Le dernier rapport du GIEC, diffusé en août 2021, ne laisse pas planer de doute : même s’il est encore possible d’agir de façon déterminante à court terme, certaines conséquences du changement climatique causé par les activités humaines sont irrémédiables (en tout cas, pour de très nombreuses décennies voire siècles). C’est là tout le problème du dérèglement du climat : des effets au long terme peuvent être la conséquence d’une très courte période de temps. Raison pour laquelle la décennie 2020 fait l’objet de tant d’enjeux.
Dans une étude publiée dans Global Change Biology, le 24 septembre 2021, une douzaine de scientifiques ont procédé à des modélisations climatiques pour les 500 prochaines années. « Selon les prévisions, des problèmes critiques pour la production alimentaire et les migrations humaines dues au climat devraient se poser bien avant 2100, ce qui soulève des questions quant à l’habitabilité de certaines régions de la Terre après la fin du siècle », rappellent les climatologues en introduction de leur étude.
L’originalité de l’étude réside dans cette attention toute particulière à l’habitabilité : à quoi ressemblerait notre vie sur Terre, après 2100, en l’absence d’une action efficace et rapide ? En plus des températures, les auteurs ont modélisé la répartition de la végétation, le stress thermique et les conditions de croissance de nos principales plantes cultivées actuelles. L’objectif est « de se faire une idée du type de défis environnementaux auxquels les enfants d’aujourd’hui et leurs descendants pourraient devoir s’adapter à partir du 22e siècle », précisent-ils dans un commentaire de leurs travaux.
Le climat de la Terre après 2100 : des régions inhabitables ?
La modélisation est divisée en trois scénarios en fonction de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre : atténuation basse (RCP6.0), moyenne (RCP4.5) ou haute (RCP2.6). L’atténuation haute correspond aux objectifs de l’Accord de Paris, qui permettraient de réduire le réchauffement à seulement 1,5 degré au-dessus des valeurs de l’ère préindustrielle.
Sans surprise, le modèle établi montre que dans les scénarios d’une atténuation basse ou moyenne, les températures mondiales vont continuer d’augmenter même après l’année 2100. Par ailleurs, dans ces deux scénarios, les zones propices aux cultures agricoles, et plus largement à la végétation, se condensent surtout au niveau des pôles. Il n’y a pas seulement un déplacement de ces zones : la superficie adaptée à la plupart des cultures agricoles pourrait se retrouver considérablement réduite après 2100.
Cela signifie que des régions entières, qui nous sont aujourd’hui favorables, seront condamnées — constat valable aussi pour la faune et la flore. Les auteurs citent l’exemple de l’Amazonie : « Notre modélisation suggère que la hausse des températures et la perturbation du régime des pluies rendront le bassin amazonien impropre aux forêts tropicales d’ici à 2500, ce qui aura des conséquences sur le cycle mondial du carbone, la biodiversité et la diversité culturelle. » Il est attesté que l’Amazonie est au cœur d’une sorte de cercle vicieux qui pourrait s’avérer néfaste. Elle émettrait aujourd’hui plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en absorbe.
En outre, au-delà de 2100, le stress thermique provoqué par l’augmentation des températures rendra des régions totalement inhabitables en atteignant des niveaux mortels pour les humains, en particulier dans les régions tropicales. Le stress thermique fait référence aux effets de la chaleur sur la chaleur. Des températures trop élevées peuvent tuer. C’est une conséquence déjà observable : de nos jours, 37 % des décès attribuables à la chaleur seraient déjà la conséquence du réchauffement de la planète.
C’est le cas pour le sous-continent indien, dont les températures moyennes pourraient augmenter entre 2 et 4 degrés entre 2100 et 2500, dans les scénarios d’une atténuation faible ou moyenne. Mais là où se situe l’espoir, c’est que le scénario d’une atténuation élevée, cohérente avec l’Accord de Paris, montre des conditions climatiques similaires au climat actuel du sous-continent. Cela montre « l’effet de réduction des émissions de gaz à effet de serre prises suffisamment tôt ».
Toutefois, même en cas d’atténuation élevée, la modélisation montre que le niveau de la mer pourrait continuer de s’élever. Cela vient confirmer une précédente étude, qui montrait déjà que l’Accord de Paris ne serait pas suffisant pour freiner l’augmentation du niveau des mers. L’échelle exacte de l’élévation dépend toutefois bel et bien des atténuations actuelles.
3 peintures pour montrer le futur de la Terre en cas d’inaction
Les auteurs de l’étude ont eu l’idée de proposer des représentations artistiques pour mettre en images les modélisations produites dans leur étude.
Image 1 : l’Amazonie
Sur l’image du haut, vous observez le bassin amazonien tel qu’il était autour de l’an 1500, avant la colonisation. Sur l’image du milieu, c’est une peinture de l’Amazonie actuelle. Puis sur l’image du bas, on trouve la projection de l’an 2500 : « un paysage aride et un faible niveau d’eau résultant du déclin de la végétation, avec des infrastructures rares ou dégradées et une activité humaine minimale ».
Image 2 : le nord-ouest des États-Unis
L’image du haut représente l’agriculture telle que menée sur le continent nord-américain avant la colonisation. Au milieu, il s’agit de l’agriculture de notre temps. Tout en bas, il s’agit de la projection pour 2500. Celle-ci montre « l’adaptation de l’agriculture à un climat subtropical chaud et humide, avec une agroforesterie subtropicale imaginée à base de palmiers à huile et de plantes succulentes [ces dernières sont aussi appelés malacophytes ; elles sont adaptées aux zones arides] ». Les scientifiques ajoutent un détail à nouveau lié à l’habitabilité réduite, ce sont les petites machines que vous apercevez au fond de l’image : « Les cultures sont entretenues par des intelligences artificielles sous forme de drones, avec une présence humaine réduite. »
Image 3 : le sous-continent indien
En haut, il s’agit d’une plantation de riz, avec du bétail et la vie sociale alentour, typique d’un village agraire d’autrefois. Au milieu, il s’agit d’une scène inspirée de notre époque, avec l’infrastructure moderne permettant la riziculture. L’image du bas, en revanche, se projette dans le futur post-2100 afin de représenter « l’avenir des technologies d’adaptation à la chaleur, notamment l’agriculture robotisée et les bâtiments verts, avec une présence humaine minimale en raison de la nécessité d’un équipement de protection individuelle ».
Les trois représentations montrent une planète qui n’est plus très accueillante pour les êtres humains. Malgré l’atmosphère post-apocalyptique des peintures, les auteurs ne cherchent pas à être déprimants (bien que ce le soit, indéniablement). Il s’agit plutôt d’insérer les enjeux du réchauffement planétaire dans le temps long, en montrant son impact sur le quotidien. « La Terre de nos projections au long terme est étrangère aux humains. Le choix qui s’offre à nous est de réduire d’urgence les émissions, tout en continuant à nous adapter au réchauffement auquel nous ne pouvons échapper, du fait de nos émissions actuelles, ou alors il faudra commencer à envisager la vie sur une Terre très différente de celle-ci. »
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