La France peut compter sur plusieurs radars pour surveiller ce qui se passe en orbite autour de la Terre. Les débris causés par le missile anti-satellite russe pourront ainsi être suivis de près.

C’est un évènement grave, qui a provoqué la désapprobation sans réserve des États-Unis. La Russie est accusée d’avoir conduit un tir d’arme anti-satellite au cours du week-end, qui a débouché sur la destruction d’un ancien engin soviétique qui était inerte depuis le début des années 1980. Le tir, qui a été manifestement effectué avec un missile, a réussi, car à la place du satellite a été détecté un champ de débris.

Actuellement, les détections menées par les Américains évaluent à 1 500 le nombre d’éclats détectables qui se trouvent désormais en orbite autour de la Terre, sur des altitudes variées. Ces décombres spatiaux pourraient au fil des semaines, des mois ou même des années en générer d’autres, plus petits et moins facilement repérables, si des collisions incontrôlées surviennent.

On sait d’ores et déjà que ces  débris ont constitué une menace pour la Station spatiale internationale, qui a été obligée de faire une manœuvre ces jours-ci pour se mettre sur une orbite sûre le temps que le danger passe — les astronautes, à bord, se sont réfugiés dans les capsules de retour sur Terre, au cas où. Depuis, tout est rentré dans l’ordre, du moins jusqu’au prochain risque de rencontre.

Mais il n’y a pas que l’ISS qui est menacée par ces corps désormais incontrôlables. Tous les satellites à proximité sont désormais exposés, y compris ceux envoyés par les Russes. C’est sur ce point notamment qu’Edward Price, le porte-parole du département d’État, a insisté, en soulignant le problème que cela pose pour toutes les nations qui ont besoin de l’espace pour le suivi météo ou les télécoms.

Les États-Unis, qui disposent de moyens très avancés en matière de détection en orbite, vont suivre de très près l’évolution de ce nuage de débris, ce qui est dans leur intérêt. Mais, selon le commandement américain en charge des opérations spatiales, il est aussi prévu de partager ces informations avec « toutes les nations spatiales » pour qu’elles puissent savoir s’il faut manœuvrer leurs satellites pour éviter tout risque.

Il est là aussi dans l’intérêt de Washington que les autres pays ne disposant pas de leurs propres capacités de détection aient une vue complète de la situation, car cela évitera des collisions supplémentaires : les restes du satellite soviétique pourraient heurter un autre satellite (par exemple australien, bulgare, coréen, philippin ou argentin par exemple), ce qui produirait encore plus de déchets en orbite.

De quels moyens dispose la France pour détecter satellites et débris spatiaux ?

La France, en tant que nation spatiale, profitera certainement de ses données. Cela étant, le pays dispose de moyens souverains pour suivre en autonomie tout ce qui se passe dans l’environnement immédiat de la Terre. « Les armées françaises vont surveiller la trajectoire des débris afin de prévenir tout risque de collision », a ainsi déclaré l’État-major des armées sur son compte Twitter.

Les outils à disposition de la France pour observer la course de ce qu’il reste du satellite soviétique sont de plusieurs ordres. Lorsqu’il était président du Centre national d’études spatiales (Cnes), Jean-Yves Le Gall avait été auditionné en 2018 par la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, où il avait été question notamment de la chute de la station spatiale chinoise Tiangong-1.

Graves

Une image de synthèse montrant une composante de GRAVES. // Source : ONERA

C’est à cette occasion que Jean-Yves Le Gall avait présenté quelques-uns des moyens à disposition du Cnes et des armées pour repérer tous les objets d’intérêt en orbite. Mais si la station Tiangong-1 était plutôt facile à détecter, compte tenu de sa taille, c’est une autre paire de manches de repérer des petits débris.

La France peut s’appuyer sur le Grand Réseau Adaptée à la Veille Spatiale (GRAVES), qui détecte et suit les objets spatiaux évoluant de 400 à 1 000 km d’altitude. Ce radar est en capacité de repérer des objets de très petite taille, de quelques dizaines de centimètres. Mis en service en 2005, il bénéficie d’une rénovation pour lui permettre de détecter encore plus d’objets et de dimensions encore plus réduites.

À cela s’ajoutent les radars SATAM (« Système d’Acquisition et de Trajectographie des Avions et des Munitions ») qui, rappelle le Cnes, servent aussi à la traque des débris pour calculer certaines rentrées atmosphériques, mais aussi anticiper des risques de collision. Ces radars sont au nombre de trois et bénéficient aussi d’un programme de modernisation pour les faire fonctionner encore une dizaine d’années.

D’autres moyens sont aussi à considérer, à commencer par le Monge. Ce bâtiment d’essais et de mesures, qui est en service depuis les années 1990, sert d’abord au suivi des tests de missiles nucléaires français. Mais il s’avère qu’avec ses trois radars de trajectographie, il peut voir beaucoup de choses. Pour la petite histoire, il a par exemple pu suivre une clé à molette dans l’espace qui avait été perdue par un astronaute.

Ponctuellement, d’autres outils sont mobilisables, comme le service Caesar (Conjunction Analysis and Evaluation Service, Alerts and Recommendations) , qui se base justement sur les alertes relayées par les systèmes étrangers, ou bien des initiatives plus expérimentales, comme le démonstrateur OSCEGEANE, qui peut aussi servir à repérer certains satellites en orbite géostationnaire au-dessus de la France et qui s’approcheraient un peu trop des engins français.

Tous ces moyens permettent non seulement d’assurer l’intégrité des satellites français, en effectuant au besoin des manœuvres d’évitement, mais aussi d’alerter éventuellement des partenaires étrangers pour qu’ils puissent, eux aussi, agir sur leur propre constellation. Mais encore faut-il qu’il n’y ait pas trop d’objets à suivre autour de la Terre. Or, les tirs de missiles contre des satellites contribuent au contraire à en rajouter.

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