Malgré leur apparence destructrice, nous pouvons toutes et tous remercier les astéroïdes d’avoir percuté la Terre il y a quelques milliards d’années. Sans eux, notre planète serait sans doute restée inhabitable, sans suffisamment d’eau pour permettre l’apparition de notre écosystème tel que nous le connaissons.
Leur rôle exact reste assez mal connu, mais tous les modèles reconnaissent qu’ils sont nécessaires à l’apparition de la vie, ce qui laisse penser que ce serait également le cas sur d’autres planètes dans d’autres systèmes. C’est en tout cas le point de départ d’une étude parue dans Nature Astronomy le 25 novembre 2021, consacrée au système TRAPPIST-1. Les auteurs assurent que là-bas, cette accrétion tardive n’a tout simplement pas eu lieu.
TRAPPIST-1 est un système planétaire particulièrement populaire chez les astronomes. Situé à un peu plus de 40 années-lumière de nous, il se compose d’une étoile ultra-froide environ dix fois plus petite que le Soleil, et d’au moins sept exoplanètes rocheuses. La plupart sont situées dans la zone dite habitable de leur étoile, c’est-à-dire à la bonne distance pour pouvoir abriter de l’eau liquide. Ces planètes font partie des meilleures candidates pour trouver de la vie extraterrestre, car tous les voyants semblent être au vert pour voir apparaître un monde très similaire à la Terre.
Une histoire racontée par les orbites
Mais il y a une différence de taille, nous raconte Sean Raymond de l’Université de Bordeaux, l’auteur principal de l’étude : « Il n’y a pas eu ce qui s’est passé sur Terre lors de la formation de la Lune : des impacts gigantesques qui ont modifié les planètes et leurs trajectoires. »
Mais comment sont-ils arrivés à cette conclusion ? La méthode traditionnelle pour savoir si une planète a été submergée d’astéroïdes est assez simple : il suffit de regarder les cratères à sa surface. C’est une tâche déjà assez compliquée pour les planètes de notre Système solaire, donc autant dire que même si TRAPPIST-1 est relativement proche de nous, il demeure bien trop lointain. Un retour d’échantillon est évidemment complètement impossible, donc les auteurs ont contourné le problème en s’intéressant plutôt à l’orbite des planètes.
Car TRAPPIST-1 a une autre caractéristique étonnante : toutes ses planètes sont en résonance. C’est-à-dire que le rapport de leur nombre de révolution est une fraction simple… Dit comme ça, pour les moins matheux c’est un peu abscons, mais pour illustrer : si une planète A fait 1 tour autour de son étoile, pendant que la B en fait 2,33333… il n’y a pas de résonance. En revanche, si on a 1 tour pour A et 3 pour B, c’est bon. Si B fait ⅔ de tour, c’est bon aussi.
Pour TRAPPIST-1 justement, toutes les planètes ont ce type de rapport et sont dans une résonance rarement vue dans d’autres systèmes. « Nous avons fait des liens entre plusieurs données qui n’avaient a priori rien à voir, précise Sean Raymond. À ma connaissance, cela n’avait jamais été fait avant ! »
Un objet fragile encore intact
Là où le bât blesse selon les auteurs, c’est justement que cette configuration très harmonieuse n’a pu être rendue possible que par l’absence de chocs d’astéroïdes. L’histoire des planètes de TRAPPIST-1 peut alors se résumer ainsi :
- Des planètes rocheuses se sont formées autour de l’étoile, mais relativement loin, pendant qu’un disque de gaz et de poussière apparaissait plus près,
- Ces planètes se sont rapprochées de leur étoile avant que le disque de gaz ne se dissipe et se sont retrouvées « coincées » dedans. Ce qui a créé ce phénomène de résonance,
- Et aucun astéroïde ou presque n’est venu troubler cette tranquillité.
« C’est comme si vous voyiez un objet très fragile et très vieux chez votre grand-mère, compare Sean Ramond. S’il est toujours intact, vous pouvez en déduire qu’il n’a pas été maltraité par des générations d’enfants ! »
Le problème, c’est que d’autres études ont montré que, lorsque des planètes de petite taille se formaient tôt, elles n’avaient pas le temps de récupérer le gaz contenu dans le disque autour de l’étoile. C’est là que résident les éléments volatils nécessaires à l’apparition de la vie.
Pourtant, les planètes de TRAPPIST-1 semblent bien avoir de l’eau : c’est en tout cas ce qui est prévu par les modèles. Ce qui veut dire que cette eau est arrivée avant, assez tôt lors de la formation de ces planètes, et pas avec des astéroïdes plus tard. « Les modèles restent assez imprécis, reconnaît Sean Raymond. Il y a un manque de confiance statistique, car nous sommes à la limite de ce que nous pouvons observer avec la technologie actuelle. »
Dans tous les cas, les doutes sur l’habitabilité ou non des planètes de ce système pourraient être en partie levés avec le James Webb Space Telescope. Elles font partie des cibles prévues lors de la première année de la mise en service de l’engin, qui devrait être capable de percer à jour au moins la composition de leur atmosphère. Selon une étude encore en cours de validation, il suffirait d’une vingtaine d’heures au JWST pour trouver des traces de dioxyde de carbone et de méthane sur l’une de ces planètes. Si ces gaz sont présents, ce ne serait pas une preuve absolue de l’existence d’une vie extraterrestre, mais y croire sera tout à fait raisonnable.
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