La situation sanitaire en France est plutôt favorable, mais l’OMS le rappelle : la pandémie n’est toujours pas sous contrôle. Dans ce contexte, la vaccination des enfants de moins de 12 ans reste un objectif à atteindre. Où en est la recherche médicale ?

Jennifer est la maman de Charlie, onze ans. L’école de son fils ayant été très touchée par le Covid, cette habitante du Midwest américain était inquiète à l’approche de la rentrée 2021. Elle souhaitait que son enfant passe l’automne sans tomber malade ni risquer de contaminer ses proches. Charlie est en plus grand pour son âge.

Alors Jennifer a tenté le coup : elle a trafiqué l’année de naissance sur les formulaires d’inscription, afin de faire vacciner son garçon, raconte Slate.com. Une décision imprudente : aucun vaccin n’a encore été homologué pour les moins de douze ans. Le récit est toutefois révélateur de l’inquiétude des parents et de leur hâte à pouvoir protéger leurs enfants du coronavirus. Mais où en est-on exactement sur la vaccination des moins de 12 ans contre le Covid-19 ?

Vacciner les moins de 12 ans est-il autorisé dans certains cas ?

Certains enfants âgés de moins de 12 ans ont déjà reçu leurs deux doses. Cette autorisation n’a cependant été donnée que dans des cas bien précis, lorsque les enfants présentaient des facteurs de risques de forme très sévère. C’est le cas d’enfants atteints de poly-endocrinopathie auto-immune, de déficits immunitaires spécifiques de la voie de l’interféron de type I, ou encore de prédispositions génétiques aux encéphalopathies virales.

Interrogée par 20 minutes, Sylvie Hubinois, pédiatre et ancienne présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, a précisé : « Il faut absolument que ce soit au cas par cas : il s’agit de prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM), qui doivent être exceptionnelles. » Comme elle le souligne, cela concerne tout de même plusieurs milliers d’enfants en France. « Pour chacun d’eux, avant toute prescription hors AMM, il faut faire la balance entre le bénéfice attendu du vaccin et le risque de développer une forme grave du coronavirus. Pour ces cas très particuliers, si on les vaccine, c’est précisément parce que la balance bénéfice/risque est favorable. »

Pour les autres enfants de moins de 12 ans, il faut attendre une autorisation de mise sur le marché et des doses adaptées au système immunitaire des plus jeunes. Le principe, là aussi, est de pouvoir obtenir un rapport bénéfice/risque favorable. Interrogée par Numerama, Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l’INSERM, précise : « Bien évidemment la sécurité d’emploi de ces vaccins devra être très élevée, mais les bénéfices seront à évaluer à l’échelle individuelle et collective. Faisons un parallèle avec la rubéole : on fait vacciner tous les enfants contre ce virus alors qu’il n’est réellement dangereux que chez la femme enceinte. L’objectif est donc à la fois individuel et collectif. »

Pour la vaccination des enfants contre le covid, il sera nécessaire de prouver l’innocuité du produit, ses capacités à limiter l’infection de l’enfant — ou du moins les formes graves de la maladie — ainsi que ses capacités à limiter la contagion à une tierce personne, si l’enfant est porteur.

Rien que pour s’assurer d’un rapport bénéfice individuel/ risque, cela demande des études cliniques adaptées aux enfants, car ils n’ont pas le même système immunitaire que les adultes. Le leur est plus réactif, souligne Éric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg : « Une partie des effets indésirables est liée à la dose. Lorsque la dose de vaccin est trop importante, le système immunitaire peut sur-réagir, c’est ce qui cause des réactions inflammatoires, comme les myocardites constatées chez des jeunes avec le vaccin Pfizer. »

Que doit-on contrôler sur les vaccins destinés au moins de 12 ans ?

Dans un communiqué publié le 20 septembre dernier, Pfizer a partagé les données préliminaires de son essai sur 2 268 enfants âgés de 5 à 11 ans. Un mois après la deuxième dose, ceux-ci montrent une « forte réponse immunitaire » comparable à celle des participants des essais menés chez les jeunes de 16 à 25 ans. Les effets secondaires sur les enfants étaient également similaires à ceux observés chez les jeunes adultes. Pfizer n’a pas encore publié de données sur l’efficacité du vaccin dans la prévention des maladies dans ce groupe d’âge.

