Dans la lutte contre le coronavirus SARS-CoV-2, les vaccins basés sur l’ARN messager ont fait une arrivée remarquée avec les formules de Pfizer et de Moderna. Développés très rapidement, ils ont montré une sûreté, et une utilité pour prévenir un grand nombre d’infections et les formes graves de la maladie Covid-19. Bien que leur efficacité soit réduite par l’apparition de la souche Omicron, les laboratoires peuvent développer de nouvelles formules adaptées.
Quoi qu’il en soit, ces vaccins ne sont pas sortis du chapeau. Voilà presque trois décennies que la recherche médicale va bon train sur le développement de vaccins et traitements basés sur l’ARN messager. C’est une méthode connue et de plus en plus maîtrisée. Mais, dans la crise pandémique, ce fut la première fois, face à l’urgence, qu’un vaccin de ce type a été validé par les autorités sanitaires. Ce n’est probablement que le début — Moderna a lancé un essai clinique pour son vaccin contre le VIH qui entraîne le Sida tandis que son essai de phase 1 contre la grippe a été réussi.
Une équipe de chercheurs issue de l’Oregon State University (États-Unis) viennent maintenant de diffuser leurs travaux dédiés au cancer de la peau. Cette étude, publiée dans Journal of Investigative Dermatology le 11 janvier 2022, se penche sur le rôle potentiellement utile d’un vaccin ARN messager dans la lutte contre cette maladie. Plus précisément, un tel vaccin pourrait éviter l’émergence des cancers de la peau provoqués par l’exposition au soleil.
« Depuis plus de 40 ans, les chercheurs se sont penchés sur les antioxydants alimentaires comme source possible d’agents peu coûteux et à faible risque pour la prévention du cancer, mais ils n’ont pas toujours donné de bons résultats lors des essais cliniques et, dans certains cas, se sont même révélés nocifs – d’où la nécessité d’essayer d’intervenir avec de nouveaux agents de chimioprévention tels qu’un vaccin à ARNm », expliquent les auteurs de cette étude.
Un vaccin ARNm peut apprendre au corps à produire des protéines protectrices
Les cancers de la peau proviennent d’un endommagement génétique causé par la lumière ultraviolette du Soleil. D’après les données de l’Organisation mondiale de la santé, un cancer diagnostiqué sur trois relève d’un cancer de la peau. Chaque année, dans le monde, sont enregistrés entre 2 à 3 millions de cancers cutanés non mélanocytaires et 132 000 de type mélanome malin. Chaque année, on compte environ 1 980 décès en France et 37 000 dans le monde.
Un vaccin vient aider notre système immunitaire à lutter contre des virus en préparant le corps à agir de la bonne façon lorsque l’agent infectieux se présente. Comment cela pourrait-il servir contre les UV ? La stratégie ne s’applique pas qu’aux virus, et c’est aussi là qu’intervient tout le potentiel des vaccins à ARN messager.
Ce type de vaccin vient entraîner le corps à agir lui-même contre un agent agressif. Par exemple, les formules de Moderna et Pfizer contre le covid livrent au système immunitaire la recette génétique de la protéine agressive du coronavirus SARS-CoV-2. Ainsi, les cellules produisent toutes seules ce petit morceau du virus, et, le corps s’entraîne à combattre l’agent infectieux pour le jour où il se présenterait vraiment.
C’est cette capacité à entraîner le corps qui est intéressante contre le cancer de la peau. Cette biotechnologie pourrait entraîner notre organisme à générer des protéines antioxydantes supplémentaires dans des situations particulières, quand la peau est menacée (ce qui provoque une réaction biologique identifiable). Ces protéines clés sont appelées Thioredoxin Reductase 1, ou TR1. Une production, au sein des cellules cutanées (les cellules de la peau), pourrait renforcer la protection de notre ADN contre la lumière UV du Soleil.
Ces protéines antioxydantes sont naturellement situées au niveau des mélanocytes — à la base de l’épiderme (surface de la peau). Ce sont des enzymes qui agissent contre les dérivés réactifs de l’oxygène (DRO). Les DRO « cherchent » les électrons au sein des molécules présentes dans nos cellules, enclenchant un processus d’oxydation : une perte des électrons. Et c’est ce déficit qui peut venir dégrader l’ADN. Or, en cas d’exposition forte ou prolongée à la lumière du Soleil, les mélanocytes se retrouvent assiégés par les DRO. À cela s’ajoute que cette exposition entraîne la mélanogénèse — la pigmentation de la peau donc votre bronzage — ce qui produit également des DRO.
La production de protéines antioxydantes TR1 a la capacité de mettre les DRO hors d’état de nuire. Mais pour y parvenir efficacement, elles doivent agir en quantité suffisante. Vous comprenez alors mieux pourquoi un vaccin favorisant les TR1 est à l’étude : l’organisme serait préparé à les produire en quantité suffisante pour protéger les cellules assiégées de DRO lors d’une exposition excessive au Soleil — et pour les personnes qui ont des facteurs de risque sur des expositions simples.
Une expérience réussie dans un modèle animal
Si les recherches scientifiques dirigent assez nettement vers cette solution, il faut que cela soit testé par des essais précliniques. Et cela vient de commencer. Les scientifiques ont produit une expérience dans un modèle animal, des souris, comme c’est régulièrement le cas comme première étape.
Pour ce faire, ils ont testé ce qu’il se passait lorsqu’on entravait la production des TR1 : ils ont retiré le gène TXNRD1, responsable de cette production, afin d’en mesurer l’impact exact sur la capacité des mélanocytes à combattre l’oxydation provoquée par l’exposition UV. Les résultats confirment les hypothèses, ce qui est largement prometteur.
Pour les personnes ayant « un risque accru de cancer de la peau »
Ce début de recherche ne représente que « la face émergée de l’iceberg », selon les auteurs, car ce n’est que le début mais « les possibilités sont passionnantes pour prévenir différents types de progression de la maladie ».
Pour une mise en pratique future, le principal auteur de cette étude, Arup Indra, estime que les personnes présentant un « risque accru de cancer de la peau », comme celles qui travaillent en extérieur, dans des climats très ensoleillés, ou celles qui ont des facteurs naturels de risque, « pourraient idéalement être vaccinées une fois par an ».
L’enjeu présente une véritable urgence médicale. L’OMS relève que la maladie va se développer, aussi en raison… du changement climatique : « Au fur et à mesure de la destruction de la couche d’ozone, l’atmosphère perd de plus en plus sa fonction de filtre protecteur et davantage d’UV solaires atteignent la surface de la terre. On estime qu’une diminution de 10 % de la concentration d’ozone entraînera l’apparition de 300 000 cancers cutanés non mélanocytaires et 4 500 mélanomes de plus. » L’organisation ajoute que, malgré ce contexte environnemental croissant, les principaux facteurs de prédisposition à ce cancer restent « liés à une exposition au soleil dans le cadre des loisirs et à des antécédents de coups de soleil », facteurs qui sont aussi « de la responsabilité de chaque individu ».
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