« Notre connaissance du fonctionnement du cerveau qui sous-tend la maladie mentale » a fait une vraie avancée, se réjouit la psychiatre Katherine Scangos, sur le site de l’université de Californie-San Francisco. Avec son équipe, elle est à l’origine d’une étude publiée ce 4 octobre 2021 dans Nature Medicine, au cours de laquelle un implant cérébral a fait preuve d’efficacité pour une patiente atteinte de dépression résistante — c’est-à-dire qui résiste aux traitements (un phénomène qui touche 15 à 30 % des personnes en dépression). Cette réussite est une première.
Sur le site de l’université, la patiente — Sarah, 36 ans — témoigne sur son état initial : « J’étais au bout du rouleau. J’étais gravement déprimée. Je ne me voyais pas continuer si c’était tout ce que j’étais capable de faire, si je ne pouvais jamais aller au-delà de ça. Ce n’était pas une vie qui valait la peine d’être vécue. » Puis, après avoir participé à cet essai, ce cycle infernal semble s’être interrompu : « Au cours des premiers mois, l’atténuation de la dépression a été si soudaine que je n’étais pas sûre que cela allait durer. Mais cela a duré. Et je me suis rendu compte que l’appareil complète vraiment la thérapie et les soins personnels (…). »
Une approche totalement personnalisée de la stimulation cérébrale
Cette réussite n’a rien d’habituel, car les tentatives de guérir la dépression par des traitements cérébraux n’ont pas été un franc succès jusqu’à présent. Mais cette équipe de recherche a développé une nouvelle approche, qui représente même un « changement de paradigme » selon ces psychiatres : l’idée n’est plus d’appliquer la même stimulation cérébrale à tout le monde, mais d’en faire une thérapie personnalisée.
Cela se passe en deux étapes.
La première repose sur l’électrophysiologie intracrânienne et des stimulations électriques. En clair, il s’agit là d’une étape d’enregistrement des ondes cérébrales du patient, afin d’identifier des biomarqueurs personnalisés qui expriment spécifiquement le schéma cérébral du patient, là où les symptômes dépressifs se manifestent et où la stimulation peut contrecarrer ces symptômes. Il s’agit d’identifier le circuit cérébral spécifique du patient dans l’expression de sa dépression.
La deuxième étape consiste à fixer l’implant et à connecter les électrodes aux biomarqueurs. Résultat, le circuit cérébral personnel de la dépression du patient est entièrement câblé par l’implant, en boucle fermée.
« Cela a atténué ses symptômes »
La stimulation cérébrale est ensuite entièrement pilotée par les biomarqueurs. Cela signifie que la stimulation se déclenche dans ces zones spécifiques, exclusivement lorsque les symptômes se manifestent. Dès qu’un biomarqueur de dépression se déclenche, un autre biomarqueur associé à l’amélioration du symptôme est stimulé. « L’idée que nous pouvons traiter les symptômes au moment où ils se manifestent est une toute nouvelle façon d’aborder les cas de dépression les plus difficiles à traiter », indique Katherine Scangos. Et en effet, les précédents traitements de stimulation cérébrale contre la dépression fonctionnaient à partir d’un schéma cérébral générique — une stimulation de routine est déclenchée à des moments prédéfinis.
« Nous avons développé une approche de médecine de précision qui a permis de gérer avec succès la dépression résistante au traitement de notre patiente en identifiant et en modulant le circuit dans son cerveau qui est uniquement associé à ses symptômes », résume Katherine Scangos. Cela a permis d’administrer « un traitement personnalisé à une patiente souffrant de dépression, et cela a atténué ses symptômes ».
« Nous devons examiner comment ces circuits varient d’un patient à l’autre »
Clairement, le potentiel est révolutionnaire pour la psychiatrie. Mais l’étude ne tire ses conclusions que d’une seule patiente, ce qui n’est pas suffisant pour généraliser la procédure. D’autant que toute la particularité du projet est d’identifier un schéma cérébral personnel pour chaque patient. Le circuit mis en place pour Sarah, la participante au premier essai, ne sera pas le même pour d’autres. Il est nécessaire de comprendre à plus grande échelle comment cette approche fonctionne. L’équipe de recherche a d’ores et déjà recruté de nouvelles personnes, pour développer leur découverte.
« Il y a encore beaucoup de travail », admet Katherine Scangos. « Nous devons examiner comment ces circuits varient d’un patient à l’autre et répéter ce travail plusieurs fois. » Par ailleurs, il faut aussi étudier l’inscription dans la durée : « Nous devons voir si le biomarqueur ou le circuit cérébral d’un individu change au fil du temps, à mesure que le traitement se poursuit. »
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