Alors que des sondes spatiales partent à des centaines de millions de kilomètres récupérer quelques grains d’astéroïdes, on oublierait presque qu’il reste des météorites à découvrir bien plus près, sur Terre. Et le meilleur endroit pour en trouver, c’est en Antarctique, une région qui concentre plus de la moitié des météorites qui ont été retrouvées sur notre planète et où tout reste à faire. Cette plaque de glace plus grande que l’Europe recèle un véritable trésor : les études suggèrent que moins de 15% des météorites présentes sur le continent ont été trouvées pour l’instant. Il en resterait autour des 300 000 !
Pour fournir un nouvel outil aux explorateurs, des chercheurs belges ont développé un algorithme, présenté dans Science Advances le 26 janvier 2022, qui dit quelles sont les zones les plus à même d’abriter ces précieuses roches. « Nous avons créé une véritable carte au trésor, résume pour Numerama la principale autrice Veronica Tollenaar de l’Université libre de Bruxelles. Grâce aux données connues et au machine learning, nous pouvons prédire quelles zones ont le plus de chance d’avoir des météorites. »
Mettre fin aux expéditions hasardeuses
Il faut dire que l’Antarctique n’est pas la meilleure zone de recherche pour partir à l’aventure sans préparation. Les conditions climatiques difficiles font que la moindre expédition est chère, longue, dangereuse, et si le succès n’est pas au rendez-vous, c’est beaucoup d’investissement gâché.
Pourtant, il existe des indices sur la présence ou non de météorites qui attendent à la surface. Certaines zones de l’Antarctique présentent une glace qui tire légèrement sur le bleu, et c’est là que les météorites sont plus concentrées. Ce phénomène est dû à la sublimation de la glace et au vent qui balaie régulièrement la neige et l’empêche de s’accumuler. « Le problème, souligne Harry Zekollari, également auteur de l’étude, c’est que ces zones bleues ne représentent que 1% de la surface totale de l’Antarctique. Et que leur couleur uniquement ne suffit pas à s’assurer qu’il y a bien des météorites, il nous faut donc être plus précis. »
Dès les années 1970, des modèles ont été proposés après une heureuse expédition japonaise qui était revenue avec neuf météorites retrouvées dans une seule zone. Il était alors connu que les météorites avaient tendance à se regrouper par des mécanismes de concentration. Mais trouver ces zones de concentration relevait davantage de la chance avant tout.
Pour résumer le processus qui se déroule, lorsqu’une météorite tombe quelque part dans l’Antarctique, elle est d’abord enfouie sous la calotte glaciaire recouverte de neige. Puis la glace se déplace sous la surface, transportée par des forces gravitationnelles vers les bords du continent où elle embarque les roches avec elle. Là, certaines sont perdues dans l’océan, mais d’autres rencontrent des obstacles montagneux qui les poussent vers la surface. C’est ici, avec la sublimation, que la glace devient un peu plus bleue et que les vents catabatiques, très présents partout en Antarctique, balaient la neige pour laisser apparaître les météorites préservées. Et il n’y a plus qu’à se pencher pour les ramasser (tant qu’on sait où aller).
Une précision de 83%
C’est là qu’intervient la technologie moderne et plus particulièrement le système de machine learning, qui prend également en compte d’autres paramètres que les images satellites, comme la température de la surface et la topographie pour s’assurer de trouver les meilleurs viviers à météorites. En plus, les simples images satellites ne suffisent pas à localiser des morceaux de roches qui ne font parfois que quelques centimètres de côté, il faut des mesures indirectes pour définir où aller chercher tous ces trésors.
« Nous avons testé la méthode et nous sommes tombés juste, assure Veronica Tollenaar. L’algorithme a réussi à identifier 83% des zones qui sont déjà connues comme étant riches en météorites. » 600 zones ont ainsi été identifiées, dont certaines qui n’ont encore jamais été explorées.
Avec cet outil, les chercheurs espèrent aider les futures explorations qui auront plus de certitudes sur leur destination. Et l’enjeu est grand, car l’Antarctique abrite des météorites qui viennent de la ceinture d’astéroïdes, de Mars, ou même de la Lune. « Il n’y a rien de différent de ce qui peut se trouver ailleurs sur Terre, ajoute Harry Zekollari. Mais les échantillons seront en bien plus grande quantité. En plus, le froid sur place aide les roches à rester bien préservées. »
Au final, l’étude conclut sur le fait que cette méthode représente un grand progrès par rapport à la précédente, qui reposait surtout sur l’expérience des explorateurs qui avaient déjà trouvé des météorites. D’après leurs nouvelles estimations, il resterait encore plus de météorites qui n’ont toujours pas été trouvées, jusqu’à 900 000 selon les prévisions les plus optimistes. Certaines pourraient être très rares et apporter d’importants progrès sur la connaissance de notre Système solaire.
« Nous partageons nos données avec la communauté, précise Veronica Tollenaar. C’est important de collaborer pour de futures explorations. » D’ailleurs, les données et même le code de l’algorithme ont été mis à disposition du public pour que chacun puisse s’en servir, voire l’améliorer. Dans la même idée, ils ont créé un site reprenant les grandes lignes de leur étude et une carte interactive de l’Antarctique. Car les futures expéditions qui trouveront des météorites serviront à affiner l’algorithme avec des données récoltées in situ.
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