L’idée que des éruptions volcaniques aient pu être favorables aux dinosaures paraît contre-intuitive. Celles-ci sont invoquées dans les débats scientifiques sur l’extinction des dinosaures. Il est dorénavant admis que leur disparition a été principalement causée par la météorite Chicxulub, mais une activité volcanique très intense a pu jouer un rôle.
Ceci étant, une étude à paraître le 5 octobre 2021 dans la revue scientifique PNAS apporte un solide faisceau de preuves montrant qu’un cycle d’éruptions volcaniques a littéralement favorisé les dinosaures, leur permettant même de dominer la planète. C’était à une tout autre époque que celle de leur extinction.
Il pleuvait ce jour-là
Cette nouvelle étude s’intéresse à la période du Trias, démarrée il y a 250 millions d’années et achevée il y a 200 millions d’années. Cette époque est prise en étau entre deux extinctions de masse, mais elle fut elle-même très riche — et mouvementée — pour la vie sur Terre. On y observe une transition importante : les archosaures sont devenus le clade dominant, ce qui comprend les dinosaures et les oiseaux, les crocodiliens, les ptérosaures.
Au début, les dinosaures ressemblaient à de petits reptiles. Puis, au fil du Trias, il y a eu une explosion dans la diversification génétique, l’évolution conduisant alors à l’apparition de nombreuses espèces, dont certaines sont aujourd’hui bien connues — le Tyrannosaure, par exemple — et qui ont dominé pendant des dizaines de millions d’années. Cette diversification prospère a eu lieu tout particulièrement durant le Carnien, c’est-à-dire le premier « étage » du Trias supérieur (« supérieur » signifie la toute dernière époque du Trias). Et il se trouve qu’au sein de cet étage situé il y a quelque 230 millions d’années, il est possible de « zoomer » encore davantage pour y trouver un moment déterminant : l’épisode pluvial du Carnien.
Cet épisode est marqué par un climat tropical humide fait de précipitations abondantes et constantes pendant, au moins, un million d’années. Cette méga mousson a donné lieu à l’extinction de nombreuses espèces, mais a favorisé plus encore la diversification des dinosaures et donc leur domination.
Pourquoi ? C’est précisément pour répondre à cette question qu’intervient la nouvelle étude.
Quatre événements volcaniques ont tout changé
Les paléoclimatologues se sont penchés sur des sédiments déposés au fond d’un lac, situé au nord de la Chine. Ce faisant, ils ont pu établir une subdivision de l’épisode pluvial du Carnien en « quatre événements distincts », et chacun d’entre eux a une particularité : une hausse de la présence du mercure. C’est un indicateur clé des éruptions volcaniques. Les auteurs écrivent que chacune de ces quatre phases a connu une impulsion volcanique intense, mais « discrète », associée à des rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Ils ont pu relier chacune de ces impulsions aux changements dans le cycle carbone et à l’intensification pluvieuse.
Pour chacun de ces quatre événements volcaniques, il y a eu une augmentation de la végétation adaptée à un climat humide, voire aquatique — des plantes dites hygrophiles. Les auteurs parlent d’une « eutrophisation » du lac qu’ils ont étudié, un phénomène d’accumulation des nutriments et donc de démultiplication des plantes. Cela signifie qu’à chacun de ces épisodes, l’écosystème changeait radicalement et relativement rapidement. Les espèces précédemment prospères n’étaient pas adaptées à cet environnement humide et ont donc disparu, tandis que les dinosaures, plus adaptés, ont pu prendre le relais.
En résumé, les épisodes d’éruptions volcaniques ont donc contribué à changer le climat, donc les écosystèmes, donc la répartition et la diversification des espèces, à la faveur des dinosaures.
Évidemment, il est difficile de ne pas lire cette étude dédiée à un changement climatique rapide et déterminant sans penser au dérèglement climatique qui a lieu de nos jours. C’est précisément la réflexion que s’est posée Sarah Greene, co-autrice de l’étude, auprès du New York Times : « L’ampleur de ces éruptions éclipse toutes les éruptions volcaniques de l’histoire humaine. Mais le taux auquel ces éruptions émettent du dioxyde de carbone est minuscule comparé aux émissions humaines de dioxyde de carbone de nos jours. Ces deux millions d’années ont été un clin d’œil dans les temps géologiques, alors penser que nous modifions la planète à un rythme encore plus rapide en tant qu’humains, c’est un peu effrayant. Qui sait ce que nous allons causer. »
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