Observer une supernova, c’est un peu comme arriver en retard à un spectacle. Les comédiens saluent sur scène, la salle applaudit, il y a une certaine effervescence encore présente, mais la représentation est bien finie.
Pourtant, le processus est assez bien connu : à la fin de leur séquence principale, les étoiles les plus massives se retrouvent sans carburant à brûler et implosent, déployant leurs couches de matières partout autour d’elles. Il en résulte un phénomène extrêmement lumineux, une déflagration d’énergie au terme de laquelle se crée une étoile à neutron ou un trou noir.
Mais une nouvelle étude publiée dans The Astrophysical Journal le 6 janvier 2022 vient apporter des éléments à la compréhension de ce phénomène : cette fois, des astronomes ont pu assister au spectacle et ont été témoin des derniers instants d’une étoile avant sa transformation en supernova. « C’est une supernova de type II, nous raconte un des auteurs Luc Dessart, chercheur CNRS à l’Institut d’Astrophysique de Paris. Elle provient d’une super géante rouge comparable à Bételgeuse. »
Une étoile dix fois plus massive que le Soleil
La découverte a pu être faite grâce à deux télescopes situés à Hawaï pendant l’été 2020. D’abord, le télescope Pan-Starrs, chargé de faire des relevés de la totalité du ciel. Puis le Keck Observatory qui a pu affiner ces observations. L’explosion a eu lieu dans une galaxie baptisée NGC 5731 située à 120 millions d’années-lumière de la Terre. L’étoile qui a donné naissance à cette supernova devait être dix fois plus massive que le Soleil, selon les données récoltées.
« Si nous avons pu la repérer, précise Luc Dessart, c’est parce que nous faisons désormais des sondages réguliers de tout le ciel. C’est en voyant le phénomène que nous avons pu remonter dans les archives et comprendre qu’il s’agissait de quelque chose de nouveau, les premiers signes de l’effondrement de l’étoile. »
Ce que les chercheurs ont vu, c’est une forte luminosité émanant de l’étoile. Ils ont donc continué à la scruter pour voir comment cela allait évoluer, et il s’avère que quelques mois plus tard, l’étoile s’est transformée en supernova. L’événement a été baptisé SN 2020tlf et il représente quelque chose d’unique pour mieux comprendre ces derniers instants.
Par exemple, la théorie voulait que les étoiles de ce type ne montrent pas d’agitation particulière avant d’imploser. Or, celle-ci avait commencé à émettre des radiations et à perdre beaucoup de masse quelques mois avant sa transition, ce qui remet en cause les connaissances sur ces objets.
Un cocon de matière
« Nous avons aussi eu des surprises sur la manière dont se comportait la lumière, ajoute Luc Dessart. La supernova a émis des raies très étroites, ce qui va à l’encontre des modèles théoriques, mais nous avons réussi à comprendre pourquoi. »
D’habitude, la lumière qui s’échappe d’une supernova est éjectée dans toutes les directions à la fois, ce qui forme une sorte de cône. Mais cette étoile a provoqué une réaction différente, car, avant l’explosion, elle a perdu une grande partie de sa masse. Toute cette matière éjectée n’est pas allée bien loin, elle a formé un cocon tout autour, un milieu statique circumstellaire qui agissait comme un filtre. Résultat, quand la lumière a été produite par l’explosion du cœur, elle s’est confrontée à ce cocon et les photons ont formé des raies plus étroites, très inhabituelles chez des supernovae.
« C’est un comportement qui était connu, précise Luc Dessart. Mais nous croyions que c’était présent surtout chez les étoiles les plus massives, à partir de quinze ou vingt masses solaires. Ici, le progéniteur est plus petit, mais il a tout de même perdu énormément de masse avant l’explosion. »
Cette découverte ouvre donc de nouveaux questionnements et des interprétations différentes, mais pour en savoir plus, il faudrait découvrir d’autres événements similaires. Ce qui devrait être possible, désormais. Maintenant que les télescopes ont été témoins du type de radiations émis par une étoile quelques mois avant sa transformation en supernova, il suffit d’en trouver d’autres du même type et de garder les yeux fixés dessus en attendant que ça arrive. « C’est possible en théorie, mais c’est compliqué, reconnaît Luc Dessart. Le cocon peut mettre environ une année à se former, le choc dû à l’explosion dure une dizaine de jours, mais tout se précipite sur la fin. Le ciel est grand et ces phases sont courtes, donc il y a toujours le risque de les rater. »
Quoi qu’il en soit, les équipes derrière la « Young Supernova Experiment », sont sur le coup. Cette expérience destinée à trouver des supernovae en sondant l’ensemble du ciel avec le télescope Pan-Starrs a déjà permis la découverte de 2020tlf, et les observations se poursuivent. « Cela a été un grand pas en avant, reconnaît Luc Dessart, car les premières supernovae n’étaient vues que par des amateurs, dans des galaxies très similaires à la nôtre. Maintenant, nous avons des observations plus diversifiées, dans des milieux très différents. Ce qui nous aide à avoir un tableau plus précis de la situation. »
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