Il reste encore beaucoup de mystère autour de la formation de la Terre, mais ce qui est à peu près sûr, c’est que ça a été un véritable chaos ! Les débris autour du tout jeune Soleil se sont percutés violemment, à de nombreuses reprises. Les météorites n’étaient pas de simples cailloux de quelques kilomètres, mais des astres parfois comparables à la Lune ou même à Mars. Les roches qui s’agrégeaient pour former des planétésimaux, des débuts de planètes, finissaient réduites en charpie par de gigantesques chocs… Bref, le système solaire de l’époque était bien plus agité qu’aujourd’hui.
Malgré cette ambiance apocalyptique, la Terre et les autres planètes telluriques du système solaire interne (Mercure, Vénus et Mars) ont réussi à rassembler suffisamment de matériel pour devenir ce qu’elles sont désormais. Ce qui ne s’est pas fait sans mal, puisque les mondes en formation étaient encore régulièrement percutés par des astéroïdes toujours nombreux.
Le mystère de la croûte disparue
Ce qui nous mène à un mystère : où sont passés les morceaux de croûte planétaire certainement arrachés lors de ces collisions ? «D’après les simulations, ces roches auraient dû se retrouver dans la ceinture d’astéroïdes, assure Travis Gabriel, chercheur à l’Université de l’Arizona. Mais ce n’est pas le cas !» L’astrophysicien a signé une étude parue en juillet 2021 dans The Astrophysical Journal Letters. Il y propose une solution : les roches auraient été purement désintégrées.
«Nous avons réalisé que dans les modèles de formation des planètes, les conséquences thermodynamiques des chocs générés par les collisions n’étaient pas trop étudiées, raconte-t-il. Pourtant, nous savons que les effets peuvent être importants.» Ils ont donc inclus la thermodynamique dans leur modèle, pour créer une simulation plus fine des événements lors de la formation des planètes. Et ce qui en ressort est que lors d’une collision, si elle est suffisamment violente avec des objets assez gros et rapides, les roches touchées se transforment tout simplement en gaz.
Les scientifiques ont testé dans quelles configurations les impacts vaporisent ainsi les roches. Il se trouve que dans la plupart des scénarios de formation des planètes, ce serait le cas. Cela dépend de l’angle, de la vitesse, de la taille des objets impliqués… Mais les collisions capables de faire passer ces morceaux de planètes à l’état gazeux sont bien celles qui dominent.
Par exemple, si deux objets de la taille de la Terre se percutent face à face, 99% des débris créés se vaporisent. Dans le cas où les astres font la taille de Mars, 77%. Et avec une collision avec un angle de 45°, ce qui est le plus probable selon les modèles, on reste dans la plupart des cas au-dessus des 50%. En plus, dans les cas où les roches ne seraient pas vaporisées immédiatement, il y a également des effets post-impacts avec de nouvelles collisions et au final, également du gaz. En clair, dans une ambiance aussi chaotique que celle d’un système en formation, les impacts géants sont si nombreux et leurs conséquences si violentes qu’il ne reste plus rien des morceaux éjectés.
«Cela résout le paradoxe, résume Travis Gabriel, car le gaz ne se retrouve pas dans la ceinture d’astéroïdes et il peut même s’échapper du système solaire.» Ce qui expliquerait pourquoi on n’en retrouve aucune trace.
Regarder ailleurs pour comprendre notre planète
Cette découverte a des conséquences sur les modèles de formation des planètes, mais aussi sur ceux concernant la Lune. Les modèles prennent en compte les collisions des morceaux de manteau terrestre sur le satellite en formation. Si ces collisions n’ont pas eu lieu, cela signifie que la Lune est restée intacte lors de cette expérience.
Comment en savoir plus ? Pas en regardant le système solaire, en tout cas. «Ce type de phénomène ne peut se produire que dans ces configurations bien particulières avec des planètes en formation et donc des corps gigantesques capables de se percuter.» Ce qui veut dire qu’il ne faut pas s’attendre à voir des roches vaporisées dans la ceinture d’astéroïdes aujourd’hui — notre système est maintenant mature.
Pour trouver d’autres exemples de collisions assez violentes pour vaporiser les roches, il va falloir observer les autres étoiles et leurs disques protoplanétaires. «Cela peut nous aider à comprendre et à interpréter ces disques et la diversité des exoplanètes, assure Travis Gabriel. Par exemple, s’il y a moins de débris, ça veut dire que les planètes se forment et que les impacts créent du gaz.»
Aujourd’hui, les télescopes tournés vers les autres systèmes solaires sont nombreux. Il est très probable que certaines observations témoignent directement de la formation de débris, à la suite des impacts géants autour d’autres étoiles. C’est donc en scrutant les exoplanètes que nous serons capables de mieux comprendre comment est apparue notre Terre.
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