On serait tenté de dire que ce n’est pas trop tôt, mais cela n’empêche pas de s’en réjouir : les États-Unis et l’Union européenne ont enfin décidé de se pencher sérieusement sur le méthane. L’impact de ce gaz à effet de serre sur le changement climatique a longtemps été sous-estimé — peut-être parce qu’il reste bien moins longtemps dans l’atmosphère que le CO2. Hélas, il a en revanche un pouvoir réchauffant, bien plus important que le dioxyde de carbone : le méthane piège 80 fois plus de chaleur que le CO2.
Vendredi 17 septembre, les US et l’UE ont cependant fait une annonce forte sur le sujet, en révélant avoir préparé un pacte de réduction volontaire de 30 % des émissions de méthane mondiales, d’ici la fin de décennie (« The Global Methane Pledge »). Ce pacte sera officiellement lancé lors de la COP26, qui se tiendra début novembre à Glasgow.
Sept pays ont d’ores et déjà annoncé leur intention de rejoindre cette initiative : le Ghana, l’Indonésie, l’Iraq, l’Italie, l’Argentine, le Mexique et le Royaume-Uni. Il est cependant probable que les US et l’UE parviendront à convaincre d’autres pays de rejoindre ce pacte. Vu l’urgence de la crise climatique, il faut l’espérer.
Le dernier rapport du GIEC (dont voici les chiffres clés) l’a encore rappelé : les conséquences d’un réchauffement à plus de 1,5°C – 2°C seront très graves pour l’humanité, et le vivant plus généralement. Même si des progrès ont été faits et que les pays se mobilisent de plus en plus, nous sommes encore loin de la trajectoire à suivre, pour maintenir le réchauffement sous l’objectif fixé par l’Accord de Paris (seul un pays a pour l’heure tenu ses promesses à ce sujet)
Les solutions pour réduire les émissions de méthane
Une première bonne nouvelle est que réduire les émissions de méthane aurait un impact significatif sur le réchauffement — vu que c’est un gaz très réchauffant justement. L’autre, c’est que nous disposons de nombreuses solutions pour réduire ces émissions de méthane. Nous parvenons désormais à mieux détecter les zones qui en émettent beaucoup (souvent des sites du secteur pétrogazier), grâce aux images satellites.
Des ONG se sont également emparées du sujet, en traquant les émissions à proximité de sites industriels, grâce à des caméras thermiques. Et ces données nous ont permis de voir que beaucoup d’émissions de méthane provenaient de bêtes « problèmes de plomberie ». Tuyaux qui fuient, installations vétustes, les sites où se trouvent du méthane ne prennent pas toujours suffisamment de mesures pour empêcher qu’il ne s’échappe dans l’air.
Réparer ces infrastructures aura un coût bien sûr, mais bien moindre que celui que le méthane nous fera payer, s’il est relâché et contribue de ce fait à aggraver le changement climatique. Il est également possible de réduire les émissions des mines de charbon en inondant les sites abandonnés. De manière plus générale, plus nous réduirons notre consommation d’énergies fossiles, plus nous agirons par ricochet sur les émissions de ce secteur.
Le bétail, les cultures de riz et les déchetteries en émettent aussi
Modifier notre alimentation est l’autre principal levier dont nous disposons pour réduire ces émissions de ce gaz à effet. Une grande partie du méthane relâché dans l’air provient en effet des rots et des pets des ruminants. Réduire la consommation mondiale de viande, notamment de viande rouge, permettrait donc de réduire significativement nos émissions de méthane. À noter que les cultures de riz en entraînent, elles aussi, une quantité non négligeable. L’utilisation de variétés d’hybrides et le compostage de la paille peuvent toutefois aider à les réduire.
Le pacte de réduction lancé par l’UE et les US se penche aussi sur les mesures à prendre au niveau des déchetteries à ciel ouvert. Ces site sont eux aussi d’importants émetteurs de méthane. Kayrros, une société spécialisée dans l’analyse satellite de ce type d’émissions, a ainsi constaté que la déchetterie de Lahore, au Pakistan émettait 126 tonnes métriques de méthane par heure. Une quantité qui aura un impact similaire à celui des émissions annuelles de plus de 6 000 voitures au Royaume-Uni, avertit Kayrros sur Twitter.
L’ordre de priorité
En mai 2021, un rapport de l’UNEP pointait les chantiers prioritaires, selon les pays : « En Europe et en Inde, c’est dans le traitement des déchets qu’il y a le plus de potentiel de réduction. En Chine, c’est dans l’industrie du charbon et l’élevage. En Afrique, dans l’élevage et l’industrie du pétrole et du gaz ». Selon l’UNEP, les techniques de réduction qui existent à l’heure actuelle pourraient réduire les émissions de l’industrie du pétrole et du gaz de 29 à 57 millions de tonnes (Mt) par an. Pour le charbon, cela représenterait entre 12 et 25 Mt par an. Et les auteurs du rapport soulignent que la plupart de ces mesures auraient un coût nul ou réduit.
C’est aussi le cas dans le domaine des déchets. « Les techniques ciblées actuelles pourraient réduire les émissions de méthane de 29 à 36 Mt par an d’ici 2030 (…) Près de 60 % de ces mesures ont un coût négatif ou faible. » Il faudra étudier les stratégies que les pays signant le nouveau « pacte méthane » décident de mettre en place. Celles analysées par l’UNEP pour son rapport pourraient en tout cas réduire de 45 % les émissions de méthane générées par les activités humaines, ce qui permettrait d’éviter 0,3°C de réchauffement d’ici la décennie 2040.
« Réduire les émissions de méthane générées par les activités humaines est une des stratégies présentant le meilleur rapport efficacité/coût, pour réduire rapidement le réchauffement et contribuer significativement à sa limitation à 1,5°C », concluait l’UNEP.
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