Les études dont le contenu n’est pas vérifié, mais qui sont partagées malgré tout, voilà l’un des poisons de la pandémie. Cela participe à une circulation active de la désinformation au sujet de la crise sanitaire. Ces études problématiques sont bien en général des « preprint » (ce qui signifie prépublication). Ce type de travaux est diffusé sur des plateformes spécifiques, comme Arxiv et Medrxiv : celles-ci permettent aux chercheurs et aux chercheuses de mettre en ligne et en libre accès leurs recherches.
Mais une étude prend une valeur de « publication scientifique » lorsqu’elle est ensuite publiée dans une revue, car l’étude passe alors par une relecture provenant d’un comité indépendant, une étape essentielle que l’on appelle peer review (relecture par les pairs).
Diffuser des études en preprint qui ne sont pas passées par le peer review, a fortiori lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans une continuité d’autres travaux, relève donc d’une grande prise de risque. Ce fut malheureusement courant, au fil de la pandémie, que des travaux peu fiables aient été largement relayés. Une histoire récente vient le rappeler.
Mi-septembre 2021, une équipe de recherche de l’université d’Ottawa (Heart Institute) a diffusé en preprint une publication concluant qu’il y aurait 1 chance sur 1 000 de contracter une myocardite après la vaccination contre le coronavirus. Le problème, c’est que cette conclusion est fausse. Les auteurs s’en sont rendu compte postérieurement, après que l’étude avait déjà été grandement relayée pour étayer des discours de désinformation « anti-vaccins ».
Quand une erreur mène à la désinformation
Après la diffusion de l’étude via Medrxiv, plusieurs scientifiques se sont penchés sur la méthode et les résultats, lors d’un processus d’open peer-review, c’est-à-dire une relecture libre. Plusieurs d’entre eux ont pointé une erreur, déterminante, dans les calculs. Pour obtenir un taux de risque de myocardite de 0,1 % (1 sur 1 000), ils ont divisé le nombre de vaccins covid administrés à Ottawa par l’incidence des problèmes cardiaques.
Sauf que dans ce calcul, ils ont largement sous-estimé le nombre de doses de vaccin délivrées. Dans l’étude, ils affirment qu’il y en a eu 32 379 à Ottawa. Ce n’est pas le cas : il y en a eu 854 930 (au moment de cette publication), soit 26 fois plus. Lors d’un tel calcul, cette différence change absolument tout : le taux de risque devient encore plus minime que 0,1 %.
Résultat, cette erreur invalide totalement l’étude et sa conclusion.
« Afin d’éviter de tromper nos collègues et le grand public ainsi que les médias, nous souhaitons unanimement retirer ce papier. »
Les auteurs de la publication ont eux-mêmes admis le problème de calcul. Il semblerait qu’il y ait eu une confusion lors de la lecture d’une base de données open source : ils se sont trompés de tableau. Dans une lettre, ils ont demandé à la plateforme Medrxiv de supprimer leur étude : « Afin d’éviter de tromper nos collègues et le grand public ainsi que les médias, nous, les auteurs, souhaitons unanimement retirer ce papier en raison de ses données d’incidence incorrectes. » L’équipe de recherche en profite pour s’excuser et pour remercier les scientifiques ayant procédé à une relecture attentive, rappelant que la publication ne doit plus être citée en référence. Sur le site de l’université d’Ottawa, ils ajoutent être « désolés que cette erreur ait mené à de la désinformation ».
La présence d’une erreur dans une étude preprint n’est pas fondamentalement un problème, puisque le processus de peer review sert aussi, justement, à cela. L’étude n’est pas censée être référencée lorsqu’elle n’est qu’en preprint. La situation montre surtout le vrai problème : la publication en preprint a été reprise à mauvais escient, sans la moindre vérification, alors qu’elle n’avait pas encore la légitimité pour être reprise comme étant la preuve de quoi que ce soit.
Comment bien lire une étude scientifique ?
Lorsque vous voyez une publication scientifique être relayée, il vous faut donc bien vérifier le statut de celle-ci. Un preprint peut tout à fait être intéressant à aborder, à condition que cela soit bien précisé que sa conclusion n’est pas définitivement actée et qu’elle est encore soumise à vérification ; ou bien s’il y a un décryptage de fond avec les auteurs et d’autres scientifiques aptes à critiquer le contenu de l’étude ; ou encore si la publication en question s’inscrit dans un continuum d’autres travaux.
Rappelons enfin qu’à l’heure actuelle, les études sérieuses publiées sur un prétendu lien entre des myocardites et les vaccins ARNm ont exclu une connexion significative entre les deux. Le risque semble exister, en particulier chez des hommes jeunes d’après une synthèse du CDC, mais les cas sont extrêmement rares. Raison pour laquelle les bénéfices de la vaccination dépassent très largement les risques, a fortiori parce que les vaccins réduisent la circulation du virus et évitent avec une grande efficacité les formes graves du covid — plus courantes chez les personnes infectées que ne le sont les effets secondaires problématiques que les personnes vaccinées.
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