Ce ne sont toutefois que des résultats préliminaires et il n’y a pas encore assez de jeunes participants et participantes pour bien détecter d’éventuels effets indésirables. « Il faudrait des cohortes avec au minimum 15 000 enfants, voire même 15 000 garçons et 15 000 filles. Ces grands chiffres sont nécessaires pour mesurer l’incidence d’un éventuel effet indésirable » explique Éric Billy.

Cela ne va pas sans poser de problème éthique : peut-on aujourd’hui priver des enfants (ceux du groupe contrôle auquel on injecte un placebo ou rien) d’un vaccin potentiellement efficace, notamment sur le variant Delta que l’on sait plus contagieux et plus transmissible ? Autre difficulté éthique : les enfants recrutés dans ses études doivent être consentants et, bien évidemment, leurs parents ou responsables légaux aussi. On peut se poser la question du consentement éclairé d’un enfant de 5 ou 10 ans à participer à une étude, et celle de la responsabilité légale des parents.

Il y a enfin une difficulté temporelle. Le fait que les vaccins soient d’abord testés chez les adultes à des doses différentes renforce l’assurance d’avoir des produits relativement sécurisés. Mais il faut ensuite évidemment repasser par toutes les phases des études cliniques. Même si les chercheurs savent désormais où regarder (par exemple, les inflammations du muscle cardiaque), cela prend du temps, car une grande vigilance reste de mise. Ainsi, la FDA (Food and Drug Administration) a défini les attentes d’une autorisation de vaccin pour les enfants. Outre l’exigence d’un dosage adapté et d’une réponse immunitaire suffisamment forte, mais pas trop, elle a insisté sur la nécessité d’un suivi de la sécurité du produit, pendant deux mois minimum. Il faut par ailleurs pouvoir démontrer la capacité du vaccin à réduire la contagiosité du virus ce qui, là encore, prend du temps.

Quand aurons-nous des vaccins anti-covid pour les moins de 12 ans ?

Les professionnels s’activent, mais le temps de la recherche est long. On peut espérer des résultats début novembre pour les enfants de 5 à 11 ans, suivis par des données sur la vaccination des 2 à 5 ans. Les éléments sur la vaccination des enfants de six mois à deux ans devraient arriver à la fin de l’année.

Mais cela ne signifie pas une mise sur le marché immédiate. Dans l’Union Européenne, des demandes d’autorisation devront être déposées à l’agence européenne du médicament. Les données du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché seront évaluées selon des procédures d’accès au marché définies très précisément dans la réglementation. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) précise : « Dans le contexte de la pandémie et de l’urgence de santé publique, les AMM seront dites conditionnelles. En effet, une AMM conditionnelle permet l’autorisation de médicaments qui répondent à un besoin médical non satisfait, avant que des données à long terme sur l’efficacité et la sécurité ne soient disponibles. » L’ANSM précise que cela est possible uniquement si les bénéfices de la disponibilité immédiate du médicament l’emportent sur le risque lié au fait que toutes les données ne sont pas encore disponibles.

Et l’agence de rassurer : « L’AMM conditionnelle rassemble tous les verrous de contrôles d’une autorisation de mise sur le marché standard pour garantir un niveau élevé de sécurité pour les patients. Une fois qu’une AMM conditionnelle a été accordée, les laboratoires doivent fournir les données complémentaires provenant d’études nouvelles ou en cours dans des délais fixés par l’EMA pour confirmer le rapport bénéfice / risque positif. »

Dans ce contexte, il serait surprenant que la vaccination des enfants de moins de douze ans soit sur la table avant fin 2021.

D’ici là, les meilleures protections pour les enfants demeurent :

  • Aérer/ventiler les espaces clos dans les établissements scolaires
  • Se faire vacciner et faire vacciner ses ados.
  • Essayer de faire respecter le port du masque à son enfant
  • Lui faire régulièrement un auto-test s’il n’y a pas de test salivaire à l’école
  • Essayer de lui faire éviter les lieux de restauration collective lorsque la circulation virale est importante.
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