucoup le prix du gaz. Lorsqu’elle connaît une forte croissance, elle a besoin de plus de gaz, et cela tire les prix vers le haut. À l’inverse, lorsqu’elle consomme moins, cela fait chuter les prix », précise le directeur d’Opéra Énergie.
C’est ce qui s’est passé l’an dernier: le prix du gaz a atteint un niveau très bas, ce qui a incité une partie des producteurs de gaz à se mettre en pause. C’est exactement l’inverse qui se produit en ce moment : l’activité économique repart, la demande en gaz avec, mais les producteurs n’ont pas encore tous relancé leur activité en conséquence. Résultat, la demande est supérieure à l’offre, ce qui tire les prix du gaz vers le haut.
Cette tendance sur le marché du gaz est, elle-même, un facteur qui tire le coût de l’électricité vers le haut. « Le prix de gros de l’électricité ne se calcule pas en fonction du prix moyen de la production, car l’électricité ne se stocke pas, explique Julien Teddé à Numerama. Si à un instant T, le nucléaire, l’hydraulique et le reste ne nous permettent de produire que 95 % de l’électricité demandée sur le réseau, il faut démarrer une dernière centrale qui fournira les cinq derniers pourcents dont on a besoin. Et cette centrale n’acceptera de lancer sa production que si le tarif est attractif. »
Il se trouve qu’en ce moment, la dernière centrale injectant de l’électricité sur le réseau est une centrale au gaz. Le prix qu’elle demande est donc élevé, car elle paye le gaz qui lui permet de produire de l’électricité plus cher actuellement. « Les centrales gaz ont aussi vu d’autres postes de leur budget augmenter, car elles doivent verser de l’argent en compensation des émissions de CO2 qu’elles génèrent, c’est ce qu’on appelle les quotas CO2 », souligne Julien Teddé. Or le prix de ces quotas CO2 a lui aussi augmenté : « de 7 euros la tonne, fin 2017, à plus de 60 euros en ce moment », précise-t-il.
Le prix du CO2 a augmenté
C’est plutôt bon signe pour le climat : plus le CO2 émis coûte cher, plus les entreprises s’activeront pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais cette hausse du prix du carbone alimente la hausse des coûts de fonctionnement d’une centrale à gaz. Pour accepter de relancer sa production lors d’un pic de demande, elle aura donc tendance à exiger un prix plus élevé.
Les consommateurs français sont toutefois partiellement protégés de cette hausse par un mécanisme appelé l’ARENH. « Avec ce mécanisme, une partie du prix facturé n’est pas calculée en fonction du prix de gros de l’électricité, mais en fonction du prix de production historique de l’électricité par le parc nucléaire français, explique Julien Teddé. Cela ne nous protège pas à 100% de la hausse des prix, mais cela la compense en partie. »
On s’attend toutefois à ce que les prix de l’électricité augmentent en début d’année d’environ 10 %. Le gouvernement a d’ailleurs décidé de distribuer des chèques énergie, une aide de 100 euros qui doit aider les ménages les plus modestes à faire face à la hausse des prix.
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