Nous n’avons pas attendu la pandémie pour nous sentir seuls. C’est un mal qui s’accroît à notre époque. En 2018, une vaste étude publiée dans The Lancet s’intitulait déjà « Le problème grandissant de la solitude ». Les auteurs à l’origine de nouveaux travaux, publiés dans The BMJ le 9 février 2022, se penchent sur notre rapport à la solitude dans pas moins de 113 pays.
En rassemblant les données obtenus dans des dizaines d’études et d’évaluations nationales, situées entre 2000 et 2019 dans 113 pays au total, cette méta-analyse quantifie la prévalence de la solitude dans notre société contemporaine. La prévalence correspond au niveau de présence d’une maladie ou autre dans une population à un moment donné. Cela permet donc de mieux saisir l’ampleur du phénomène de « solitude problématique », et ses nuances. Ce qui est un enjeu important.
Sur le site de l’université de Syndey, Melody Ding, chercheuse ayant participé à cette étude, rappelle que la solitude affecte la santé mentale et psychique, mais aussi la santé physique, ce qui en fait un problème de santé publique majeur qu’il s’agit de mieux comprendre dans les faits. « Il est communément admis qu’environ une personne sur 12 souffre de solitude à un niveau pouvant entraîner de graves problèmes de santé, mais la source de ces données n’est pas claire et les chercheurs n’ont jamais établi l’ampleur de la solitude à l’échelle mondiale. C’est pourquoi nous étions intéressés par la réalisation de cette étude. »
La solitude est « une expérience commune à l’échelle mondiale »
L’étude met en avant d’importantes disparités, à la fois d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre et d’un groupe d’âge à l’autre. Pour les adolescents, la marge est très large, pouvant passer de 9 % en moyenne en Asie du Sud-Est à 14,4 % dans le Proche et Moyen Orient. Mais c’est chez les adultes de plus de 60 ans que la prévalence de la solitude est la plus élevée en moyenne, avec un chiffre global porté de 11,6 % de cette population. La prévalence la plus élevée d’Europe, pour ce groupe, est l’Italie (18 %).
De même, les pays de l’Europe de l’Est font généralement face aux plus hauts chiffres de la solitude — dépassant facilement les 20 % de prévalence chez les plus de 60 ans et touchant des sommets à 30 % de la population. Inversement, ce sont les pays de l’Europe du Nord (la « Scandinavie ») qui s’en sortent le mieux — dans la plupart des classes d’âges, les chiffres se maintiennent aux niveaux les plus bas de cette région du monde.
La France, en revanche, ne sort pas vraiment gagnante de cette méta-analyse. La prévalence de la solitude dans l’hexagone est l’une des plus élevées d’Europe :
Jeunes adultes | Adultes | + 60 ans | |
France | 8,2 % | 8,8 % | 11-15 % |
Allemagne | 5 % | 4,4 % | 8-13 % |
UK | 6,2 % | 5,1 % | 6-9 % |
Irlande | 4 % | 5 % | 5,3 % |
Belgique | 6,2 % | 6,5 % | 8-13 % |
Suisse | 1,3 % | 2,6 % | 3-4 % |
Espagne | 4,4 % | 6,5 % | 11-14 % |
Pays-Bas | 3,4 % | 3,3 % | 6-9 % |
Portugal | 6,4 % | 9 % | 14,9 % |
Autriche | 9,5 % | 6,4 % | 10 % |
Au-delà de ces disparités, les chiffres restent, dans l’ensemble, assez élevés au niveau statistique. C’est ce qui pousse l’étude à conclure que « nous avons découvert que la solitude à un niveau problématique est une expérience commune à l’échelle mondiale ».
Il y a besoin de mesures contre la solitude
Les chercheurs n’ont pas repéré d’évolution notable de la solitude dans la période étudiée (2000-2019),. Mais, avec la pandémie, il faut évidemment s’attendre à un rebond. « Nous prévoyons que le covid et les restrictions de santé publique qui y sont associées ont accru l’isolement de nombreuses personnes à travers le monde. Cette étude fournira donc aux chercheurs des données de base importantes pour évaluer l’impact de la pandémie sur la solitude à l’avenir », commente Daniel Surkalim, l’un des auteurs.
Les chiffres présentés rappellent cependant que le problème préexiste très largement à la crise sanitaire. « Nous plaidons auprès des professionnels de la santé, des décideurs et du grand public pour une meilleure sensibilisation à la solitude généralisée », écrivent les auteurs, en conclusion de leur méta-analyse. Ils rappellent également que leur étude met en évidence un manque d’équité dans l’accès aux données sur le sujet, d’une région à l’autre. « Des données de haute qualité basées sur des instruments validés et comparables sont nécessaires de toute urgence pour lutter contre la solitude. »
Par ailleurs, la grande variabilité du taux de prévalence nécessite « une étude approfondie afin d’identifier les facteurs de la solitude à des niveaux systémiques et de développer des interventions pour y remédier », estiment les auteurs.
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