La première image du variant Omicron montrait un grand nombre de mutations, bien davantage que pour le variant Delta. Celles-ci sont, en plus, particulièrement concentrées dans la région où le virus s’accroche à nos cellules. Cela laisse craindre une meilleure adaptation au corps humain. Mais le nombre de mutations n’est pas forcément significatif : reste à savoir quel est leur impact concret sur le coronavirus.
Les laboratoires de recherche qui travaillent à mieux comprendre cette souche estiment qu’il faut attendre la mi-décembre pour des données consolidées. Mais trois premiers ensembles de données viennent d’être publiés. La première publication a été mise en ligne par ses auteurs le 7 décembre 2021, sans être encore publiée dans une revue scientifique — elle n’est donc pas définitive.
« C’est mieux que ce à quoi je m’attendais avec Omicron »
Les auteurs ont testé les échantillons de sang issus de 12 personnes – toutes vaccinées, la moitié ayant déjà été infectée antérieurement. En confrontant ces échantillons au variant Omicron, ils ont constaté une baisse de 41 % du niveau d’anticorps neutralisants par rapport à la souche originelle du coronavirus.
Sur Twitter, Alex Sigal, qui dirige ces travaux, en conclut qu’en présence d’une immunité par un vaccin comme celui de Pfizer, il y a une « très forte baisse de la neutralisation d’Omicron » par rapport au virus ancestral. Les résultats montrent que le variant présente un « échappement étendu » à l’immunité.
Le chiffre fourni correspond à cette expérience en laboratoire et non à une réduction effective de l’immunité face au variant. Pour le dire simplement, ne déduisez pas que les vaccins ou l’immunité naturelle sont 41 % moins efficaces, cela dépend de beaucoup de facteurs (dont le niveau immunitaire initial au moment de l’infection). Qui plus est, les auteurs précisent : « Il s’agit de notre premier ensemble de données et il n’est pas corrigé pour les valeurs inférieures à la dilution la plus faible utilisée – nous présentons le changement brut, qui est susceptible d’être ajusté au fur et à mesure que nous réalisons d’autres expériences. »
Mais c’est aussi là qu’Alex Sigal veut rassurer : cet échappement est certes robuste, mais incomplet, ce qui signifie que l’immunité semble continuer de fonctionner contre le variant. Dans le cas spécifique de cette étude, une infection au covid ainsi qu’une vaccination ultérieure continue de neutraliser grandement le virus. Et détecter une réaction immunitaire dans cette situation relève d’un signe encourageant.
Par ailleurs cette nouvelle souche a encore besoin du récepteur ACE2, comme avant. Ainsi, entre l’échappement incomplet et cela, cela signifie « que c’est un problème traitable avec les outils dont on dispose », affirme Alex Sigal, qui ajoute : « C’est mieux que ce à quoi je m’attendais avec Omicron. »
Cela signifie qu’il faut s’attendre à des « breakthrought infections », c’est-à-dire des percées du bouclier immunitaire conféré par le vaccin. Toutefois, Alex Sigal a estimé (lors d’une présentation des travaux suivie par Bloomberg) que la dose va venir diminuer ce risque d’infection, « en particulier d’infection grave conduisant à une maladie plus grave ». Car, de fait, si la protection immunitaire est réduite par le variant, rebooster cette immunité offre un meilleur bouclier. Il a ajouté que les personnes ayant déjà été infectées devraient soigneusement penser à se faire vacciner compte tenu des premières conclusions.
« Pire que le Delta, mais pas aussi extrême que prévu »
Dans le même temps, une deuxième étude préliminaire a été diffusée par une équipe suédoise. Là encore, le papier n’est pas publié dans une revue scientifique et ne porte donc pas à conclusion définitive. Par ailleurs, l’équipe a utilisé un pseudovirus (une forme de reproduction en laboratoire du virus, à partir de sa protéine clé, mais sans le virus complet). Toutefois, face à l’urgence de la situation, ce type de publication rapide est assez normal.
Ces travaux montrent de leur côté une forte variation dans les résultats. « La perte de neutralisation contre Omicron (par rapport à la souche pandémique originelle) est exceptionnellement variable, certains échantillons ne montrant presque aucune perte, et d’autres montrant une perte de ±25 fois ». Mais là encore, le son de cloche est un peu similaire que chez Alex Sigal : « La perte moyenne du pouvoir de neutralisation était plus faible que prévu », indique Ben Murrell, auteur principal de cette seconde étude. « Par exemple, dans une cohorte de 17 donneurs de sang choisis au hasard, la réduction moyenne était d’environ 7, ce qui est certainement pire que Delta, mais, encore une fois, pas aussi extrême que prévu. »
Une troisième dose nécessaire pour Omicron ?
Un troisième ensemble de données a été publié ce 8 décembre, déterminé cette fois avec la souche véritable et non un pseudovirus.
D’après Sandra Ciesek, ayant conduit ces travaux, ces données « confirment que le développement d’un vaccin adapté pour Omicron est logique », car là encore, on aperçoit un échappement immunitaire, et une protection partielle, donc.
Le virologue Christian Dorsten relève sur Twitter qu’avec ces trois ensembles de données, « nous avons maintenant trois groupes qui ont trouvé une perte d’environ 40 fois de l’activité de séroneutralisation chez les personnes totalement immunisées, en utilisant des virus et des cellules légèrement différents ». Selon lui, les résultats convergent vers le constat qu’« une troisième dose est nécessaire » pour rebooster l’immunité — après une infection ou après deux doses de vaccin.
Plus contagieux, mais pas dangereux ? La conclusion est complexe
Ces premières données, qui sont encore à prendre avec des pincettes puisqu’elles sont préliminaires, suggèrent donc que le variant Omicron serait bel et bien problématique, mais dans une moindre gravité que ce que l’on pourrait craindre. Les vaccins continuent à fournir une protection, bien que réduite et nécessitant vraisemblablement le « booster shot » de rappel.
Mais qu’en est-il de la sévérité de la maladie déclenchée par une infection au variant Omicron ? Les premiers rapports en provenance notamment d’Afrique du Sud (provenant par exemple du district de Tshwane) suggèrent pour l’instant que la très forte augmentation du taux de positivité n’est pas associée à une hausse significative des hospitalisations.
D’ailleurs, le Dr Anthony Fauci, qui dirige le National Institute of Health aux États-Unis, avait récemment pris la parole en indiquant que les rapports actuels montrent que le variant Omicron est moins sévère que le variant Delta dans le domaine des cas graves. « Il semblerait même qu’elle soit moins grave, car si l’on examine certaines des cohortes suivies en Afrique du Sud, le rapport entre le nombre d’infections et le nombre d’hospitalisations semble être inférieur à celui de la Delta. »
Deux limites à cette affirmation :
- Les cohortes auxquelles fait référence le Dr Fauci sont plutôt jeunes, et sont donc des populations moins susceptibles d’être hospitalisées. Il faut attendre des données consolidées, là encore.
- Ensuite, si une moindre sévérité du variant Omicron est confirmée, il ne faut pas en tirer des conclusions trop rapides : une plus forte contagiosité peut contrebalancer une plus faible sévérité, car en touchant plus de monde, le nombre de personnes susceptibles de contracter des formes graves augmente statistiquement. C’est un élément qui devra être pris en compte par les autorités sanitaires.
Toutes ces informations sont temporaires, d’ici à ce que des données plus solides soient partagées. Il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas encore. Elles sont attendues d’ici la mi-décembre 2021, mais il faut s’attendre à ce que l’on en sache vraiment davantage à la fin du mois.
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