C’est un message plein d’entrain publié sur Twitter qui a annoncé la nouvelle : « Nous avons touché le Soleil ! », a écrit le compte officiel du centre de vol spatial Goddard, rattaché à la Nasa, le 14 décembre 2021. Touché le Soleil ? Plus exactement, la sonde Parker, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est entrée pour la première fois dans l’atmosphère extérieure de l’étoile.
Contrairement à une planète tellurique comme la Terre ou Mars qui possède une surface dure, matérialisée par de la roche ou du métal, une étoile n’est pas un corps solide. On ne peut y déposer un rover et parcourir sa surface — il serait de toute façon vaporisé par la chaleur extrême qui y règne, même s’il fait un peu moins chaud à la surface que dans la couronne solaire.
Mais si le Soleil n’a pas de couche semblable à un sol sur lequel se poser, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas composé de certaines strates significatives. Et s’il est sans doute exagéré de dire que la sonde solaire a « touché » le Soleil — il faudrait a minima atteindre sa surface pour justifier un tel contact –, le fait est que la sonde est entrée dans une zone qui n’avait jamais été explorée.
La sonde Parker est entrée dans l’atmosphère du Soleil
C’est ce qui explique le ravissement des astronomes, mais aussi des responsables de l’agence spatiale américaine, comme Thomas Zurbuchen, l’administrateur associé à la direction de la mission scientifique. Car s’approcher de l’astre planté au centre du Système solaire est un exploit, compte tenu des températures ahurissantes qui y règnent.
Et l’exploit est de taille, même s’il ne s’agit que de la couche la plus externe de l’atmosphère, la couronne solaire. « Non seulement cette étape importante nous permet de mieux comprendre l’évolution de notre Soleil et son impact sur notre système solaire, mais tout ce que nous apprenons sur notre propre étoile nous en apprend également davantage sur les étoiles du reste de l’univers ».
Le fait que Parker « touche le Soleil » est un moment monumental pour la science solaire et un exploit vraiment remarquable.
Thomas Zurbuchen
C’est en se basant sur la « surface critique d’Alfvén » que les scientifiques ont pu déterminer le passage de la sonde spatiale dans l’atmosphère du Soleil. Cette limite, explique la Nasa, marque la fin de l’atmosphère du Soleil et le début du vent solaire, qui se propage ensuite dans toutes les directions, notamment vers la Terre — qui est protégée de ce flux grâce à son champ magnétique.
La position exacte de cette surface critique d’Alfvén n’était pas localisée clairement : elle était estimée entre 4,3 et 8,6 millions de kilomètres de la surface du Soleil (ce qui rappelle au passage que l’on reste loin de toucher quoi que ce soit). À force de se rapprocher du Soleil, Parker s’est retrouvée régulièrement en situation de franchir cette délimitation.
Mission de 7 ans
La sonde solaire Parker a quitté la Terre au mois d’août 2018. Sa mission primaire doit durer sept ans, avec une fin attendue en 2025. Mais sa carrière opérationnelle pourrait être prolongée.
C’est en fait le 28 avril 2021 que des indices d’une première traversée ont émergé, lors du huitième survol, mais il a fallu des mois pour le confirmer.
« Parker a rencontré des conditions magnétiques et particulaires spécifiques à [13 millions de km] au-dessus de la surface solaire, indiquant aux chercheurs qu’il avait franchi la surface critique d’Alfvén pour la première fois et qu’il était enfin entré dans l’atmosphère solaire. » Depuis, la sonde s’est encore plus rapprochée, avec un passage en décembre à moins de 7,9 millions de km.
L’activité au niveau des particules constitue un très bon indicateur de ce qui se passe dans l’espace. C’est aussi à travers ce genre de relevé que les astronomes ont pu déterminer le passage de Voyager 1 puis de Voyager 2 à travers la principale frontière du Système solaire, respectivement en 2012 et 2018. Ce faisant, les deux sondes sont entrées depuis dans l’espace interstellaire.
Les relevés de Parker ont aussi permis de montrer que les estimations manquaient un peu de précision, mais surtout que cette surface n’est pas à une distance fixe du Soleil : il y a comme des creux et des bosses. Ce n’est pas une sphère lisse et uniforme, mais une zone ayant une sorte de relief. Cela a été compris en notant que la sonde est entrée et ressortie plusieurs fois de cette surface critique.
Découvrir et comprendre de nouveaux phénomènes solaires
Au-delà du caractère symbolique de cette traversée, la présence de Parker dans la couche supérieure du Soleil a évidemment un intérêt scientifique. La sonde se retrouve ainsi aux premières loges pour observer des phénomènes que d’autres télescopes et engins ne peuvent pas bien percevoir, à cause d’une distance trop importante.
L’agence spatiale américaine donne un exemple : en 2019, Parker a découvert que des structures magnétiques en zigzag dans le vent solaire sont nombreuses à proximité du Soleil. Leur origine et les raisons de leur existence n’étaient toutefois pas claires. Parker, qui s’est rapprochée énormément depuis, a ainsi pu détecter une piste : la surface du Soleil.
Reste maintenant à comprendre pourquoi ces structures magnétiques en zigzag se forment, maintenant que l’on sait à peu près d’où elles viennent. Ce pourraient être des vagues de plasma qui ondulent et roulent sur le Soleil, un peu comme des vagues à la surface de l’océan. Ce pourrait aussi être le résultat de certaines explosions — des reconnexions magnétiques — à certains endroits du Soleil.
Mieux comprendre le comportement du Soleil n’est pas uniquement d’un point de vue strictement scientifique. Cela a aussi un intérêt très pratique pour mieux anticiper la « météo » du Soleil, en particulier en cas de phénomènes extrêmes. Ceux-ci sont en effet suffisamment puissants pour perturber les télécommunications et endommager les satellites en orbite autour de la Terre.
C’est en 2025 que la sonde spatiale effectuera sa manœuvre la plus importante du Soleil, en se rapprochant à près de 6 millions de km de la surface. D’ici là, Parker continuera à abreuver la communauté scientifique de nombreuses données à traiter.
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